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C1 africaine : Sétif et Mazembe en première ligne
La phase de poules de la Ligue des champions africaine 2015 débute vendredi. 2 favoris évidents (l'ES Sétif et le TP Mazembe) se dégagent parmi les 8 survivants, mais du fait de l'absence de plusieurs habitués à ce stade de la compétition, il n'est pas impossible de voir un outsider tirer son épingle du jeu. Présentation d'un plateau pour le moins curieux.
Algérie, l’envahissement
Trois clubs d’un même pays en phase de poules, cela n’était jamais arrivé depuis l’avènement de la nouvelle formule de la compétition, en 1997. La Tunisie et l’Égypte en ont rêvé, le pays du raï l’a fait. Un paradoxe au regard de la rareté des performances du football de club DZ au niveau africain ces dernières années. Si on excepte le sacre continental de l’ES Sétif l’année dernière, l’Algérie totalise une seule apparition dans le dernier carré de l’épreuve reine au cours de la décennie écoulée (JS Kabylie en 2010). Ironie du sort, le MC El Eulma, meilleure attaque du championnat, mais relégué en 2e division, l’USM Alger, qui a réussi l’exploit de jouer le titre, puis le maintien sur une même saison, et le tenant du titre sétifien sont placés dans la même poule.
Venant de nulle part comme dans une chanson de Barbara, l’Aigle Noir a surgi en octobre 2014 pour remporter la Ligue des champions. Après une sortie de route – en Coupe du monde des clubs – et un début d’année 2015 bien géré, revoilà la bande de Khaireddine Madoui dans le top 8 africain. Le huitième de finale remporté face au Raja Casablanca (2-2 à l’aller et au retour, qualification 4-1 aux tirs au but) illustre une équipe au déséquilibre assumé : une attaque de feu, et une défense en carton. Avec des milieux offensifs talentueux (Belameiri, Djahnit), deux bons finisseurs (Benyettou et Ziaya), la vision d’un Zerara qui porte le jeu vers l’avant comme personne, Sétif est programmé pour marquer 2 buts à tout le monde. Si elle apprend à moins encaisser, l’ESS refera mal une nouvelle fois. Tous les cadres de la défense ont quitté le club après l’obtention du titre de champion, et deux binationaux (Hachi, ex-Grenoble et Chenine de Colomiers) ont été recrutés.
L’USM Alger a survécu à la tempête – 8 matchs sans victoire – qui a emporté le coach Otto Pfister sur son passage, en arrachant le maintien lors de la dernière journée. À présent totalement focalisé sur la LDC, les Rouge et Noir ont déjà réalisé 2 bons coups au mercato en enrôlant le défenseur international Benayada et l’attaquant des espoirs Darfalou, qui sera chargé de soutenir les deux talents algériens rapatriés de Tunisie alors qu’ils étaient dans l’impasse : les deux milieux offensifs Kadour Beldjilali et Youssef Belaïli.
Enfin, malgré un jeu attrayant, El Eulma risque d’être fortement plombé par sa descente en 2e division. Le meilleur buteur du championnat Derradja a déjà plié bagage, et Chenihi, que Christian Gourcuff suit avec attention, ne va pas faire de vieux os non plus. Situation aberrante – uniquement due au calendrier de cette Ligue des champions – que de voir un relégué dans son pays dans les 8 meilleures équipes du continent. C’est comme si Évian, européen puis relégué sur 2 ans, se retrouvait à concilier un match au Camp Nou le mercredi et un déplacement à Niort 48 heures plus tard…
Le Soudan comme en 2009, enfin un triomphe pour Al Hilal ?
Les géants d’Omdurman, Al Hilal et Al Merrikh, ont remporté 56 des 60 championnats nationaux et le derby, bien que peu connu médiatiquement, a réussi à acquérir une notoriété certaine en Afrique grâce à la ferveur populaire conséquente qui l’accompagne. Bien que le Soudan ne s’illustre que très rarement à la CAN ces dernières années, les deux larrons se distinguent régulièrement en compétitions de club, avec un avantage pour Al Hilal (3 demi-finales de Ligue des champions entre 2007 et 2011). Les Bleus, coachés par le Tunisien Nabil Kouki, connu pour lancer dans le grand bain les jeunes du centre de formation partout où il est passé, rêvent d’un premier sacre après deux finales perdues à l’époque de la défunte Coupe des clubs champions. Al Merrikh, qui a créé la surprise en sortant l’Espérance de Tunis en huitièmes (1-2, 1-0) tentera d’atteindre le dernier carré après une phase de poules ratée en 2009, année où les deux rivaux avaient atteint le top 8.
