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« Ça m’a rappellé la finale de 1998 contre le Brésil »

Par Christophe Gleizes et Barthélémy Gaillard, au Stade de France
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Ils l'ont fait. Partis désavantagés, les Bleus ont finalement remonté leur handicap de deux buts pour largement s'imposer 3-0, dans une ambiance rarement vue au Stade de France. Entre coups de sang et rêve éveillé, retour en tribunes sur une soirée inoubliable et passionnée, au plus près des supporters des Bleus.

Il est 23h, et un énorme poulet bleu exulte aux abords du stade de France. « Je vais aller à Rio, c’est magnifique ! » , jubile Xavier, originaire de Nancy et supporter inconditionnel de la sélection, entre deux regards emplis de soulagement et de fierté. Drapé dans sa cape tricolore, un coq déplumé vissé sur le crâne, il a vécu la rencontre le palpitant en surrégime : « Franchement, c’est le meilleur cadeau de retraite que je puisse espérer. » Christian, son acolyte bien maquillé, en a encore la chair de poule sous sa perruque, et répète à l’envi, les yeux bloqués sur la foule en mouvement : « 3-0, mon Dieu, on a gagné 3-0 » , comme pour se persuader qu’il n’est pas en train de rêvasser dans son pieu. En retour, quelques coups de trompette discrets lui confirment l’heureuse vérité : ce soir, en plus de se qualifier, les Bleus ont régalé un public trop longtemps sevré.

Deux heures plus tôt, l’ambiance était mitigée à la sortie du RER D. Les visages sont fermés. Au milieu de la foule compacte et anonyme, on remarque pourtant rapidement Louison, 58 ans, qui a déterré la hache de guerre. Coiffé à la Sitting Bull, le grand sioux est venu d’Amiens avec sa femme Claudie et sa tribu composée de soixante autres « picardfoots » , tous convaincus que le salut passera par Benzema et Ribéry. « Bien sûr qu’on y croit, ils vont nous faire un super match, on est tous à fond derrière l’équipe de France » , explique-t-il avant de livrer un pronostic enflammé : « Je vous le dis, on va s’imposer 4-1 après prolongation. » Vexé par les regards suspicieux qui l’entourent, il questionne en ricanant : « Pourquoi, pas vous ? » Déjà à 2,5 grammes du haut de ses 19 ans, Josselin partage l’avis du grand chef indien : « C’est le bon soir, je sens que « Marc Ribéry » va mettre le feu, il va nous mettre bien » , professe-t-il en refilant la bouteille de gin à son pote Dylan, qui se veut patriote : « On est derrière l’équipe de France, c’est notre nation, un pays dont je suis très fier, on se doit de se qualifier. »

« Sakhoo! C’est Sakhoooo ! »

Après une Marseillaise reprise à l’unisson, le Stade de France dévoile ses plus beaux atours : des milliers de drapeaux agités dans des tribunes pleines à craquer. Merci Max Guazzini. Tandis que le coup d’envoi est sifflé, tous les ingrédients sont là pour la « remuntada » : un public chauffé à blanc et des joueurs motivés comme jamais. Sur le terrain, l’équipe de France démarre en effet la rencontre pied au plancher. « Pour l’instant, c’est le début de match parfait, on a déjà eu plus d’occasions en dix minutes que durant tout le match aller » , commente Tom, fébrile sous son bonnet des Girondins de Bordeaux. « Il y a quelque chose qui se passe ce soir, je le sens » , renchérit Hugo, alors que les Bleus multiplient les actions sous les cris rageurs de supporters revanchards. Il n’y a que Patrick, 51 ans, pour doucher l’enthousiasme ambiant entre deux bouchées de crackers Belin : « Franchement je n’y crois pas vraiment. Je ne peux pas m’empêcher de venir supporter les Bleus mais j’ai bien peur que ce soir ce soit la lose. » Alors que les Ukrainiens refont surface grâce aux rushs de Konoplyanka, l’inquiétude et le stress gagne les travées, où le match se regarde debout. « Je sais que je suis de nature un peu pessimiste » , s’excuse Amaury en se rongeant les ongles. « Mais je suis inquiet. On sent que le terrain est glissant. » Le jeune homme de 24 ans est néanmoins le premier à s’enflammer quand Mamadou Sakho, à l’affût sur une frappe repoussée, ouvre soudainement le score (22e) pour les Bleus. « Sakhooo ! C’est Sakhooooo ! » , hurle Hugo d’une voix suraigüe, en enlaçant ses voisins enragés d’une étreinte virile et fanatique.

