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Busquets ou l’invisibilité réinventée
Depuis 2009, Sergio Busquets est considéré par ses pairs comme la pierre angulaire des succès blaugrana et de la Roja. Un statut largement mérité qui se heurte à une indifférence quasi générale du grand public. Ou comment le Cinco barcelonais fait de l’invisibilité son allié.
Le podium du prochain Ballon d’or ne laisse que peu de place au doute. Entre Suárez, Neymar et Messi, le trident offensif blaugrana affiche un total hallucinant de 121 buts dans cette année civile. Une folie des chiffres, couplée à un triplé de trophées historique, qui prend encore plus d’épaisseur au jeu des comparaisons : la MSN compte plus de pions en 2015 qu’aucune autre équipe d’Europe. Sans la moindre concurrence, Luis Enrique évoque « un prix déjà remporté » par sa Pulga. Dans le même temps, l’entraîneur barcelonais estime « incompréhensible l’absence de Sergio Busquets » parmi les 23 finalistes : « Busquets est unique. Ce n’est pas le meilleur milieu de terrain d’Europe, mais bien du monde. » Un éloge qui trouve en la personne de Vicente del Bosque une formidable caisse de résonance. Le sélectionneur de la Roja, Madridista convaincu, « aurait aimé être Busquets, car il rend facile tout ce qui est difficile » . En d’autres termes, il estime qu’il « conserve toujours le plan du match dans sa tête » . Boussole du FCB et de la Selección, la grande gigue de Sabadell reçoit autant de compliments de ses pairs que d’indifférence du grand public. Ce qui lui sied à merveille.
Busquets : « J’accepte le fait d’être différent »
Ronald Koeman, Pep Guardiola, Romário, Hristo Stoichkov… Les noms des héros de la première Ligue des champions du Mes que sont connus de tous les aficionados blaugrana. Dans cette Dream Team emmenée par sa seigneurie Johan Cruyff, un nom ne renvoie pourtant à aucun souvenir distinct : Carles Busquets. Portier remplaçant d’Andoni Zubizarreta, il ne dispute que 79 rencontres en dix ans au Camp Nou. Ce goût de l’anonymat, celui qui est par la suite devenu entraîneur des gardiens du FCB le cultive et le transmet à sa progéniture, considérée selon des employés du Can Barça comme « un mélange entre son père, vaillant, décomplexé et justicier, et sa mère, très généreuse » . « Mais n’importe quelle personne qui me voit sur le terrain penserait exactement le contraire » , reprend de volée l’intéressé dans l’une de ses rares interviews concédée au Pais. « Je suis né où je suis né. J’ai été élevé comme ça. J’ai grandi entouré de bonnes personnes. Cela ne veut pour autant pas dire que je pars la fleur au fusil. » Fuyant flashs et tapis rouges, Sergio préfère dédier son énergie à son unique obsession : le ballon rond.
Découvert par la nébuleuse du Camp Nou en 2008, il franchit les paliers à la vitesse de la lumière. Autrement dit, il pousse Yaya Touré vers la sortie avant de presser Mascherano à s’exiler en défense centrale. Idem, avec la sélection, il s’impose comme le piston d’une équipe pourtant forte de Xabi Alonso, Xavi ou Iniesta. A contrario de tous ses coéquipiers, autant en sélection qu’en club, il choisit pourtant de rester dans l’ombre. « J’accepte le fait d’être différent, jure-t-il. Par exemple, dans le monde dans lequel nous vivons, ne pas avoir Facebook ni Twitter est étrange, je le reconnais. Mais je me sens à l’aise et je n’en ai pas besoin pour être heureux. Je ne suis ni meilleur ni pire que personne. » La reconnaissance et l’admiration du grand public, très peu pour Sergio. Exception dans un monde de plus en plus médiatisé et peoplisé, il se plaît à suivre l’exemple de ses illustres prédécesseurs, Carles Puyol étant sa référence. « C’est un joueur naturel, abonde son jeune comparse Sergi Roberto. Il est très famille et professionnel. Il vit seulement pour le football, c’est pour ça qu’il ne se blesse jamais. »
Del Bosque : « Le joueur le plus solidaire que j’ai vu »
La connaissance et la compréhension du jeu de toque – qu’il découvre sur le tas, à partir de sa majorité – dont fait preuve Busquets requièrent presque cette absence de reconnaissance. Livré corps et âme à cette perpétuelle recherche de l’équilibre, « il est le joueur le plus solidaire que j’ai vu, soutient Vicente del Bosque. Il pourrait être plus dans la lumière, mais il pense avant tout à aider son coéquipier pour le bien de l’équipe. » Ce sens du sacrifice est pour beaucoup dans les saisons resplendissantes du Barça. Pep Guardiola va même jusqu’à dire que « rien n’aurait été pareil sans lui » . « Il fait des choses incroyables qui, pour la plupart des gens, passent inaperçues et qui me font halluciner. Sans lui, nous n’aurions pas même gagné la moitié de ce que nous avons remporté, tant avec le Barça qu’avec la sélection. C’est un joueur majuscule, superlatif » , concluent Gerard Piqué et son sens de la formule. Comme le dit Neymar, « Busi n’est pas le meilleur, c’est le maestro » , le chaînon vital d’un Barça qui flambe grâce à son meilleur ouvrier, qui ne lâchera jamais sa cape d’invisibilité.
Par Robin Delorme, en Espagne