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Bundesliga, 50 ans, 50 histoires (37 à 45)
Le 24 août 2013, la Bundesliga a « officiellement » soufflé ses 50 bougies. Pour l'occasion, voici 50 histoires, petites et grandes, qui ont fait la légende de ce championnat situé outre-Rhin. À déguster avec une bonne bière bien fraîche, bien sûr.
Uli Hoeness, ce survivor
En tant que joueur et manager, Uli Hoeness a gagné avec le Bayern et l’équipe d’Allemagne tout ce qu’il était possible de gagner. Seulement, cette belle histoire aurait pu ne jamais s’écrire si tout s’était arrêté le 17 février 1982. Ce jour-là, la Nationalmannschaft joue en amical contre le Portugal à Hanovre. Alors retraité de l’équipe nationale, Uli Hoeness décide de se rendre en Basse-Saxe pour aller soutenir ses compatriotes. Il décide de faire le trajet dans un avion privé, en compagnie d’un ami, l’ancien champion de ski Wolfgang Junginger, un copilote et le patron d’une maison d’édition. Seulement voilà, quelques minutes avant l’atterrissage à l’aéroport de Hanovre, l’avion se crashe. Les passagers meurent sur le coup, à l’exception de Uli Hoeness, qui s’était endormi à l’arrière. Il sera sauvé par un garde forestier une heure plus tard, avant d’être transporté à l’hôpital le plus proche. Alerté à la fin de la rencontre, ses amis Paul Breitner et Karl-Heinz Rummenigge se rendront à son chevet. À son réveil, les premiers mots de Hoeness seront : « C’est quoi le score? » 3-1 pour l’Allemagne, Uli. Un csc de Humberto et un doublé de Klaus Fischer.
Un sponsor coquin
Le FC 08 Homburg, petit club de Sarre, accède à l’élite pour la première fois de son histoire en 1986. Après une saison 86/87 mouvementée, où le club se sauve de justesse en finissant 16e (à l’époque, seuls les deux derniers descendent), Manfred Ommer, président du club sarrois, décide de faire le buzz autour de son équipe en se laissant sponsoriser (pour 200 000 Marks) par London Rubber Company, une entreprise qui fabrique des capotes. Coup de tonnerre au sein de la très conservatrice DFB, qui y voit là une provocation, considérant cette pub « contraire à l’éthique et la morale » . La fédé allemande essaye de faire interdire le sponsor maillot, va même tenter d’obliger les joueurs de Homburg à cacher cet « horrible » sponsor avec du gros scotch noir. Mais Manfred Ommer ne l’entend pas de cette oreille, et l’affaire est portée devant le tribunal de Francfort. Un tribunal qui donnera raison au club sarrois. Une grosse victoire pour le FC Homburg, qui coule lentement vers la deuxième division. Une descente qui aurait pu être précipitée si l’idée d’un retrait de points proposée par un membre de la DFB avait été mise en application. Ce à quoi Slobodan Cendic, l’entraîneur de Homburg, avait répondu : « Mais quels points voulez-vous donc nous retirer ? » La Bundesliga s’est fait Homburg, mais Homburg s’est fait la DFB. Fair enough.
Le phénomène Hans Sarpei
Tout commence par une blague sur Twitter. Alexander Baumjohann, alors à Schalke, rentre de vacances et demande à ses followers ce qui s’est passé durant son absence. Ce à quoi Hans Sarpei, son coéquipier de l’époque, répond : « Tu vas être transféré à Wolfsburg. Felix Magath te veut. » Baumjohann, qui ne s’entendait pas du tout avec « Quälix » , pique une colère noire, ce qui provoque l’hilarité de la twittosphère. La légende Hans Sarpei se met en place. Légende, car très vite, des supporters de Schalke originaires de Cologne décident de faire du défenseur allemand d’origine ghanéenne une superstar, et le comparent à Chuck Norris. De fait, de nombreuses pages Facebook voient le jour : « Hans Sarpei transforme l’eau en vin » , « Situation amoureuse : Hans Sarpei » , « Comme Actimel, Hans Sarpei active les défenses immunitaires » , ou encore « Hans Sarpei utilise le shampooing Schwarzkopf » . De son côté, l’ancien latéral commence à faire parler de lui sur les réseaux sociaux, et, grâce à ses phrases piquantes, compte près d’un demi-million de fans sur Facebook et un peu plus de 100 000 followers sur Twitter. À tel point que la chaîne de magasins Karstadt l’a nommé conseiller marketing pour sa filière sports. Mettez-vous à l’allemand, ça vaut le détour.