Le but de l’ancien Parisien a le mérite de relancer des envies de Marseillaise dans les travées. « Ohlalalala » , frissonne Tom à chaque refrain, saisi par la fraîcheur retrouvée du public. « C’est l’union nationale » , se félicite Hugo, de nouveau transporté par un mouvement collectif empli de hargne et de technique : « Quelle action Valbuena ! Hyper beau ce mouvement, ce qu’ils ont fait, Évra qui s’arrache, Ribéry qui provoque, vraiment c’était classe. » Notre supporter comblé n’a pas le temps de souffler que Karim Benzema pousse une première fois le ballon au fond des filets, avant d’être signalé hors-jeu. Pas de quoi stopper cependant les célébrations en tribunes, qui se poursuivent au rythme effréné des « Qui ne saute pas n’est pas français » . Bousculé par l’ardeur de ses voisins, Jérôme cafouille et explose son iPhone au sol. Accroupi, le pauvre malheureux n’a pas le temps de comprendre ce qui lui arrive quand ses deux potes lui sautent à la gorge. Cette fois, le but de Benzema est validé (32e). C’est la folie dans le virage, un véritable zoo humain. Bras levés et voix cassées, (attention pictogramme – de 18 ans) les corps se mélangent et se frottent dans une euphorie sans nom… Alors que la Benz entend son nom scandé quatre fois par le public en transe, Patrick se prend à rêver timidement : « Je me sens comme si on était déjà à la Coupe du monde là » , explique-t-il tout heureux, avant de nuancer : « Sauf qu’on n’y est pas encore. » Une tentative de Yarmolenko (45e), heureusement contrée par Debuchy, viendra en effet rappeler que le chemin vers Rio est encore incertain. Partagé entre joie et inquiétude, Tom accueille la pause avec un soulagement palpable : « C’était chaud ! On reste à la merci d’un but mais bon, de notre côté, on peut difficilement faire un meilleur match pour l’instant. »

Le bide de Sylvain Wiltord

« Le challenge des Bleus » censé faire patienter pendant la mi-temps aurait dû être anecdotique. Il s’avère douloureusement pathétique. Le public attristé observe le regretté Sylvain Wiltord s’essayer au défi en compagnie de quelques anonymes. Concrètement, s’il marque sans que le ballon ne rebondisse sur le sol, Sylvain fera un heureux, à savoir un spectateur tiré au sort qui « bénéficiera d’une remise exceptionnelle de 15% à la boutique de la FFF » . Peu à l’aise, l’ancien international ne récolte qu’une maigre ovation après ses tentatives mitigées. Devant l’apathie du stade de France, le speaker tente maladroitement de combler le blanc : « On va se pencher sur les statistiques de cette première mi-temps. On peut avoir les stats ? Non ? Non. Bon, c’est pas grave. Allez, un peu de musique ! » Perplexe, Hugo apprécie moyennement : « Franchement, il faut arrêter avec cette musique de boîte, ils m’ont presque refroidi; en plus Wiltord qui rate le challenge, c’est dur, il a fait un bide horrible. » L’éternel optimiste revient néanmoins rapidement sur le sujet : « Ça fait longtemps que l’équipe de France n’a pas été aussi bonne. On est plus dangereux que jamais offensivement, ça joue putain, ça fait plaisir. » Comme s’il voulait se prémunir du mauvais sort, Tom se montre plus prudent à l’orée de la seconde période : « Mener 2-0, c’est une situation complexe, je ne sais pas s’il faut défendre ou attaquer. Les joueurs doivent se poser beaucoup de questions. »

