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Cagliari, ce club SDF

Par Alexandre Pauwels
5 minutes
Cagliari, ce club SDF

C'est une nouvelle fois le bordel du côté de Cagliari. Le président Cellino crée les polémiques et se retrouve en taule, tandis que les tifosi ne peuvent plus applaudir leur équipe, faute de stade. Et pourtant, dans de telles circonstances, les joueurs s'en sortent bien. Retour sur une saison folle en Sardaigne, avec escales à Parme et Trieste.

Cagliari. Unique représentant de la Sardaigne en Serie A. Un Scudetto acquis en 1970, sous l’impulsion du plus grand joueur de son histoire, Gigi Riva. Un club historique. Et un club qui appartient depuis 1992 à Massimo Cellino. Un enfant du pays, né à Cagliari même. Un riche entrepreneur agricole, une figure du Calcio, un fou, pour certains. Il faut dire que sa grande gueule, sa superstition maladive, ses démêlés avec la justice et sa consommation abusive d’entraîneurs ont façonné une certaine image. Mais un mec passionné, amoureux de son île, de sa ville et de son club, ça, il l’est assurément. Parce qu’on pourra reprocher bien des choses à Cellino, mais certainement pas sa motivation pour offrir à son club un stade. Son stade, pas celui d’une municipalité à laquelle il devrait reverser un loyer annuel. Une denrée rare en Italie, puisque seule la Vieille Dame, avec son Juventus Stadium, peut se targuer de posséder sa propre enceinte.

Le vieux Sant’Elia et le projet avorté du Karalis

Ce stade privé, Cellino en rêve « depuis 1995 » , comme le déclarait récemment à Tuttomercatoweb Matteo Villa, ancien joueur et capitaine du club. En cela, le président est un visionnaire. Il a bien senti qu’une telle opération serait économiquement profitable à son Cagliari. Mais vingt ans plus tard, il n’est pas encore parvenu à ses fins. Pourquoi ? L’administration. « Ici, pour obtenir un permis de construire et concrétiser un investissement, il faut entre huit et dix ans. Huit et dix ans ! En Autriche, six mois suffisent… » nous déclarait Maurizio Zamparini, président de Palerme, dans notre numéro 104 du mois de mars. De fait, le président sarde a vu bon nombre de projets partir en fumée. Seul l’un d’entre eux aurait pu aboutir. Nous sommes en 2010, et le président est tout fier de présenter la Karalis Arena, enceinte moderne de 25 000 places, qui serait implantée dans la zone de Santa Caterina, proche de l’aéroport de Cagliari. L’administration ne s’oppose pas à la construction – plutôt bien vue au regard de l’Euro 2016, pour lequel l’Italie a postulé – Cellino achète le terrain, mais l’ENAC (autorité nationale italienne de l’aviation civile) fait tout capoter en jugeant que le stade serait trop proche des pistes d’atterrissages.

En plus de cet échec, le président doit aussitôt faire face à la situation du Sant’Elia, fermé au public en janvier 2012. Ce stade, construit au lendemain de l’unique Scudetto du club, est alors jugé « insalubre » et « trop dangereux » pour accueillir les tifosi. Après quelques matchs à huis clos, Cellino décide de délocaliser les matchs à domicile à 1000 kilomètres de là, à Trieste. L’affaire de quatre petites rencontres, puisque dans le même temps, le Casteddù obtient un accord avec la municipalité de Quartu Sant’Elena pour s’implanter trois ans dans l’Is Arenas. Une solution de repli pour Cellino, qui, s’il n’abandonne pas son rêve, doit bien trouver une enceinte pour la saison suivante. Mais il s’agit simplement du point de départ de nouvelles emmerdes.

Le bordel de l’Is Arenas, l’arrestation du boss

L’été dernier, en effet, une véritable course contre la montre s’amorce. En quelques semaines, la pelouse du petit stade doit être refaite, la capacité revue à la hausse, un parking installé. En bref, tout doit être mis aux normes pour que Cagliari puisse jouer ses matchs à la maison. Mais très vite, on se rend compte que ce n’est pas le cas : dès septembre, et une réception de la Roma, la préfecture met le holà. Le stade ne répond pas aux normes de sécurité pour l’accueil du public. Cellino réagit en invitant tout de même les tifosi, déclenchant la polémique, et la victoire sur tapis vert des visiteurs. S’ensuit un joyeux bazar : des matchs joués à huis clos, d’autres devant les abonnés seulement, un duel face à la Juve en décembre étant même disputé à Parme. Dans cette affaire, Cellino est arrêté le 14 février dernier. Accusé de détournement de fonds, il est également soupçonné d’avoir fait pression sur des entrepreneurs locaux pour qu’ils accélèrent les travaux de mise en conformité de l’Is Arenas. Le président est alors emprisonné. Incarcéré deux semaines, il refuse même de quitter sa cellule en guise de protestation, avant d’être finalement transféré vers un centre de réinsertion d’anciens détenus. Incroyable.

Mais il y mieux. Comme le soutien des tifosi, qui lui témoignent majoritairement leur soutien – certains jusque devant sa geôle – conscients de son implication dans le « projet stade » . Les joueurs aussi se montrent concernés. Entre deux manifestations pour l’ouverture d’une tribune à l’Is Arenas, ils réalisent de petits miracles sur les terrains. Y compris depuis début avril, et la décision finale du club de renoncer à l’engagement de trois ans avec la municipalité de Quartu et, donc, à son stade. Depuis délocalisés à Trieste, dans un Stadio Nereo Rocco qu’ils commencent à connaître, les Rossoblù enchaînent. Comme remobilisés dans l’adversité, ils ont réalisé une seconde partie de saison tonitruante. Pour tout dire, ils sont même 3es sur cette phase retour, ayant récolté 26 points avec sept victoires et cinq nuls – un seul revers subi, face à Bologne. Le club se trouve derrière la Juve (30 points) et le Milan (29 points), avec lequel il partage la palme de la plus belle remontée de l’année. Il n’y a pourtant pas eu de recrutement durant le mercato hivernal, pas plus qu’une révolution sur le banc – le duo Lopez-Pulga a été intronisé en octobre, en lieu et place de Ficcadenti. Non, les Sardes ont simplement réagi de la meilleure des manières. Pour peu, on pourrait presque parler d’une belle histoire. Presque. En réalité, il faudra évoquer une parenthèse dorée. La fin de saison approchant, ressurgiront bien vite les vieux démons. Et donc, le souci du stade. Parce qu’il faudra bien communiquer une nouvelle adresse pour les matchs à domicile, ne serait-ce que pour s’inscrire au prochain championnat. Et à l’heure actuelle, il n’est pas dit que ce stade se trouve en Sardaigne…

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