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Caballero : « C’était pas un film d’Hollywood cet Euro »
Pour son dixième anniversaire, le festival des Ardentes avait dégainé une énorme programmation. Artistes français et américains étaient au rendez-vous pour cinq jours de folie. Avec évidemment, quelques artiste locaux. Parmi eux, Caballero & JeanJass ont mis le feu sur l'une des trois scènes du festival. Juste derrière, ils se sont posés quelques secondes pour parler foot.
Il paraît que vous êtes de grands fans de foot.JeanJass : Ah bah moi, franchement, c’est toute ma vie. En dehors du rap, c’est vraiment ma grande passion.Caballero : Moi, j’ai connu des hauts et des bas. Disons que j’ai connu différentes phases, parfois je suis à fond, parfois moins. Mais je suis toujours le Barça, car je suis né à Barcelone et que toute ma famille est de là-bas. Quand Guardiola est arrivé, c’est là où j’ai vraiment tout suivi, j’étais sérieusement à fond. Mais c’est vrai que ces dernières années, je ne suis plus trop, même si j’arrive toujours à apprécier un bon match. De toute façon, avec JeanJass, je n’ai pas le choix, je suis obligé de rester connecté au foot vu qu’il en parle toutes les deux secondes.J : J’aime bien le Barça également depuis que je suis gamin, car je suis fan du jeu qu’il propose, mais pour être honnête, j’ai un peu trahi ces derniers temps, depuis que Zidane est arrivé sur le banc du Real.
Et en Belgique, vous supportez qui ?J : En venant de Charleroi, je suis bien obligé de supporter le Sporting. Mais bon, comme le championnat belge n’est pas le plus sexy qui existe, si tu veux rêver un peu plus, il faut se tourner vers les championnats étrangers. Après, peut-être que ça risque d’évoluer avec notre belle équipe nationale qui commence à faire parler d’elle. Même si, bon, il faudra énormément d’années et énormément d’argent pour faire évoluer notre championnat.
En parlant de l’équipe nationale, comment avez-vous vécu cet Euro ?
J : Mal, forcément. Après, pour être honnête, je pense que Marc Wilmots est un très bon leader, le genre de mec qui te donne envie de te surpasser et tout, mais je ne crois pas que ce soit un tacticien, et si tu veux devenir champion du monde ou d’Europe, tu as besoin d’avoir un leader tactique et Wilmots n’en est pas un.C : Comme dit JeanJass, c’est avant tout un bon meneur, mais ça s’arrête là.J : D’ailleurs, j’estime que je pourrais faire un meilleur travail que lui si on veut bien me donner ma chance (rires).
Revenons sur cette défaite contre le pays de Galles. Énorme coup dur ?C : Ah bah JeanJass, j’ai dû lui envoyer mes condoléances par texto, comme s’il avait perdu un proche. Je sais que ça lui tenait grave à cœur. Et puis, mine de rien, on partait favoris sur ce match-là.J : Putain, on perd face au pays de Galles… Malgré tout le respect que j’ai pour eux, on perd quand même face au pays de Galles, il faut bien en avoir conscience. Bon, ça va, on n’a pas non plus fait comme les Anglais qui ont perdu contre l’Islande, là ça a dû être un vrai drame pour eux.C : Il était quand même pas ouf cet Euro, quand on y pense.
Ah ouais, vous vous êtes fait chier globalement ?J : Bah il y a eu quelques joueurs frisson, quelques buts frissons, mais à part ça, c’est resté assez terne dans l’ensemble, faut pas se mentir. Après, je pense que les mecs sont cramés. J’ai l’impression d’avoir vu plein de joueurs complètement cuits. Ce qui est normal avec ces saisons toujours plus longues, les gars finissent par n’avoir plus rien dans les jambes.C : C’est vrai que là, pour le coup, tout le monde s’est rendu compte que personne n’était au top de sa forme. C’était pas un film d’Hollywood cet Euro, hein.
Et vous étiez où quand vous perdez contre le pays de Galles ?