Au retour des vestiaires, l’équation se simplifie rapidement, avec l’expulsion directe de Khacheridi pour un tacle grossier sur Ribéry (47e). Conscient qu’il s’agit peut-être là du coup de grâce, Hugo exulte : « Ça sent bon putain, c’est le scénario idéal. » Plus taciturne, son voisin espère à voix haute : « Il attend quoi pour nous délivrer, l’arbitre ? Il lui manque un penalty à sa collection, il a déjà validé un but hors-jeu et sorti un carton rouge. » Si le moral est au beau fixe, la supériorité numérique, supposée asseoir leur autorité, semble desservir les protégés de Didier Deschamps. De nouveaux frissons accompagnent une frappe vicieuse de Bezus, juste à côté du cadre, tandis qu’Évra et Debuchy prennent deux cartons coup sur coup. Excellent en première période, Mathieu Valbuena se claque quant à lui un retourné en pleine poire. « On a un petit trou d’air en ce moment » , s’inquiète Claude, le regard brûlant, avant d’ajouter : « On est en train de s’endormir, merde, on fait que des fautes, là. » Droit comme un i malgré ses 68 ans, Claude voit la pression ukrainienne mettre ses nerfs à rude épreuve. Stressé sur chaque coup franc slave, il offre à l’observateur attentif un rictus constipé. Sûr dans ses prises de balle, Hugo Lloris parvient cependant à écarter le danger et à rassurer le papy paniqué. Tandis que le soulagement se lit sur son visage ridé, ses deux majeurs se dressent simultanément pour adresser aux attaquants adverses un double « FUCK » silencieux et satisfait.

« Pogba, quelle classe, putain ! Il me fait bander ! »

Conscient d’être à deux doigts de l’exploit, le public parfois versatile redonne de la voix à mesure que les Français reprennent l’ascendant. Si le jeu est haché, l’histoire est en train de s’écrire. « Les Ukrainiens tiennent au courage, ils jouent la montre avec leurs petites fautes dégueulasses » , commente rageusement Tom, avant de délivrer un pronostic avisé : « On gère tranquille, on est clairement au-dessus. Il n’y a pas grand-chose à changer franchement, il faut continuer comme ça, ça va payer. Je pense qu’on va en mettre un de plus et tenir jusqu’à la fin. » Impressionné par le milieu de terrain français, son ami Hugo ne dit pas autre chose : « Pogba, quelle classe putain ! Il me fait bander ! Valbuena est énorme, il distille sur coups de pied arrêtés. Quant à Ribéry, il met la fièvre aux défenseurs, tu le sens qu’ils paniquent, ils sont fébriles, comme les Français au match aller. » À force de voir les occasions se multiplier, la réussite finit par tourner. Parfaitement placé sur une frappe de Ribéry, Sakho, encore lui, dévie du genou dans le but de Pyatov, pour signer un doublé retentissant à domicile (72e). Pour la première fois de la soirée, les Bleus sont virtuellement qualifiés, dans une ambiance qui confine au délire collectif.

Il reste vingt minutes à tenir, et le stade est partagé entre l’envie de célébrer ses héros et la menace d’un but ukrainien. Au-dessus de Paris semble à nouveau flotter le terrible spectre de France/Bulgarie. Toujours pessimiste, Amaury avoue en tremblotant : « Franchement, j’ai peur. Ce match peut être génial mais tout aussi horrible si on prend un but à la 85e. Je ne suis pas encore rassuré. » Il reste cinq minutes à jouer quand une main de Valbuena offre un dernier coup franc à l’Ukraine. « Attention, attention ! » prévient Hugo, tout heureux de voir la gonfle finalement captée par un Lloris salvateur, tandis que Tom agite un point rageur. L’histoire ne se répétera pas. Une dernière volée ratée de Yarmolenko et le rêve ukrainien s’envole, quand toute la France respire et exulte. Après sa prestation exceptionnelle, et pour tout dire inespérée, la bande à Deschamps verra bien le Brésil.

La dédicace à Booba

Le coup de sifflet a maintenant retenti depuis de longues minutes, mais personne n’est parti. Le stade de France est toujours plein pour célébrer ses héros, engagés dans un tour d’honneur mérité. Micro à la main, Pogba remercie « la France entière » , tandis que Giroud, dans le rôle du vieil oncle bourré en fin de soirée, lance une dernière Marseillaise a cappella. Tout sourire, Karim Benzema a, lui, la délicatesse de dédier la victoire à Booba, sans qui rien n’aurait été possible. Mais c’est forcément à Ribéry que revient le mot de la fin, tandis qu’il progresse vers le rond central : « Ça fait pas du bien ? Aaaaah que ça fait du bien. » Personne ne dira le contraire, surtout pas Claude qui a rangé ses majeurs : « Honnêtement, c’est la plus belle ambiance que j’aie connue au stade de France, à part bien sûr les matchs de Coupe du monde. C’était le scénario rêvé, ça m’a rappelé la finale de 1998 contre le Brésil. » Il n’y a pas à dire, ça fait toujours du bien de s’envoyer un petit jaune.

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