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Bury enterré
En faillite après 134 années d'existence et de professionnalisme, le mythique Bury FC n'est pas autorisé à honorer sa saison de League One, championnat dans lequel il venait d'être promu. Le club perd son statut pro et se retrouve tout bonnement exclu du football britannique. Une triste première depuis 1992.
C’était trop beau pour être vrai. Le 11 décembre dernier, le Bury Football Club, très mal en point car croulant sous les dettes liées à des prêts, les salaires ayant notamment pris du retard, changeait de propriétaire en passant de l’entrepreneur immobilier Stewart Day à Steve Dale, un autre homme d’affaires présenté par le Guardian comme « ayant l’habitude de reprendre des sociétés insolvables et de gagner de l’argent en vendant leurs actifs » . Le tout pour une livre sterling, ce qui veut déjà dire beaucoup quand on parle d’un club de football professionnel.
« Nous ne sommes pas des magiciens, le club est en désordre et nous allons le reprendre en main, mais si les gens attendent de grandes choses, vous n’aurez rien de tout ça de ma part » , tempérait alors Dale. Il n’empêche que quatre mois et demi plus tard, les Shakers – menés par l’ex-attaquant Ryan Lowe, directement passé sur le banc – s’assuraient une remontée immédiate au troisième échelon du football britannique à deux journées du terme, au sortir d’un match nul (1-1) enregistré sur la pelouse de Tranmere (un exercice finalement bouclé à la deuxième position avec 79 unités en 46 journées).
Une vente non conforme
Une éclaircie du terrain pour masquer la tempête extra-sportive. Car fin avril, avant même l’officialisation de la montée, le néo-président, dans un communiqué étrangement très transparent, annonçait vouloir à son tour céder le club, en faisant un point toujours aussi terrible sur la situation, détaillant les galères rencontrées pour le versement des salaires – « on a dû attendre un accord avec les joueurs avant de pouvoir disputer un match face à Colchester » – et décrivant cette opération redressement comme « cent fois pire » que prévue. « Nous avons besoin d’1,6 million de livres pour payer les salaires, dettes, etc, jusqu’à la fin du moins de mai, et nous avons un revenu prévisionnel de 180 000 livres sterling pour cette période. Alors, dites-moi comment cela peut-il perdurer sans que nous revenions au point de départ ? » À partir de là, l’affaire était mal embarquée.
L’été a donc été agité : c’est la PFA (Association des footballeurs professionnels outre-Manche) qui a payé une partie des salaires de mars et avril pendant que les fans venaient en aide aux autres salariés. En mai, alors que les dettes s’élevaient à 8 millions de livres selon le Guardian, les joueurs ont demandé au propriétaire de prendre ses cliques et ses claques, alors qu’on lui reproche également d’avoir eu des ambitions démesurées en jouant la montée dans ces conditions. Début juillet, la ligue a d’ailleurs déclaré que la passation de pouvoir entre l’ancien et l’actuel propriétaires n’avait jamais été approuvée par la ligue en vertu de ses règlements : les garanties étaient loin d’être satisfaisantes. Un peu plus tard, il a été décidé que Bury, en raison de ses dettes, commencerait la saison avec 12 points de pénalité. Pendant ce temps-là, Lowe mettait les voiles vers le Plymouth Argyle FC et pillait son ex avec plusieurs éléments du Bury FC dans ses bagages.
Un record vieux de 116 ans
Puis, les emmerdes se sont intensifiées à quelques dodos de la reprise de ce fameux championnat de League One. Le 29 juillet précisément sous les coups de 17 heures, deadline qu’avait posée l’English Football League au président Dale pour présenter des garanties financières afin de remettre le club à flot et ainsi le faire perdurer. Le couperet est alors tombé : match d’ouverture face au MK Dons annulé. Il a été question d’une reprise du club, notamment par la société de conseil sportif C&N Sporting Risk, mais cela a rapidement capoté. On le sait donc depuis ce 27 août, date de la nouvelle échéance cruciale qui avait été fixée pour décider du destin du club centenaire : Bury n’entrera finalement jamais en lice dans cette saison 2019-2020. Le petit séisme a eu lieu vers 16h45 : l’EFL « a décidé avec énormément de regrets que l’adhésion de Bury lui serait retirée » . Une décision inédite depuis l’éjection de Maidstone en 1992, mais la situation n’était plus tenable.
EFL Statement: Bury FC https://t.co/mCalSklkyi#EFL pic.twitter.com/nPH5wv5O2a
— EFL (@EFL) August 27, 2019
On parle ici non pas d’un cador du football british, mais tout de même assurément d’un petit épouvantail né en 1885, entré directement dans le monde professionnel et qui s’est notamment stabilisé en première division entre 1895 et 1912. Double vainqueur de la Cup au tout début du XXe siècle (1900 et 1903) avec notamment un 6-0 collé à Derby County – record pour une finale – qui n’a été égalé que cette année par Manchester City, il avait également signé une quatrième place dans l’élite, en 1925–1926. Dans les années 1990, le club s’était offert une dernière montée dans l’antichambre, le temps d’arracher un joli succès à Maine Road face aux Citizens (0-1) ; peut-être les derniers frissons dignes de ce nom pour la formation située dans le Grand Manchester.
Bolton sauvé
Adepte du yo-yo dans les divisions pros inférieures, Bury était régulièrement sur la sellette ces dernières années : en 2002 déjà, il s’en était sorti en serrant la ceinture et grâce à de nombreux supporters d’un peu partout dont les noms sont aujourd’hui affichés sur les sièges de l’enceinte Gigg Lane. À la suite d’une relégation en League Two en 2013, le club s’était de nouveau retrouvé dos au mur et avait eu besoin d’un million de livres pour survivre ; enfin, depuis la prise de fonction de Stewart Day à l’intersaison 2014, les sueurs froides étaient fréquentes concernant les comptes.
L’annonce de l’EFL a provoqué une petite onde de choc au Royaume-Uni. « Cela n’aurait jamais dû arriver, a pesté le capitaine Neil Danns en s’adressant à son président.Si vous pensiez que vous ne pouviez pas faire avancer ce club de manière positive, vous n’auriez jamais dû prendre la relève, car vous avez littéralement détruit des vies, c’est ce que ce club de football signifiait pour beaucoup de supporters. » Preuve de la détresse générale : ce mercredi, un consortium international s’est formé pour rassembler 7 millions de livres, racheter le club et implorer l’English Football League de revenir sur sa décision. Sinon, il restera une bonne nouvelle : également dans le rouge et menacé par un ultimatum de deux semaines, le Bolton Wanderers FC a lui trouvé un accord de rachat.
Par Jérémie Baron
Propos de Dale tirés de BBC Radio Manchester, ceux de Neil Danns tirés de The Independent.