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Buonanotte, un Nain toujours en vie
Grand espoir de River Plate, la vie et la carrière de Diego Buonanotte ont radicalement changé un soir de Noël, quand il tuait ses trois meilleurs amis en perdant le contrôle de sa voiture. Après un passage en Europe raté, le « Nain » a fait un retour discret au pays il y a quelques semaines. Le jeune homme n'est plus du tout le même. Mais son pied gauche fait encore des dégâts.
À l’annonce des compos d’équipe, le Monumental applaudit chaleureusement le nom d’un revenant : Diego Buonanotte. Sous son mètre 60, le « Nain » salue timidement. Il a laissé de bons souvenirs aux fans de River Plate. Les titres de champion et de meilleur buteur en 2008, par exemple, quand Diego Simeone dirigeait la dream team d’Ariel Ortega, de Radamel Falcao et d’Alexis Sánchez. Mais ce dimanche soir, c’est avec le maillot de l’équipe adverse, celui de Quilmes, que le gaucher entre sur la pelouse qui l’a vu naître un 9 avril 2006. Ce jour-là, Buonanotte, 17 ans et grand espoir du centre de formation, remplaçait Gonzalo Higuaín. Pour cette nouvelle saison, le Monumental est rempli. C’est la première à domicile en 2015 pour le Millonario. Quilmes, équipe de la banlieue sud de Buenos Aires, habituée à se battre pour le maintien, n’a a priori pas le profil du gâcheur de soirée. Un slalom, un une-deux, un joli tir croisé et un caviar pour Romero plus tard, Buonanotte, numéro 10 dans le dos, demande pardon à ses anciens fans. Puis esquisse un sourire. Il est, pour la première fois depuis longtemps, l’homme de la soirée. « Ce sont de drôles de sensations. Je ne fêterai jamais un but contre River par respect pour ce club. Mais pour nous, prendre un point contre la meilleure équipe d’Argentine, ça a une saveur particulière. »
« Le football n’est plus ma priorité »
Le ton est tristounet. Il y a longtemps, déjà, que le jeune homme a perdu la joie de vivre. Cinq ans, exactement. C’était Noël 2009, Diego revenait de soirée avec ses trois meilleurs potes, quand il perdit le contrôle de sa 307. Un arbre plus tard, les trois copains étaient morts. Lui s’en sortait avec quelques fractures. Avant cela, tout souriait au gamin de Teodelina, petite ville de la province de Santa Fe. Un statut de grande promesse du meilleur centre de formation du pays, une première confirmation avec le gain du championnat et la tête du classement des buteurs en 2008, une médaille d’or aux JO de Londres, et un titre individuel, celui de meilleur joueur du Tournoi de Toulon en 2009. L’Europe le suit alors de près et le Málaga nouveau, celui d’Abdullah ben Nasser Al Thani, pose un chèque de 5 millions d’euros sur le bureau de River pour lui. Un crack argentin, ça fait rêver. Sauf que Buonanotte n’est plus le même depuis cette triste nuit de Noël. « Des fois, j’ai des gros coups de déprime, puis après ça va mieux parce que mes deux enfants sont la plus belle chose qui me soit arrivée après cette horrible soirée. Aujourd’hui, je vis pour eux. Le football n’est plus ma priorité. Je ne sais pas si je serai de nouveau heureux un jour, mais je ferai tout pour que mes gamins le soient. »
Loin des projecteurs
L’expérience andalouse est un échec sportif. Un an et demi à Málaga, la même chose à Grenade. Deux buts en Liga en tout et pour tout. Buonanotte quitte l’Europe l’été dernier pour Pachuca, au Mexique, où on lui vend des conditions de vie idéales pour lui et les siens. Encore raté. « À Pachuca, nos deux attaquants s’étaient blessés. L’entraîneur pouvait en faire venir un autre, mais pour cela il fallait virer un étranger qui n’était pas prioritaire parce que le mercato mexicain était terminé. J’étais le seul dans ce cas, donc c’est moi qui ai sauté. Dans le football, tu ne peux faire confiance à personne. » Six mois après son arrivée, il rentre en Argentine pour retrouver toute sa famille, malgré des offres économiques autrement plus alléchantes ailleurs. « J’avais des propositions de partout, en Équateur, aux États-Unis. Quand j’étais petit, je voulais jouer en Europe et gagner du fric. Maintenant, je ne pense plus comme ça. » Diego a choisi le retour à la maison et la tranquillité d’un club sans pression médiatique et populaire. Starlette à 20 ans, il fait tout désormais pour éviter les projecteurs. « Je ne tiens pas à redevenir celui d’avant, celui des publicités et de la célébrité. Me sentir bien me suffit largement. Il n’est pas nécessaire de mettre dix buts et d’être la vedette pour être heureux. » À seulement 26 ans, le « Nain » a montré ce week-end au Monumental, là où tout avait commencé, que son pied gauche avait quand même de beaux restes.
Par Léo Ruiz