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Burnley : tout dans le slip
Il était une fois, dans une Premier League mondialisée et les poches pleines, un petit budget du nom de Burnley, avec un son petit stade centenaire et son effectif quasi exclusivement britannique. Un Petit Poucet que tout le monde voyait se faire bouffer au mois d'août, mais qui en décembre a fait passer le message : les Clarets vont emmerder un maximum de monde, à commencer par Southampton, terrassé ce week-end au Turf Moor...
Manchester City, Chelsea FC, Tottenham Hotspurs, Manchester United, Liverpool, Arsenal… et Burnley FC. Dans la galaxie de la Premier League, au milieu de cet univers où l’argent coule à flot, le petit club du Lancashire fait office de parent pauvre. Et aussi de condamné d’avance. Deuxième de Championship la saison passée derrière Leicester, l’équipe de Sean Dyche a été l’une des moins dépensières du mercato d’été : moins de 4 millions de livres sterling quand un rival à la course au maintien comme Hull City claquait plus de 20 millions. Il n’en fallait pas plus pour faire de ce club – dont la dernière saison dans l’élite remonte à 2009-2010 -, la lanterne rouge désignée. Le début de saison compliqué de la bande à Sean Dyche n’a pas contribué à les crédibiliser : une défaite à la maison contre Chelsea (1-3), suivie d’une autre à Swansea (0-1) avant de se faire sortir de la League Cup par Sheffield Utd en août…
« La même cote que l’équipe de bobsleigh jamaïcaine aux JO de Sotchi 2014 »
Finalement, le premier signal positif sur l’électrocardiogramme de Burnley s’est produit à la fin de l’été avec un 0-0 courageux contre un Manchester United en rodage. Mais pas de quoi rassurer les supporters locaux, septembre s’écoulant sans aucun but marqué, avec deux matchs nuls, puis une raclée 4-0 sur la pelouse de West Bromwich Albion le 28 septembre. Les hommes de Sean Dyche touchent le fond, mais ils apprennent vite. Si la plupart, sauf quelques recrues estivales, n’ont aucun match de Premier League dans les jambes en août, ils montent en puissance au fil des matchs. La preuve, après la déroute de WBA, un nul à Leicester, puis une série de trois défaites de rang dont un 3-0 sans appel à l’Emirates Stadium d’Arsenal, la machine se met enfin en marche : le 8 novembre, au Turf Moor devant Hull City, les hommes de Sean Dyche décrochent leur premier succès de la saison (1-0). Il aura fallu attendre la 11e journée, mais cela en valait la peine, puisque la victoire lance une série de quatre matchs sans défaite, avec notamment une victoire à Stoke City. Des points, de la qualité dans le jeu, et peu de couacs, le dernier en date remontant à la défaite au Loftus Road de QPR (0-2), autre candidat au maintien, le 6 décembre. Mais la victoire arrachée le week-end passée contre Southampton confirme que les Clarets ont assimilé leur montée en Premier League et sont désormais en mesure de lutter pour rester hors de la zone rouge, eux qui sont 17es après 16 journées.
Se maintenir en Premier League pour Burnley, c’est un peu comme atteindre les seizièmes de finale de la Ligue Europa pour Guingamp : un exploit historique. En début de saison, peu étaient prêts à miser leurs économies sur les chances de survie du club dans l’élite anglaise : 2 contre 1 seulement pour la relégation, et 10 000 contre 1 pour le titre selon les statistiques du Daily Mail, soit « la même cote que l’équipe de bobsleigh jamaïcaine aux JO de Sotchi 2014 » . Sauf qu’avec un coach ayant la gueule d’un videur et la voix d’un gros fumeur, les Clarets se sentent pousser des ailes et savourent déjà leur début de revanche, alors qu’un débat s’était engagé en Angleterre il y a quelques semaines pour dire s’ils étaient ou non la pire équipe de l’histoire de la Premier League. La réponse est aujourd’hui clairement négative, le club du Lancashire se révélant avoir quelques arguments de poids : un jeune entraîneur qui a réussi chacune de ses expériences – un maintien en Championship brillamment mené avec Watford en 2012, puis une promotion surprise avec Burnley en 2014 -, et un effectif savamment renforcé durant l’été avec la prolongation des cadres (Heaton, Trippier, Mee, Arfield), la fidélité au club du meilleur buteur (Ings, 21 buts) et l’arrivée de quelques joueurs expérimentés (Reid, Taylor).
Dyche, Trippier, Ings, la sainte trinité de Burnley
Surtout, le petit club du Lancashire a acquis depuis 2012 grâce à Sean Dyche une plus grande rigueur défensive et une gestion sur le long terme, avec des joueurs relativement jeunes et pleins d’avenir comme le défenseur Kieran Trippier, selon la BBC « meilleur central hors de Premier League et de loin la saison passée, un joueur qu’il ne serait pas surprenant de voir en sélection anglaise dans les années à venir » . Avec Trippier, Ings et Dyche, Burnley semble avoir les bases de sa sainte trinité entre un coach de 43 ans qui semble promis à un brillant avenir, et deux futurs internationaux anglais potentiels. Un trio magnifié par l’esprit qui règne au sein du vestiaire, où l’on se plaît à répéter « aucun regret » , et dans lequel les buts concédés et les défaites essuyées n’altèrent en rien la confiance du collectif. Avec cinq clean sheets depuis le début de la saison, les Clarets ont prouvé qu’ils étaient tout sauf une victime consentante.
À l’heure de la mondialisation sans retour de la Premier League et de son succès à l’international, la survie de Burnley apparaît presque comme un bras d’honneur de la tradition à l’intention du foot business : une ville de 73 000 habitants, un club centenaire (fondé en 1882, passé pro en 1883), un vestiaire composé essentiellement de joueurs britanniques – qui, quand ils ne le sont pas de naissance comme le Polonais Jutkiewicz, se sont fait naturaliser – et une histoire. Car en dépit de son statut de victime toute désignée en Premier League, Burnley facture 53 saisons dans l’élite anglaise, deux titres de champion (1921, 1960), une FA Cup (1914) et le passage au club de quelques grands noms comme Paul Gascoigne, Chris Waddle, Ian Wright, ou encore Gary Cahill et Jay Rodríguez pour parler de joueurs en activité. Véritable pièce du patrimoine footballistique anglais, le FC Burnley peut-il vraiment déjouer les pronostics et s’extirper de la charrette à la fin de la 38e journée ? Durant la seconde partie de saison, il va jouer QPR, Leicester, West Brom et Crystal Palace à la maison, autant de matchs clés de sa survie ou non. Burnley peut finir devant trois équipes, mais la survie en Premier League serait un accomplissement plus grand que la promotion de la saison passée, qui était déjà un miracle en soi. Quand on croit aux miracles, on croit également aux cercles vertueux…
Nicolas Jucha, avec Tyrone Marshall et Chris Boden