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- Cádiz-Valence (2-1)
Cádiz-Valence et insultes racistes : comment tout a dérapé
Ce dimanche lors de Cádiz-Valence, Mouctar Diakhaby aurait été victime d’insultes racistes de la part de Juan Cala. En signe de protestation, les joueurs de Valence ont quitté le terrain dans une ambiance tendue. Un fléau qui n’est pas rare en Espagne, alors que la Ligue se bat pour éradiquer toute forme de discrimination.
On joue la 30e minute, à l’Estadio Ramón de Carranza de Cádiz. Le score est d’un but partout, Kevin Gameiro ayant répondu à Juan Cala cinq minutes après l’ouverture du score du promu. Tout à coup, l’arbitre de la rencontre David Medié arrête le jeu et se précipite vers le rond central où la tension est à son comble. Mouctar Diakhaby cherche à en découdre, mais il est vite pris en charge par un coéquipier qui l’éloigne de l’agitation. L’ancien Lyonnais écope d’un carton jaune, alors que son coéquipier Gabriel Paulista tente de le calmer.
Grâce aux images captées par Movistar, on entend clairement le défenseur brésilien répéter : « Pas un putain de nègre. » Alors que l’arbitre observe la scène, le défenseur français mime des gestes de paroles. Dans le même temps, David Medié discute avec Juan Cala, le présumé fautif. Alors que la télévision espagnole diffuse plusieurs ralentis, les éléments se superposent : présent dans la surface, Juan Cala s’est en fait tourné vers Mouctar Diakhaby avant de regagner son camp. Le Valencien l’a alors montré plusieurs fois du doigt, avant que les deux joueurs ne s’engueulent dans le rond central.
Stop, stop, stop
C’est à ce moment-là que Mouctar Diakhaby – frustré de ne pas être entendu – quitte le terrain, accompagné de ses coéquipiers. À travers ce geste fort et symbolique, les joueurs valenciens montrent que le combat contre le racisme doit se faire ensemble, envers et contre tout. Une façon aussi de dénoncer ce fléau qui restera toujours d’actualité, avec ou sans supporters. Face à cette réaction, l’arbitre n’a d’autre choix que d’arrêter la rencontre qui reprendra finalement vingt minutes plus tard. Sans le Français, remplacé par Hugo Guillamón.
Nuestro TOTAL APOYO a @Diakhaby_5 ?? ?? ???????El jugador, que ha recibido un insulto racista, ha pedido a sus compañeros que vuelvan al campo a luchar.TODOS CONTIGO, MOUCTAR #JuntsAnemAMUNT#AllToPlayFor pic.twitter.com/GQzpuO4I2w
— Valencia CF (@valenciacf) April 4, 2021
Sur Twitter, le club de Valence a immédiatement qualifié ces propos de discriminatoires. Avant de préciser que « le joueur (Mouctar Diakhaby, NDLR), qui a reçu une insulte raciste, a demandé à ses coéquipiers de retourner sur le terrain pour se battre ». Dans un communiqué, le Valence CF « espère que cet incident fera l’objet d’une enquête. À [leur] grande déception, aucune décision n’a été prise.[…]Aujourd’hui est un jour triste pour notre sport. Ce que nous avons perdu aujourd’hui n’est pas un match, c’est le respect et l’esprit du football et du sport qui ont été perdus. »
Mauvaise publicité pour la Liga
Selon Javi Gracia, le technicien valencien présent en conférence de presse, son équipe aurait en plus été sanctionnée si elle ne revenait pas sur le terrain : « Dans le vestiaire, tout le monde parlait et donnait son avis. Nous ne savions pas quelle était l’opinion la plus correcte et nous avons essayé d’en discuter avec Diakhaby, mais il n’était pas d’humeur. Nous lui avons demandé comment il allait, il nous a dit qu’il comprenait que nous devions rejouer et nous sommes revenus sur le terrain avec l’idée de remporter la victoire. Nous regrettons ce type de situation, et nous condamnons le racisme. » Coïncidence ou non, le « coupable » Juan Cala est renvoyé sur le banc pour la deuxième période. Après la rencontre, remportée (2-1) par Cádiz, l’entraîneur du promu, Álvaro Cervera, a publiquement pris la défense de son joueur : « Cala nous a dit dans les vestiaires qu’à aucun moment il n’avait insulté Diakhaby, et je crois mon joueur. »
En fin de soirée, Cádiz a publié un communiqué dans lequel le club rappelle qu’il est « contre toute situation de racisme ou de xénophobie, quel qu’en soit l’auteur, et nous travaillons à son éradication. Tous les auteurs de ces crimes, qu’ils appartiennent ou non à notre équipe, doivent payer pour cela. Nous ne doutons pas de l’honnêteté de tous les membres de notre effectif, qui sont de fervents défenseurs de la lutte contre le racisme, dont l’attitude a toujours été exemplaire dans tous les matchs qui se sont joués ». N’empêche que cette affaire est clairement une mauvaise pub pour la Liga, qui voit les polémiques s’accumuler. Fin janvier 2020, l’attaquant de Bilbao Iñaki Williams avait par exemple été victime de cris racistes venus des tribunes du stade Cornellà-El Prat de l’Espanyol Barcelone. La Fédération espagnole n’avait pas attendu bien longtemps avant de condamner cet incident d’une « gravité extrême », et la RFEF (Fédération royale espagnole de football) avait d’ailleurs porter ces faits « à la connaissance de la Commission nationale contre la violence ».
Un combat quotidien, pour la Ligue espagnole
Après les évènements de Cádiz-Valence, une réaction est également attendue du côté de la Ligue espagnole et de son président Javier Tebas. Lequel, en juin dernier, avait annoncé lors d’une conférence de presse que le racisme était « un sujet à éliminer. Tous les comportements racistes qui peuvent se produire autour de notre football ont été l’objet de poursuites de la part de la Liga, et pour ceux qui répondent de notre compétence, ils ont été sanctionnés ».
C’est ce qu’il s’est passé dans l’affaire Iñaki Williams, où la Ligue avait déposé plainte pour « atteinte à la dignité des personnes en raison de discriminations liées à la nation ou à l’origine nationale » en novembre dernier. Reste que les prochains jours seront décisifs en Espagne, et les actions de la Ligue particulièrement scrutées. L’instance va devoir analyser les images fournies par la télévision espagnole pour prouver les accusations de Mouctar Diakhaby, avant de se prononcer sur d’éventuelles sanctions à l’encontre de Juan Cala. Dans un monde utopique, cette histoire serait la dernière du genre…
Par Analie Simon