TP Mazembe, l’épouvantail
Avoir une carte de fidélité ne garantit pas une présence dans le tableau final. Tandis que plusieurs clients habituels sont tombés (Ahly, Espérance, CS Sfaxien), les Corbeaux, eux, sont toujours là. Au métier, l’équipe de Patrice Carteron s’est extirpée de deux tours compliqués (les Sudaf de Sundowns et le Stade malien) et démarre la phase de poules avec l’étiquette de favori. Avec l’inoxydable gardien qui danse sur son postérieur Kidiaba, sa profondeur de banc, ses internationaux, une attaque de pistoleros qui écrase tout sur son passage – le Zambien Kalaba, la doublette tanzanienne Ulimwengu-Samatta, l’Ivoirien Assalé – le Tout Puissant Mazembe semble un cran au-dessus de la concurrence. Mais Carteron a déjà trébuché deux fois au niveau africain depuis son arrivée (finale de la Coupe de la CAF 2013 perdue, élimination en demi-finales de Champions 2014 contre Sétif), et un éventuel troisième échec pourrait lui être fatal.
Smouha et Tétouan, les novices qui se cherchent
Le Moghreb de Tétouan, qui a pointé le bout de son nez au sommet de la hiérarchie marocaine il y a trois ans, a redressé la tête après une fin d’année compliquée (Comme Sétif, le vainqueur de la Botola 2013-2014 s’est fait déboulonner par Auckland au Mondial des clubs). L’arrivée de Sergio Lobera – entraîneur de jeunes à la Masia pendant 8 ans – apporte une touche plus directe au jeu d’une équipe habile techniquement, mais qui avait trop tendance à s’enferrer dans un tiki-taka stérile et anesthésiant. Le MAT s’est ainsi offert quelques frissons, bien que largué dans la course au titre : un match de prestige face au futur champion, le Wydad Casablanca, qu’il a dominé de la tête et des épaules (1-1, le 15 avril dernier) et une double confrontation gérée de main de maître face à l’octuple champion d’Afrique d’Al Ahly, avec la qualification au bout (1-0, 0-1, 4-3 aux tirs au but). Tétouan a un coup à jouer dans cette Ligue des champions, mais sa compétitivité à court terme pose problème. Le fer de lance de l’équipe, l’international marocain Mohsine Iajour, a été vendu au Qatar SC et même s’il est pressenti pour faire une ultime pige pour la première journée de la phase de poules, la Colombe du Nord fait nettement moins peur sans son attaquant-vedette. La prolongation de contrat du mur infranchissable Fall – meilleur défenseur central du championnat – apporte des garanties pour l’arrière-garde, mais la campagne africaine risque de vite tourner au vinaigre sans buteur… À moins d’un recrutement clinquant et rapide.
Les Égyptiens de Smouha sont également dans le flou. Les Alexandrins ont prolongé en Ligue des champions les exploits de la saison dernière – vice-champion et finaliste de la Coupe -, mais ont eu beaucoup de mal à digérer la transition en championnat et stagnent actuellement dans le ventre mou, très près de la zone rouge. Les recrutements récents visent à booster le secteur offensif (Temsah, souvent appelé par l’ex-sélectionneur de l’Égypte, Bob Bradley, et Houssam Salama « Paolo » , actuel meilleur buteur du championnat), mais s’il y a bien quelque chose que Smouha ne va pas arriver à acheter, c’est la ferveur. Bien qu’ils soient habitués à jouer à huis clos depuis de longs mois – du fait de la situation du pays -, les Égyptiens ne vont pas être à la fête devant un public chaud bouillant et hostile, que ce soit au Soudan, au Maroc et en RD Congo. Ce petit plus qui va leur manquer à domicile peut peser lourd, surtout en Ligue des champions.
Pronostic dernier carré : TP Mazembe et Al Hilal (Groupe A) ES Sétif et USM Alger (Groupe B).
Par Farouk Abdou