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Ça veut dire quoi au juste, toucher le fond ?
Depuis que le PSG enchaîne les contre-performances, la presse sportive française se délecte de l’un de ses plus vieux poncifs : le club aurait « touché le fond ». Mais à quoi ça ressemble, en bas ? Réponse auprès de types qui en sont revenus vivants.
Jacques Sallibartant, comme tous les hommes de 91 ans, a la voix qui chevrote. Ce n’est d’ailleurs pas tout : à un âge si avancé, il avoue sans rougir trembler lui-même de tout son corps, handicap physique qui l’aurait pénalisé dans ses jeunes années. Car à l’époque où « il avait encore des cheveux » , Jacques était foreur de puits de pétrole à l’étranger pour un grand groupe industriel français, lui permettant, cette fois-ci sans aucun trémolo, d’affirmer que « ce qu’on voit dans Lucky Luke, c’est des conneries » . Les explosions de pétrole, ça n’existe que dans les BD. Toucher le fond, dit-il, cela ne se voit pas au premier coup d’œil. Dès lors, et sans disposer d’appareils de mesure, comment juger la situation du PSG ? Hâtivement décrit comme « au fond du trou » par la presse française, le club parisien n’en est peut-être qu’à la moitié de sa descente, au tiers, au quart, au dixième. Aucun moyen de le savoir.
Depuis un mois, le récit va de mal en pis : quatre défaites lors des six derniers matchs, une palanquée de blessés, la perte de la Coupe de France, la suspension de Mbappé suivie des annonces de celles de Neymar, les bourdes de Paredes et de Kimpembe contre Montpellier et, alors que le club miroitait enfin la surface, le penalty manqué par Cavani dans le temps additionnel contre Nice. À chaque match, Paris creuserait donc son tombeau d’une pelletée supplémentaire, s’immergeant toujours plus profondément dans les entrailles d’une crise post-titre, plus ou moins du jamais-vu. Jacques, désormais président de l’amicale des foreurs et des métiers du pétrole, glisse dans un souffle ce que l’on redoutait : « Tous les 20 mètres, le sol prend un degré. Au fond, c’est intenable, une vraie fournaise. C’est très dangereux. Et plus l’on descend et plus la pression est importante, avec des risques d’éruption. J’ai déjà vu des trous de 5000, 6000m de profondeur. » Mazette.
Paris en apnée
Il faut un point de référence. Sans équipement technologique, le point le plus bas atteint par un Français sur cette terre reste 126m de profondeur. C’était le 8 septembre 2015 dans les eaux chypriotes, et au bout des palmes, il y avait Guillaume Néry. Double champion du monde d’apnée en poids constant et probable recordman du monde sans un malheureux accident qui le mena à la retraite, le Niçois en est persuadé : « Le PSG peut battre mon record. » Lui connaît bien le fond, le mot désignant dans sa discipline le petit disque flottant au bout de sa corde d’entraînement, censé délimiter la profondeur souhaitée. « Toucher le fond pour moi, c’est avoir fait la moitié du chemin, explique-t-il. Revenir à la surface par la suite, c’est quelque chose de positif. Ça veut dire qu’on a réussi. Du coup, quand un type remonte, la première question qu’on lui pose c’est :« Alors, c’était bien le fond ? » » L’avantage de l’apnée, c’est que l’emplacement de ce dernier est déterminé à l’avance, et pas question d’aller plus loin. Tout le contraire du football, où l’on peut toujours perdre un match de plus. Sans marque claire, l’humain ne peut déterminer le moment où il était au plus bas qu’avec du recul, une fois la remontée entamée. Mais serait-il possible de reconnaître le fond lorsqu’on y est ? Ou, interrogation plus directe : à quoi ça ressemble, le fond ? Les revenants témoignent.
« C’est un endroit hostile, mais fascinant, détaille Guillaume Néry. Il y fait sombre, froid, la pression est énorme. On n’y voit pas grand-chose, juste une petite lumière assez sombre très particulière, que l’on ne peut retrouver que là. Mais on y va juste pour observer, il ne faut pas s’y éterniser, sinon on meurt. Parce que paradoxalement, on y est assez bien. » Le PSG serait-il ainsi atteint de narcose à l’azote, phénomène autrement appelé ivresse des profondeurs ? « Ça y ressemble » , affirme notre spécialiste, le club semblant se complaire dans sa descente. Autre visiteur régulier de ce que l’on appelle « le fond » , Lorenzo Viota, acteur pornographique depuis cinq ans, décrit lui l’endroit comme « humide, relaxant » , ajoutant que « t’as l’impression d’être au chaud » . Être au plus profond aurait pour effet direct « un sentiment de domination, un truc très jouissif » , confirmant qu’évoluer dans ces eaux n’est « pas donné à tout le monde. Tu as beaucoup de monde autour de toi, beaucoup de caméras, ça n’est pas quelque chose de naturel. Moi j’ai 35 ans, mais je pense qu’un jeune aura peut-être plus de mal qu’un ancien. » Dans le viseur, Kimpembe, 23 ans, Thilo Kehrer, 22 berges, et Nkunku, 21 piges. Bien vu.
Dans l’illégalité ?
En bas, attention aux éraflures. Jacques Sallibartant prévient contre les gaz toxiques émanant des profondeurs, quand Lorenzo Viota, lui, évoque ce « jour où un pote acteur a fisté une fille. Il avait une bague à la main, il a mis du temps a atteindre le fond, il n’a rien vu, elle non plus. Quand il l’a retiré il y avait du sang partout : déchirure. À force de jouer avec le feu, tu te brûles. » Toucher le fond comporte donc ses dangers physiques, même si l’acteur confirme qu’on « peut plus taper au fond à l’étranger qu’en France, où l’on est plus dans des trucs à la papa-maman, cucul la praline, fleur bleu et câlinous. » Un point que confirme Jacques Sallibartant après 45 ans dans le métier du forage, détaillant que c’est aux États-Unis que l’on creuse le plus. Pire, selon lui, les activités actuelles du PSG seraient illégales : « Ce type de creusements est interdit en France depuis fin 2017, le sous-sol appartient à l’État. Je crois assez peu aux forages clandestins, mais s’il devait y en avoir, ce serait dans le Sud-Ouest ou dans le Bassin parisien, où il y a le plus de potentiel. » Tiens, tiens…
L’important n’est donc pas tant d’atteindre le fond que de savoir rebondir après l’avoir touché. Pour bien s’en remettre, Lorenzo Viota conseille à Paris « un bain de bouche » ou l’utilisation de « lingettes pour bébé » , quand Guillaume Néry pointe lui la probable mauvaise utilisation du matériel dont dispose le club. Car lui, contrairement au PSG, plonge à peu de frais : « Moi j’ai une combinaison intégrale, un pince-nez et une monopalme. Et si l’un de ces matos change à l’occasion d’une compétition, ça peut créer une fébrilité psychologique. Je m’entraîne donc à ne pas créer de trop grande dépendance au matériel. Quand on me demande si j’ai la dernière monoplace dernier cri, je répond que ça n’est pas le plus important. » Un discours dont devrait – peut-être – s’inspirer Thomas Tuchel, visiblement en difficulté devant la vague de blessés de son effectif, et dont les résultats pourraient être visibles dès cet après-midi, à 17h contre Angers. Pour enfin l’heure du rebond ? Comme disait Chirac : « Dans la vie, il y a des hauts et des bas. Il faut surmonter les hauts et repriser les bas. » Forcément en short, c’est compliqué.
Par Théo Denmat
Tous propos recueillis par TD