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Cabaye, « le Xavi français », vraiment ?
En conférence de presse, avant de s’opposer aux Bleus à Madrid, Vicente del Bosque affirmait : « Cabaye est leur milieu de terrain le plus talentueux, il est comme notre Xavi ». Une comparaison forte. Trop forte ? Surtout que Cabaye n’a rien à voir avec Xavi, hein ? Non ? Si ? En fait, quel est le rôle de Cabaye sur le terrain ?
Deux milieux centraux. Yohan Cabaye, 1m75. Xavi, 1m70. D’un côté, de la vivacité dans les petits espaces, un bon pied droit qui sait renverser le jeu, varier et jouer long, une grosse frappe de balle et un esprit de combattant au pressing et à la couverture. De l’autre, Xavi. Le seul et unique Xavi Hernández. Avant d’aborder cette comparaison osée, soulignons un point commun certain : le temps écoulé pour arriver à la reconnaissance qui est la leur aujourd’hui. Quand l’Euro 2008 a transformé la carrière de Xavi, Cabaye a attendu la saison du titre lillois pour devenir international. Deux joueurs qui font tout, deux milieux qui font tout voir, mais que l’on ne voit pas ?
Cabaye n’était pas le Xavi lillois
Si la comparaison avec Xavi repose sur quelques fondements, elle le cherche dans le 4-3-3 du LOSC de Rudi Garcia, où Mavuba-Balmont-Cabaye aura été une sorte (relative) de Busquets-Xavi-Iniesta français. Un triangle qui, tout en restant loin de l’élaboration barcelonaise, aura fourni fluidité, contrôle et créativité. Mais en Espagne, Xavi est surnommé « l’Ordinateur » . Et s’il y avait eu un joueur assimilable à une machine à Lille, cela n’aurait pas été Yohan : celui qui touchait le plus de ballons, qui réalisait le plus de passes et qui régulait le jeu des Nordistes, c’était Rio Mavuba.
De son côté, Cabaye couvrait des espaces, relayait les offensives, participait aux phases de construction, mais il n’était pas le jeu lillois comme Xavi peut être celui du Barça. Aussi, il marquait des buts, frappait de loin et taclait, ce qui le prédestinait déjà au style de milieu box-to-box anglais. Des coups francs, des pénalties, des buts rageurs. En 2009-10, Cabaye plante 13 buts en 32 matchs de championnat et devient un modeste Frank Lampard de Ligue 1. Si son influence sur le jeu lillois n’est pas exactement xaviesque, elle reste énorme : il n’y a qu’à voir ce qui reste de cette fluidité.
Et Cabaye n’est pas non plus le Xavi des Bleus
Avec les Bleus, le rôle de Cabaye est non seulement différent, mais aussi extrêmement variable. À l’Euro, dans le 4-3-3 de Blanc, Cabaye aura presque tout fait, positionné entre le 6 (Diarra puis M’Vila) et Nasri. Si ce dernier a été critiqué pour ses touches de balle répétitives, son rôle était bien de suivre sans cesse le mouvement du jeu, de proposer, d’être le fil conducteur, à l’image d’un Valbuena à Marseille ou d’un… Xavi à Barcelone. Et Cabaye ? Il se plaçait entre les deux. Ni architecte, ni meneur des Bleus, mais bien relayeur selon la définition même du terme. Pour relayer entre M’Vila et Nasri, et faire passer le collectif de la phase offensive et à la phase défensive.
Pour situer, face à l’Angleterre, Cabaye réalise 71 passes, et Nasri 105. Face à l’Ukraine, c’est du 38 contre 68. Le plus intéressant est peut-être finalement de se rappeler qu’il était le principal absent face à la Suède : la comparaison reste donc pertinente dans l’influence du joueur sur son collectif. Moins d’équilibre, moins de percussion, moins de jeu. Le fait que Cabaye soit devenu indispensable en équipe de France est peut-être la seule chose sur laquelle toute la France s’est mise d’accord à l’heure de faire le bilan ukrainien.
Un cerveau, des longues passes et Paul Scholes
Le coach des Magpies, Alan Pardew, va dans le même sens que Del Bosque : « Il est le cerveau de mon équipe, celui qui sait quand il faut accélérer le rythme du match ou ralentir le tempo. » En Angleterre, Cabaye joue dans un 4-2-2-2 aux côtés de Cheick Tiote. Et dans ce système, c’est bien lui qui dicte le jeu : les relances passent par les pieds du Français, le numéro 4 lance les accélérations et bouge le bloc-équipe. Mais les cerveaux des championnats anglais et espagnol sont bien différents. D’une part, le cerveau Cabaye fait jouer un football direct et physique, aux changements de phase incessants. La longueur moyenne des passes de Cabaye est de 25m, avec 77% de réussite, d’où une prise de risque importante. Celle de Xavi est de 17m, avec 94%. D’autre part, Cabaye brille particulièrement sur ses coups de pied arrêtés, frappes lointaines et longues ouvertures (cf. le premier but face à Bordeaux). Cabaye n’a pas besoin de beaucoup toucher le ballon pour briller.
Petit bijou de coup franc face à Manchester United
Tout tranquillement, Cabaye a ainsi suscité l’intérêt de Tottenham et provoqué une rumeur l’envoyant à Manchester United. Sont-ils vraiment à la recherche d’un Xavi ? Si les premiers souhaitent remplacer Modrić, Sir Alex recherche l’héritier de Paul Scholes. Après avoir pensé à Sneijder, Modrić, Şahin ou encore Vidal, voilà Yohan Cabaye. Réflexion faite, cette paire Cabaye-Tiote a bien des similitudes avec le schéma so nineties Scholes-Keane. La France aurait donc peut-être l’honneur de détenir l’héritier caché du grandissime Paul Scholes… Cette comparaison aurait plus de sens que celle de Del Bosque, que nous mettrons donc sur le compte de l’élégance du caballero, toujours prêt à lâcher un compliment. Nous garderons néanmoins la première partie de la déclaration (avec une douce pensée pour Diaby) : « Cabaye est aujourd’hui le milieu de terrain français le plus talentueux. »
Par Markus Kaufmann
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