J : J’étais avec Senamo de la Smala (un groupe de rap belge) et Flynt. D’ailleurs, Flynt, un moment on a dû faire une pause en studio, car son jeune fils voulait absolument un maillot de la Belgique. C’est incroyable, non ?C : Le jour où ils perdent, en plus.J : Putain, ouais, c’est vrai qu’il nous a pas porté chance sur ce coup-là. Mais bon, derrière, on a fait du bon son, et c’est ça le principal. D’ailleurs, heureusement qu’on a passé la soirée en studio et que j’ai pu passer directement à autre chose, car sinon ça aurait été vraiment compliqué à vivre. Il y a des défaites difficiles à vivre, celle-là en fait partie. Un peu comme quand Zizou prend son carton rouge en finale en 2006.
Pourquoi, tu étais pour la France cette année-là ?J : Oui, enfin pour être tout à fait honnête, j’étais pour Zidane. Je suis à moitié marocain et il faut savoir que c’est très maghrébin de supporter la France, car il y a souvent des joueurs qui ont des origines maghrébines.
Pour toi, c’est le joueur ultime ?J : Bien évidemment ! Cet homme est intouchable. Je ne sais même pas quoi dire, il a marqué trois buts en finale de Coupe du monde. Sa reprise de volée incroyable en finale de Ligue des champions. Tout est beau chez lui.C : Moi, je suis obligé de te dire Messi. Je ne peux pas vraiment te dire quelqu’un d’autre, tout ce qu’il a fait pour le Barça, c’est fascinant. Au niveau des stats, des performances, il n’y a pas de mot. On réalisera plus tard qu’on a eu la chance de voir l’un des plus grands joueurs de l’histoire.
Pour en revenir à l’Euro, vous n’avez pas l’impression que la Belgique est arrivée trop confiante ?C : Honnêtement, je ne pense pas. Peut-être qu’il y a quelques joueurs qui ont pris la grosse tête, ça peut arriver, mais dans l’aspect général, je n’ai pas ressenti ça. Au contraire, on sentait des mecs très motivés.J : Je ne pense pas qu’on ait fait un complexe de supériorité. D’ailleurs, chez nous, c’est plutôt l’inverse, on fait souvent des complexes d’infériorité par rapport aux voisins.
Vous n’avez pas peur de devenir l’Angleterre des années 2000, avec une grosse génération qui ne fait jamais rien ?C : C’est ce qui peut nous pendre au nez, ouais.J : C’est pour ça qu’on a besoin d’un tacticien, d’ailleurs. Il nous faut ce mec capable de lier la sauce.
Toi qui veux absolument un tacticien, tu aimerais que ce soit qui ?J : Si ça ne tenait qu’à moi, j’aimerais bien que ce soit Michel Preud’homme, qui a fait ses preuves dans plusieurs pays, plusieurs championnats. Je pense que ça pourrait être l’homme de la situation. J’ai entendu que ça parlait de Louis van Gaal, bon évidemment c’est un bon entraîneur, mais je ne sais pas, je ne suis pas très fan. Puis de toute façon, la Fédération belge est assez pauvre et je ne pense pas qu’ils soient en mesure de s’offrir Van Gaal.C : Van Gaal, c’est quand même compliqué à chaque fois qu’il passe dans un club. Je me souviens qu’au Barça, tout le monde le détestait à la fin.
Ça reste quand même un mec qui a montré ses parties génitales dans le vestiaire, lorsqu’il était au Bayern, pour montrer qu’il avait des couilles.
J : Non, tu rigoles ? Il a montré sa bite, comme ça ?C : Putain, c’est fou. Après, peut-être que c’est une tactique qui marche, hein.J : C’est sûr que Wilmots n’a sûrement pas montré ses couilles dans le vestiaire (rires). Peut-être que pour être un bon entraîneur, il faut montrer ses couilles, après tout. Ou alors se les gratter comme ce bon Joachim… De toute façon, pour moi, le coach de cet Euro, de très loin, c’est Conte. Quand les Italiens marquent le deuxième but contre l’Espagne et qu’il devient complètement fou, c’était fabuleux. Beaucoup de respect pour Conte et ses implants capillaires.
