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- 12e journée
- Marseille/Nice
Ça ressemble à quoi, un vrai club méditerranéen ?
Marseille - Nice est un match à part, pas vraiment un derby ni un match entre amis. C'est une rencontre entre deux villes à forte identité, chacune amoureuse de son club. Mais laquelle des deux équipes représente le grand Sud ? Aucune. Les deux.
Quand on passe son année civile sous le soleil, on perd tout repère classique. Le moindre postulat s’en trouve bouleversé. Ainsi, un match entre Marseille et Nice devient un derby alors que plus de 200 bornes séparent les deux villes. Pourtant, les deux clubs peuvent prétendre au statut de club méditerranéen. Mine de rien, les points communs sont nombreux. Notamment ce chauvinisme purement méditerranéen. À Marseille comme à Nice, la plèbe aime son entité et le fait savoir avec son slogan local. « On craint dégun » sur la Cannebière, « M’en bati sieu nissart » pour les Niçois. Partout en ville, les blasons s’affichent sur les devantures des commerces ou les pare-brises arrières des caisses. Il y a cette ferveur qui descend les soirs de matchs. L’OM et l’OGC Nice font partie de l’ADN des deux cités portuaires. On vient au stade en famille. On transmet l’amour du club de père en fils. Pourtant, la vision du club diffère. À l’OM, on s’est tôt habitué aux stars. Les Jairzinho, Gunnar Andersson, Josip Skoblar, Jean-Pierre Papin, Chris Waddle ou encore Enzo Francescoli font partie de cette liste de cracks ayant porté le maillot olympien. Au Vélodrome, on veut des buts, du spectacle et des titres. On est même exigeant. Il faut faire parler. Être exubérant, dominer et régner. Le club est sans aucun doute le plus adulé hors de son territoire.
Tout l’inverse de l’OGC Nice où le public niçois est avant tout confiné sur son propre territoire. Nice aime vibrer pour ses gladiateurs. Des mecs besogneux avant tout. Les grands noms ? On s’en fout. Dans le fief de Christian Estrosi, on n’a pas oublié Pablo Rodriguez, José Cobos ou Frédéric Gioria. Des lascars qui aiment suer plutôt que d’envoyer du rêve balle au pied. Pas forcément le même registre médiatique que les cadres olympiens, donc. Le stade du Ray est une relique et le club n’a même pas de centre de formation. Pas grave, les supporters aiment le club comme ça. Humain. Imparfait. Endormi. Le Gym est à eux et rien qu’à eux. C’est plutôt paradoxal, car de l’extérieur, Nice est considérée comme une cité où l’ISF et le système de retraite marchent à plein régime. À l’inverse, Marseille arbore l’étiquette de ville populaire au sens premier du terme. Tout l’inverse de l’image renvoyée par les deux clubs respectifs. La vérité, c’est qu’iis se détestent car les deux villes ne s’apprécient guère.
Influence italienne Vs influence provençale
Pour comprendre la différence entre les deux clubs, il faut appréhender ce que les deux villes ont traversé. Au XIIIe siècle, Marseille et Nice ont la même maman : le Comté de Provence. Nice envoie de l’huile d’olive à foison quand le commerce d’élevage marseillais fait le bonheur du Comté. Les deux cités sont alors en concurrence commerciale. Mais, géographie oblige, Nice se tourne vers la Savoie et Turin, quand Marseille regarde plus vers la France. Pendant deux siècles, chacun fait sa vie. D’autant que la Savoie et la France se foutent sur la gueule. Suite au rattachement de Nice à la France à la fin du XIXe siècle, le mal est fait. Nice fait un complexe d’infériorité vis-à-vis de sa rivale. C’est inconscient et toujours d’actualité. De la Promenade des Anglais, on estime que Paris considère mieux Marseille que la cité azuréenne. Par conséquent, les installations d’équipement et les investissements en général vont se faire en priorité vers Marseille qui devient la capitale régionale.
D’où la frustration des Niçois. Et une certaine crainte de représailles. D’ailleurs, les commerçants marseillais n’hésitent pas à freiner au maximum le développement de l’équipement ferroviaire entre les deux villes (un retard encore d’actualité). Cette rivalité entre les deux villes est une tradition. Elle est ancrée dans les mentalités. Forcément, ce qui se ressent dans la population se ressent dans les travées du Ray et du Vélodrome. On aime s’envoyer des phalanges dans la gueule quand le destin le permet. C’est le seul domaine où Niçois et Marseillais peuvent rivaliser, car les deux clubs ne jouent sportivement pas vraiment dans la même catégorie. L’OM a trusté les trophées, pendant que l’OGC Nice s’est contenté d’émotions par intermittence. L’OM est le plus grand club français quand Nice est le plus grand club des Alpes-Maritimes. À l’heure de se retrouver sur la pelouse du stade Vélodrome où Nice n’a gagné qu’une seule fois (en 2007, Vincent Hognon avait même marqué), la Méditerranée se cherche toujours un représentant unique. Elle ne l’a pas trouvé. Et si c’était mieux ainsi ?
Par Mathieu Faure