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Bundesliga, démission à domicile depuis la reprise
Ce week-end, un seul club a réussi à s'imposer chez lui en Bundesliga : le Bayern Munich, avec un but à la 86e minute. Contre six victoires à l'extérieur... Une habitude allemande, depuis la reprise à huis clos : lors de chaque journée, les équipes qui reçoivent ont un mal fou à faire bonne figure. Une inversion des conventions qui pouvait être attendue, mais pas dans ces proportions.
Il s’en est fallu de très, très peu. Lorsqu’il a planté le but décisif sur un centre de Benjamin Pavard contre le Borussia Mönchengladbach à quatre minutes de la fin du temps réglementaire ce samedi, Leon Goretzka ne pouvait pas savoir qu’il offrait la seule victoire locale de la 31e journée à la Bundesliga. Enfin, peut-être qu’il s’en doutait finalement un peu. Car depuis la reprise du championnat après l’interruption du football en raison de la pandémie de coronavirus, les équipes allemandes ne savent plus gagner à la maison.
Ce week-end, Leipzig et le Borussia Dortmund se sont ainsi respectivement imposés à Hoffenheim et à Düsseldorf quand le Werder Brême ou l’Eintracht Francfort sont allés exploser Paderborn et le Hertha Berlin. De leur côté, l’Union Berlin et Augsbourg ont arraché un succès de leur déplacement à Cologne et Mayence. Quant à Wolfsburg et Schalke 04, ils n’ont pas su mieux faire que des partages de points dans leur antre contre Fribourg et le Bayer Leverkusen. Bilan définitif : un succès à domicile, six à l’extérieur et deux nuls.
Deux fois moins de victoires
Il suffit de contempler les chiffres pour se convaincre que la 31e journée n’est pas un fait isolé, ou ne découle pas que de la (mal)chance. Avant l’arrêt, le pourcentage de victoires à domicile atteignait 43,3% sur l’exercice en cours (un chiffre qui monte même à 45%, si l’on prend les deux dernières saisons) contre 34,8% pour celui à l’extérieur (21,9% de nuls). Depuis le 16 mai, date du début de la 26e journée (et du retour de la compétition) et avant même cette 31e journée ? 47,8% de succès… à l’extérieur, contre 21,7% à domicile (30,4% de nuls) ! Autrement dit, en cette période particulière de huis clos et de sollicitation physique jamais observée durant laquelle les téléspectateurs n’ont pas vu plus de deux victoires locales sur une journée, il y a deux fois moins de succès à domicile et recevoir ne semble plus constituer un avantage.
Seuls les deux gros, à savoir le Bayern (trois victoires en trois réceptions) et à un degré moindre Dortmund (deux victoires, une défaite), paraissent échapper à la nouvelle règle. Le Hertha aurait pu faire partie de cette minuscule catégorie, mais il vient de couler (1-4) dans son Olympiastadion contre moins bien classé que lui (comme Cologne sur ses terres, devant l’Union). « C’est dingue, et on ne s’attendait pas à ça à ce point », a d’ailleurs halluciné le manager du BvB Sebastian Kehl face à la presse, après le revers des siens face à Munich… au Signal Iduna Park.
Oui, le douzième homme existe
Alors, comment expliquer cette inversion des valeurs qui dérègle toute certitude chez le bon pronostiqueur ? Évidemment, l’absence de public fait office de principale justification. « Je ne crois pas que ce soit un hasard, les fans aident toujours leur équipe, et c’est bien sûr plus facile quand on joue à l’extérieur sans spectateur », confirmait récemment l’entraîneur de Leverkusen Peter Bosz devant les médias. Psychologiquement, les joueurs auraient par exemple du mal à résister à l’adversaire sans leur soutien habituel dans un lieu qu’il connaisse. Ces derniers jours, Wolfsburg a mené de deux buts avant de se faire rejoindre, le Hertha a ouvert le score avant de s’écrouler, et Schalke a plié dans les dix dernières minutes en subissant l’égalisation du Bayer.
Les statistiques d’une étude de l’université de Reading, qui s’est intéressée aux rencontres à huis clos (dans les cinq grands championnats et les coupes d’Europe) et relayée par le Guardian, ne disent pas autre chose : sans cri ni applaudissement, la pelouse domicile devient neutre avec une probabilité de victoire de l’équipe recevant diminuant de 45,8 à 36% et de défaite augmentant de 25,9 à 33,5%. Il s’agit donc d’une nouvelle compétition, la Bundesliga d’avant avec fans n’étant pas la même que la silencieuse Bundesliga actuelle. De là à évoquer une éventuelle injustice…
Des arbitres (moins) influencés ?
Par ailleurs, les arbitres pourraient également être inconsciemment moins influencés dans leurs décisions. Qu’on le reconnaisse ou non, siffler un penalty contre Dortmund dans le bordel ambiant du mur jaune est moins aisé que sortir un carton rouge devant une centaine de personnes. Les coups de sifflet, justement, détiennent un rôle encore plus prépondérant qu’auparavant : les tremblements de filet sur coup franc ont bondi de 8,1%. Les travaux de l’université de Reading, eux, ont montré que les visiteurs recevaient 1,90 carton jaune par partie en moyenne quand le public était absent contre 2,28 en temps normal. Sacrée différence.
Le manque de condition physique, l’état mental post-Covid et les cinq remplacements possibles peuvent-ils constituer d’autres arguments ? Impossible à dire, à l’heure actuelle. En tout cas, le record allemand né en septembre 2019 lors de la sixième journée de Bundesliga (huit victoires à l’extérieur, un nul et aucune victoire à domicile) a de grandes chances de tomber prochainement…
Par Florian Cadu