Quand débutent les négociations avec Ronaldo ?
En décembre 2008, David Gill (directeur général de Manchester, ndlr) me dit que pour le moment, ils ne voulaient pas le laisser partir, mais qu’ils finiraient par accepter de le laisser partir si on faisait une très bonne offre. Ronaldo avait déjà décidé de partir de Manchester à ce moment-là. Mendes était déjà actif, il faisait tout pour que ça se passe. On savait qu’on n’avait pas le droit de négocier avec lui, mais Mendes était déjà en train de sonder les possibilités de départ de Ronaldo. À l’époque, Manchester United était l’équipe la plus forte d’Europe et il voulait savoir si d’autres clubs étaient prêts à acheter Ronaldo. Si ça n’avait pas été le cas, il serait resté à Manchester.
C’est Ronaldo ou c’est le Real qui a fait le premier pas ?
C’est Ronaldo et son entourage. En fait, tout a commencé lorsqu’on a signé Pepe. Mendes nous a demandé si on était intéressé par Ronaldo. Il nous avait dit que Ronaldo pensait que son cycle en Angleterre était fini et qu’il voulait changer d’air. Je sais aussi que le Barça a voulu faire capoter les négociations. Quand les Barcelonais ont su que nous étions sur Ronaldo, ils ont voulu entrer dans les négociations. Ils étaient intéressés par sa venue, mais Ronaldo leur avait dit non. Lui voulait venir au Real Madrid.
Avec la venue de Ronaldo, vous vouliez reproduire une stratégie semblable à celle des Galacticos ?
On venait de gagner le championnat et, l’arrivée de Ronaldo, c’était un peu comme la cerise sur le gâteau. Ronaldo est un crack et tous les cracks doivent jouer au Real Madrid, c’était ça notre idée. Un an avant, quand je suis arrivé, à la présidence, le Real Madrid n’avait rien gagné depuis trois ans. C’était la première fois dans l’histoire du Real qu’on avait passé autant de temps sans soulever un titre. J’ai donc cassé les Galacticos pour les remplacer par des valeurs qui nous avaient toujours donné des titres, à savoir des grands joueurs capables de bosser et de se sacrifier sur le terrain. Ronaldo correspondait à ce profil. C’est un grand joueur parce que c’est un grand professionnel et surtout c’est un battant sur le terrain. Le succès de Ronaldo, c’est de ne jamais se satisfaire de ce qu’il a. Quand il était à Manchester, il a tout gagné individuellement et collectivement, mais il a tout laissé pour triompher au Real Madrid.
Aller au Real Madrid, c’était une manière pour lui de s’affirmer encore plus comme le meilleur joueur du monde ?
C’est ça, pour lui, le Real Madrid était une manière de valider son statut de méga-star. Manchester est un grand club, mais le Real Madrid, c’est le club qui a vu défiler les meilleurs joueurs de l’histoire du foot. Si tu réussis au Real, ça veut dire que tu es vraiment au top. Il n’aurait pas quitté Manchester pour n’importe quelle équipe.
Vous avez toujours été convaincu qu’il finirait par venir au Real Madrid ?
Oui. Quand un joueur veut partir, on ne peut pas le retenir. Je suis bien placé pour le savoir parce que Robinho m’avait fait le coup. Manchester n’avait plus le choix : il fallait vendre Ronaldo parce que c’est ce qu’il voulait. L’esclavagisme a été aboli depuis longtemps, on ne peut obliger personne à rester dans un club, c’est ce que j’avais dit pour expliquer le départ de Robinho. Après, je ne vais pas vous mentir, pour Ronaldo, ça n’a pas été simple de laisser Manchester. Il était heureux du couple qu’il formait avec Manchester, mais il cherchait une nouvelle aventure. Son départ de Manchester a été aigre-doux.
Justement, Blatter s’était immiscé dans les négociations en faveur de Ronaldo. Il avait même déclaré que les contrats étaient une forme d’esclavage moderne et que Manchester devait le laisser partir au Real…
Blatter avait raison et Ronaldo a fini par aller au Real. Ronaldo est un homme de parole. Il avait promis en juin 2008 de rester un an de plus à Manchester. Et il nous avait promis qu’il nous rejoindrait l’année suivante. Il a toujours été honnête et respectueux envers ses employeurs. Il voulait partir de Manchester en bons termes avec tout le monde parce qu’il savait que sans ce club, il n’aurait pas pu être celui qu’il est devenu. Je ne dirais pas que ça a été facile de négocier la venue de Ronaldo, parce que ce serait faux, mais disons que les relations entre les trois parties furent cordiales, amicales et civilisées, parce que Ronaldo avait été clair avec tout le monde.
Mais Manchester a eu du mal à encaisser le départ de Ronaldo. Ferguson faisait référence au franquisme pour parler du Real. Il vous traitait même de dinosaure…
Le monde du football, c’est un monde de passion. Ferguson avait du mal avec le départ de Ronaldo. Sportivement, ce n’était pas bon pour eux et ça, il avait du mal à le digérer. Le problème, c’est que Ferguson n’était pas le propriétaire de Manchester et, au final, ce sont les propriétaires qui décident s’ils doivent vendre ou pas. Ferguson croyait qu’il était le chef, mais il ne l’était pas.