Selon vous, quel est le joueur belge qui est vraiment sorti du lot pendant cet Euro ?J : Je dirais Nainggolan. En soi, je ne suis pas fan du joueur, il est mal coiffé, il n’a aucun style, mais c’est un guerrier et puis il plante deux buts magnifiques. Après, Hazard a fait son taf aussi, notamment contre la Hongrie où, rien que pour ce match, on peut dire qu’il a réussi son Euro.C : Et puis, ici, on a tous énormément de love pour Eden.
En parlant d’Hazard, vous ne trouvez pas qu’il n’a plus le droit à l’erreur ? Désormais, dès qu’il fait un mauvais match, tout le monde lui tombe dessus.C : Ah bah quand tu as prouvé comme lui, derrière les médias te donnent un rôle de leader et tu es attendu au tournant.J : C’est un peu le même problème que Messi avec l’Argentine.
Cette génération est encore jeune, elle a temps de briller. Vous attendez avec impatience les prochaines échéances ? J : Pour moi, il reste deux chances : 2018 et 2020. Je crois qu’on a déjà gaspillé 50% de nos chances. Bon, en 2014, on ne pensait pas forcément aller très loin et faire un quart de finale, c’était déjà très cool. Mais on avait déjà un effectif qui aurait pu faire encore plus et cette année, clairement, on aurait dû aller plus loin. Après, le problème, c’est qu’on n’a pas encore fait un grand match contre une grande équipe, il serait temps que ça arrive.
Et dans une compétition comme celle-là, quand la Belgique se fait sortir, vous êtes pour la France derrière ?J : Jamais !
Hier (interview réalisée au lendemain de France-Allemagne), on a regardé le match dans la fan zone du festival des Ardentes, et on a remarqué beaucoup d’animosité des Belges à l’encontre des supporters français.
C : Il y en a beaucoup qui n’aiment pas l’équipe de France, ouais. En même temps, les Belges se vengent de toutes ces années de moquerie subies, on ne peut pas vraiment vous donner de love… Combien d’années vous vous êtes foutus de notre gueule, sérieusement ? J : Je trouve que vous avez une capacité assez fantastique à vous rendre impopulaires. Et pas qu’en matière de football, hein. Souvent les touristes français sont mal vus à l’étranger. Après évidemment, il y a beaucoup de préjugés, mais bon…
La ferveur qu’il y a en Belgique pour l’équipe belge, c’est vraiment quelque chose de nouveau ?J : Je pense qu’il y avait eu un réel engouement en 1986, quand l’équipe est arrivée en demi-finales de la Coupe du monde, mais bon, nous on n’a pas connu ça.C : C’est vrai que, du coup, c’est assez récent, on a commencé à réellement sentir ça pour la Coupe du monde 2014. Avant qu’on ait cette génération, même ici tout le monde se foutait de la gueule de l’équipe nationale. Personne ne la prenait au sérieux, jamais.J : Il y a vraiment eu une période où le désintérêt était total, plus personne ne suivait les matchs de l’équipe, vraiment. Un match des Diables rouges, c’était aussi intéressant qu’un défilé du 14 juillet à la télé, tu vois le délire ? Maintenant, c’est totalement différent, en plus vu qu’il y a un nombre équitable de francophones et de néerlandophones, tout le monde les aime vraiment, ce qui rajoute encore plus à la ferveur.
Vous pensez que cette équipe peut justement servir d’outil pour rassembler le pays ?C : Si on gagne, oui. Et puis derrière, tout redeviendra pareil.J : C’est comme les vannes qu’on faisait sur la France juste avant, dès que tu gagnes tout se passe bien dans le pays, le clivage entre Flamands et Wallons n’existera plus l’espace de quelques jours. Et puis les gens oublieront, comme toujours. Dès que tout le monde a dessoûlé, l’histoire est moins belle, hein.
–> L’album de Caballero & JeanJass, Double hélice, est enfin disponible. Retrouvez JeanJass sur Facebook ici Retrouvez Caballero sur Facebook ici
Propos recueillis par Gaspard Manet