- Réforme de la Ligue des champions
- Billet d'humeur
C1 scandale !
En toute logique, c'est le Wall Street Journal, un média économique, qui a publié le scoop. Car l'information n'a pas grand-chose à voir avec le sport : ce mardi, les dirigeants de l'UEFA et ceux de l'ECA (European Club Association) se sont réunis pour évoquer une énième nouvelle formule de la Ligue des champions. Si jusqu'ici, la C1 évoluait par petites touches, il est désormais question de totalement la réformer, pour en faire une ligue quasi fermée. Spoiler : pour en être, une tenue correcte et un portefeuille plein à craquer seront exigés. Et toute entrée sera quasiment définitive.
L’universalité du football et la fameuse glorieuse incertitude du sport, Andrea Agnelli, président de la Juventus et de l’ECA, les a soigneusement ramassées, pour les jeter dans un sac poubelle qui n’attend plus que le feu vert de l’UEFA pour se retrouver au fond d’une benne à ordures. Le projet de l’administrateur de Fiat et de ses petits potes aux manettes des clubs les plus fortunés d’Europe ? Faire de la Ligue des champions une compétition divisée en quatre groupes de huit équipes, qui verrait les deux premiers de chaque groupe se qualifier pour des quarts de finale, et les derniers être relégués, histoire de laisser leur place à quatre nouveaux faire-valoir, lors de la prochaine édition de ce rallye ultra sélect. Et ce, dès 2021.
Libérez David et le Petit Poucet !
Dans le monde des médias, lorsqu’un titre de presse ou une émission lance une nouvelle formule, c’est au mieux pour s’adapter à l’époque, mais plus généralement parce que sa santé vacille, et qu’un besoin de relance se fait sentir. Ce qui n’est pas vraiment le cas du football, et de la Ligue des champions en particulier. À vouloir sans cesse faire évoluer le sport le plus universel et populaire de toute l’histoire de l’humanité, pour engendrer toujours plus de bénéfices, le risque d’asphyxier la poule aux œufs d’or sous un tas de billets est bien réel.
Car à force de gommer au maximum l’aléa sportif, d’empêcher les David d’agiter leurs frondes devant les Goliath, comme c’est déjà le cas dans le football de sélections avec la création de la Ligue des nations, le public pourrait bien se lasser. Car en France comme ailleurs, le peuple vibre pour les exploits. Et pas seulement ceux, de plus en plus factices tant ils se multiplient, des remontadas en C1. Non. Le fan de foot veut suivre des épopées. Tomber amoureux, en tout bien tout honneur, d’un petit Poucet plein d’allant, plutôt que d’assister, saison après saison, aux mêmes confrontations entre géants. Et pour cela, le football a besoin de compétitions qui voient les plus modestes se mesurer aux mieux lotis. Pas de clubs privés laissant le vil peuple de l’autre côté de la vitrine, témoin d’un spectacle au ticket d’entrée trop onéreux pour lui. Ce risque de voir les amateurs de foot se désintéresser petit à petit de ces compétitions, les dirigeants des plus grands clubs européens semblent plus décidés que jamais à le prendre, face à une UEFA qui n’a d’autre choix que d’en discuter, menacée par un projet alternatif de Super Ligue européenne, toujours sous l’impulsion de ces mastodontes.
Les grands championnats dans l’opposition
En plus de vouloir vampiriser l’attention sur leur grand raout entre institutions bien nées et nouveaux riches, l’ECA compte également dévaluer le pain quotidien des supporters. À savoir, les championnats nationaux, qui de fait verront leur intérêt sportif amoindri, les places en C1 étant déjà très largement acquises à l’avance. De plus, le projet compte également imposer qu’à partir des quarts de finale, cette « Super Ligue des champions » se dispute le week-end. Histoire que les stades sonnent encore plus creux lors de compétitions nationales condamnées à être jouées en semaine. Ce que les quatre grands championnats européens (Liga, Premier League, Bundesliga et Serie A) ont d’ores et déjà refusé, par le biais d’un courrier envoyé à l’UEFA. Parce qu’eux aussi ont une poule aux œufs d’or à entretenir.
Andrea Agnelli ou Manu Payet ?
Mathias Edwards