C’est quel type de mec, Ronaldo ?
La première fois que je l’ai vu, je l’ai trouvé très pro. Je crois que c’est difficile de trouver quelqu’un d’aussi professionnel que lui. Il est obsédé par l’idée de progresser, il en veut toujours plus. Il est très exigeant envers lui-même et ça se voit sur le terrain. Le fait qu’il soit le meilleur et qu’il veuille encore progresser, c’est stupéfiant. Beaucoup de joueurs se contenteraient de vivre sur leurs acquis, mais pas lui. Il ne se relaxe jamais, c’est un champion.
Vous êtes celui qui avez ramené Ronaldo à Madrid, mais tout le monde pense que les négociations ont été menées par Pérez. Ça ne vous dérange pas ?
Je n’ai pas voulu personnaliser ce transfert ni me glorifier d’avoir convaincu Ronaldo de venir au Real Madrid. Ronaldo est venu au Real Madrid pour son histoire et son prestige, pas pour mes beaux yeux ou pour ceux de Pérez.
Florentino Pérez personnalise beaucoup. Il passe son temps à raconter les négociations des joueurs comme la fois où il a demandé à Zidane s’il voulait venir au Real sur une serviette en papier…
(Il coupe) Oui, mais ça, il ne peut pas le faire avec Ronaldo. Parce que ce n’est pas lui qui a mené les négociations. Vous n’entendrez jamais Florentino parler des négociations avec Ronaldo. Pire, Florentino voulait casser le pré-contrat que nous avions signé avec Ronaldo pour une simple et bonne raison : parce que ce n’était pas lui qui avait réussi à décrocher l’accord du joueur.
Vous avez eu peur qu’il ne renouvelle pas son contrat avec le Real Madrid ?
Oui, j’ai eu peur parce que c’est notre meilleur joueur. J’ai la sensation que Cristiano a une clause dans son contrat qui lui permettra de partir quand il le voudra. Moi, quand je l’ai négocié, j’avais fixé une clause de départ de 1000 millions d’euros. C’était une folie, mais je voulais montrer à Ronaldo que c’était le meilleur et le plus important joueur du monde pour nous.
Vous pensez que Ronaldo considère le Real Madrid comme sa maison ?
Il est content avec la ville, les supporters, etc. Après, je crois que sa relation avec Pérez n’est pas aussi bonne que celle qu’il pouvait avoir avec Ferguson. Ronaldo, il aime les figures paternelles. Avec Florentino, il n’a pas de rapports. Sa relation est mauvaise, voire carrément inexistante. Il continue au Real Madrid malgré son président.
C’est un mariage de raison entre ces deux hommes ?
Oui, c’est ça. Ronaldo sent que son travail n’est pas reconnu et il a senti peu d’intérêt de la part de Pérez quand le moment est venu de renégocier son contrat. Ça l’a énervé et quand Pérez est revenu vers lui pour négocier, il a fait traîner les négociations. C’est pour ça que la rénovation de contrat a été aussi difficile. Pérez lui a dit que s’il n’était pas content, il pouvait partir du moment qu’il faisait entrer de l’argent dans les caisses. Et ça, Ronaldo ne l’a pas oublié. Ronaldo ne s’est jamais senti protégé par Pérez quand il a eu besoin d’être défendu et dernièrement quand Blatter s’est moqué de lui, Pérez s’est senti obligé de défendre Ronaldo, mais presque par obligation, pas parce qu’il en avait réellement envie. Ronaldo n’accepte pas qu’il ait voulu avorter sa rénovation de contrat.
Vous avez fait de Blatter un socio d’honneur du Real Madrid…
C’est vrai, après je crois que tout a été dramatisé. Blatter n’a pas eu raison de faire ça, mais en Espagne tout a été sorti de son contexte. On a parlé d’offense envers le Portugal, le Real et l’Espagne… Bon, je connais Blatter et je peux vous dire qu’il est fan du Real Madrid. Il aime ce club et surtout il est très admiratif de Ronaldo.
Qu’est-ce que Ronaldo a véritablement apporté au Real Madrid ?
Les buts. Et l’exemplarité. Que le meilleur joueur du monde soit celui qui travaille le plus, ça a marqué beaucoup de gens. C’est stimulant pour ses coéquipiers de voir que celui qui a tout gagné n’est pas rassasié de victoires. Il a montré à tout le monde que le succès se bâtit sur le travail et ça c’est très, très important parce qu’à un moment donné, la notion de travail, on l’avait un peu oubliée. Ronaldo, c’est le meilleur exemple qu’on ai pu donner aux jeunes du club : sa manière de lutter, son sens du sacrifice, son professionnalisme. C’est devenu un modèle à suivre pour tout le monde.
Vous pensez qu’il raccrochera les crampons au Real Madrid ?
Je ne pense pas qu’il finisse sa carrière au Real. J’ai la sensation qu’un jour, il retournera en Angleterre.
Propos recueillis par Javier Prieto-Santos
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