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Bussy et Deslandes, de la parole aux actes
Appelées pour la troisième fois par Corinne Diacre pour les matchs de qualification à la Coupe du monde 2023, Kessya Bussy (20 ans) et Océane Deslandes (21 ans) font partie de la nouvelle génération mise en avant en équipe de France. Inséparables, les deux joueuses ne sont jamais avares de nouveaux défis, que ce soit balle au pied ou le verbe haut. Dernier exemple en date : elles ont toutes les deux participé au concours d'éloquence organisé par la FFF.
Lorsqu’Océane Deslandes et Kessya Bussy se sont présentées devant le pupitre installé au siège de la Fédération française de football, en mars dernier, leur éternel sourire a laissé place à un visage fermé et concentré. Devant un jury de prestige composé entre autres d’Habib Beye, Brigitte Henriques, Jessica Houara-d’Hommeaux ou encore Julie Gayet, les deux joueuses du Stade de Reims se sont aventurées hors de leur terrain de prédilection, celui du football, pour tenter une expérience totalement différente : participer au concours d’éloquence organisé par la FFF à l’intention des joueuses de D1 Arkéma. « Quand on a appris l’existence de ce concours, on s’est regardées et on s’est dit : « On y va » », se souvient Océane. Un acte fondateur pour les deux joueuses, plutôt timides devant la foule. Après une première manche interne au club, Océane et Kessya ont validé leur ticket pour la finale à six organisée au siège de la FFF (deux joueuses du PFC et Soyaux ont également participé, NDLR). « On voulait vraiment sortir de notre zone de confort. Au départ, on y allait tranquille et sans pression. Mais quand on a vu le décor, on s’est dit :« Il ne faut pas déconner et éviter de se rendre ridicule » », se souvient Océane.
En vue de la finale, les Rémoises se sont enfermées dans leur bulle afin de préparer leur plaidoirie. Tandis que Kessya a planché sur la question « A-t-on besoin des autres ? » , Océane a débattu sur « Pardonner, est-ce une faiblesse ou une force ? » « C’était important pour nous d’aborder des thèmes extérieurs au foot. Quelques minutes avant de prendre la parole, il y avait un peu de stress, mais on s’est rassurée toutes les deux, poursuit Kessya Bussy. On a beaucoup appris de cette expérience. Avant, je n’était pas du tout à l’aise devant les médias. Ce concours nous a non seulement permis d’aborder des thèmes extérieurs au foot, mais aussi d’être prises au sérieux. D’ailleurs, on se tâte à recommencer, même si les autres ont peur de nous.(Rires.) » Mention spéciale pour la benjamine du concours (20 ans), qui a terminé à la deuxième place juste derrière Alice Benoît (ASJ Soyaux).
« Les garçons n’aiment pas qu’on leur mette la misère »
Quelques années en arrière, les Rémoises ne se voyaient sûrement pas à la finale du concours d’éloquence. Ni même être appelées en même temps en équipe de France. Nées toutes les deux de famille de footballeurs, Kessya et Océane ont connu des fortunes diverses à leurs débuts. Si cette dernière a squatté les travées du stade Francis-Le Basser de Laval avec son père, « un joueur médiocre, mais qui avait selon ses dires un bon pied droit », sa partenaire a dû prouver à son paternel qu’une fille savait bien jouer au foot. « Il était frustré de ne pas avoir eu de garçon. Mais quand j’étais à l’école, des amies m’ont parlé d’un club de filles à Saint-Jean-de-Braye (Loiret), alors j’ai décidé de m’inscrire. » À 200 kilomètres de là, Océane Deslandes tape ses premiers ballons avec le club de Vaiges (Mayenne). Mais contrairement à Kessya, elle doit faire ses preuves dès son plus jeune âge dans une équipe mixte. « Il n’y avait que trois filles, donc on devait travailler plus pour s’imposer. Quand on évolue avec des garçons jusqu’au collège, on acquiert beaucoup de confiance. Contrairement à ce qu’on pense, ils sont sympas, même si j’étais la chouchoute du coach.(Rires.) » Un sentiment partagé par sa coéquipière : « Ils n’hésitaient pas à me défendre, surtout quand je réussissais quelque chose face aux adversaires. Je trouvais ça trop mignon, sachant que les garçons n’aiment pas qu’on leur mette la misère. »
Après leurs débuts en D2 à 15 ans, avec Le Mans pour Océane et Orléans pour Kessya, les deux joueuses se côtoient pour la première fois en équipe de France U20 lors d’un match amical face aux États-Unis (2-0), où l’attaquante avait marqué quelques minutes après son entrée en jeu, avant de se retrouver sous le maillot du Stade de Reims à l’arrivée de Kessya la saison dernière. « Dès nos débuts ensemble, je savais qu’on allait bien s’entendre. Kessya est une fille joviale qui apporte sa joie de vivre dans le vestiaire. C’est une petite sauterelle capable de faire des contre-attaques furtives », confirme Océane. Une « sauterelle » qui n’hésite pas à tirer elle aussi le portrait de son acolyte : « Océane est une sacrée mauvaise perdante. Quand elle perd à la Bonne Paye ou au Uno, elle peut faire la gueule pendant trois jours. Imagine quand on perd un match » Malgré sa haine de la défaite et son jeune âge, Océane a su s’imposer dès son arrivée à Reims en 2018. Ce n’est pas Amandine Miquel qui dira le contraire. « Elle a pris confiance au fur et à mesure et elle tient un rôle de plus en plus important pour notre équipe. Elle est de bon conseil, affirme la coach du Stade de Reims. De son côté, Kessya est une joueuse complète. Elle défend autant qu’elle attaque, elle est à l’aise des deux pieds, ses dribbles et sa finition sont précis. Leur entente sur le terrain est frappante. Lors des entraînements, elles cherchent toujours à être ensemble lors des exercices. »
Les mots Bleues
Complices sur le terrain, les deux joueuses ont découvert à quelques mois d’intervalle le château de Clairefontaine et l’équipe de France. « Corinne (Diacre) fait confiance aux jeunes et nous donne notre chance. Même si notre expérience est minime par rapport à certaines, nous n’avons pas de pression. On profite », confie Kessya Bussy (deux sélections), qui truste en D1 Arkéma la deuxième place des meilleures buteuses derrière Marie-Antoinette Katoto (cinq pions en six matchs de championnat cette saison). L’attaquante rémoise profite d’autant plus que sa copine Océane (aucune sélection) est également présente avec les Bleues pour leur deuxième rassemblement en commun. « Il ne faut pas oublier Naomie (Feller) aussi. Il y a quelques années, personne n’aurait cru que le Stade de Reims serait autant représenté en équipe de France », explique la défenseuse.
Malgré un bagage moins impressionnant par rapport à certaines filles, Océane et Kessya sont conscientes de la chance d’évoluer avec le maillot frappé du coq et ne manquent pas d’ambition avec cette équipe de France. « Beaucoup d’entre nous ont connu le succès chez les jeunes. Désormais, on veut aider les A à soulever un trophée », conclut Kessya Bussy, qui veut remplir son étagère à trophées, où elle « dépoussière de temps en temps » la médaille de championne d’Europe U19 obtenue avec les Bleuettes en 2019. Ça tombe bien, l’Euro se profile en juin. Ce sera l’occasion parfaite pour les Bleues de briser la barrière des quarts de finale et ainsi prouver qu’elles peuvent être éloquentes lorsque l’opposition se durcit.
Par Analie Simon
Tous propos recueillis par AS.
Crédit photo : Stade de Reims et Iconsport.