Ulm voit rouge, rouge, rouge, rouge
Le SSV Ulm 1846 n’a joué qu’une saison dans l’élite, mais nombreux sont ceux qui s’en rappelleront. Du moins s’ils se rappellent du match contre le Hansa Rostock. 10 septembre 1999, le promu se rend au nord-est de l’Allemagne dans un Ostseestadion bouillant. Trop bouillant apparemment, puisque les visiteurs n’y arrivent pas. Pire, ils ont l’air dépassés. Et très vite, ils commettent des fautes, et très vite, l’arbitre Herbert Fandel se sent obligé de faire la police. Un exercice qu’il prend même à cœur. Juste avant la mi-temps, Hans van de Haar commet une faute de boucher qui lui vaut un deuxième jaune : Ulm se retrouve à dix. À l’heure de jeu, Uwe Grauer fait le même genre de connerie : Ulm se retrouve à neuf. Joachim Stadler met toute sa frustration dans son coup de coude, qui atterrit sur la tête de Victor Agali : Fandel ne l’a pas vu, Ulm reste à neuf. Sur son banc, Martin Andermatt, l’entraîneur d’Ulm, est un peu trop bavard : il finira son match en tribune, bientôt rejoint par son manager, Erich Steer. À la 77e, Evans Wise, entré dix minutes plus tôt, charcute un joueur du Hansa : Ulm est à huit. Néanmoins, Rostock n’arrive pas à faire la décision, et Ulm finit par égaliser, contre toute attente ! Mais Agali marque le but de la victoire à la 90e minute. Fin du match ? Non. Car Janos Radoki prend un dernier rouge pour la route pour une faute en qualité de dernier défenseur. Une soirée à oublier.
Une femme à la tête d’un club
La Bundesliga, un monde de brutes ? Oui, jusqu’en 1994 et l’arrivée au poste de manager de Britta Steilmann, créatrice de mode et fille de Klaus Steilmann, président du Wattenscheid 09. La designeuse, tout fraîchement honorée du prix de « manager écolo » (1993), souhaite faire de Wattenscheid « un club aussi populaire que Schalke ou le Bayern » . Rires en coulisses, et surtout, débordements machos. Le Spiegel parle de « Fräulein Steilmann » (tournure péjorative pour « Mademoiselle » ) tandis que suite à l’éviction du coach Hannes Bongartz, Bild n’hésite pas à titrer « Le premier entraîneur viré par une femme » . Lentement mais sûrement, Britta commence à lâcher l’affaire, et se sauve après la descente du club. Il faudra attendre 2003 et l’arrivée de Katja Kraus dans le board du HSV pour voir une femme venir troubler ce quotidien fait d’hommes.
Des buts dans tous les sens
La saison 83/84 fut l’une des plus folles jamais disputées en Bundesliga, et ce, à plusieurs titres. Parce que les trois premiers (Stuttgart, HSV, Gladbach) ont fini à égalité de points. Parce que le Bayern a fini avec un point de retard seulement sur le trio de tête. Parce que le VfB Stuttgart a remporté son titre à la différence de buts, « grâce » à une petite défaite 1-0 face au HSV, qui aurait dû l’emporter 5-0 pour être sacré champion. Mais si cette saison fut également marquante, c’est parce que lors de la 32e journée, un nombre incroyable de buts a été inscrit : 53, en neuf matchs. Jolie moyenne. Les hostilités ont démarré un vendredi soir, dans la banlieue de Francfort : le Werder Brême est allé s’imposer 3-7 sur la pelouse des Kickers Offenbach. Samedi, la folie s’est poursuivie. L’Eintracht Braunschweig s’amuse face au Fortuna Düsseldorf (4-1), le 1.FC Cologne démonte le Borussia Dortmund (5-2, avec un doublé de Pierre Littbarski), Gladbach met le feu au Bayer Uerdingen (7-1, avec des doublés d’Ewald Lienen et de Lothar Matthäus), le Bayern Munich frappe le 1. FC Kaiserslautern (5-2, dont un doublé de Karl-Heinz Rummenigge), et enfin Hambourg se fait plaisir à Nuremberg (1-6). Les mauvais élèves ? Le VfL Bochum, qui bat de justesse le Bayer Leverkusen (2-1), l’Arminia Bielefeld, qui y va doucement avec le Waldhof Mannheim (0-2) et le futur champion, le VfB Stuttgart, qui se paye le luxe de faire match nul face à l’Eintracht Francfort (2-2). 53 buts au final. Jamais une journée de Bundesliga ne fut aussi prolifique.
La folle année de Wolfsburg
Parmi les plus beaux Meisterschale gagnés ces dernières années, il y a celui du Bayern cuvée 2013 et celui de Dortmund en 2011. Mais le plus beau est vraisemblablement celui de 2009, car il fut aussi le plus inattendu. Qui, en effet, aurait parié un euro sur le VfL Wolfsburg, 9e à la trêve avec 26 points, soit 9 de moins que les leaders Hoffenheim (!) et le Bayern ? C’était sans compter sur l’appétit des Loups, dressés par un meneur d’hommes hors pair : Felix Magath. En seconde partie de saison, les salariés de Volkswagen passent les vitesses les unes après les autres, grillant tout sur leur passage. Personne (ou presque) ne résiste au trio infernal, composé de Zvejzdan Misimović (33 matchs, 7 buts, 20 passes décisives), Edin Džeko (32 matchs, 26 buts, 7 passes décisives) et Grafite (25 matchs, 28 buts, 8 passes décisives) : victoires 3-1 à Hambourg, 4-3 face à Schalke, 4-0 face à Hoffenheim, 3-0 face au BVB, 5-0 à Hanovre. Au total, les Loups prendront 43 points sur 51 possibles. Et marqueront également les esprits avec cette fessée infligée au Bayern : 5-1, avec ce but de dingue de Grafite. Le but de l’année, cela va de soi.
Envahissement de terrain à Düsseldorf
Quand il n’y en a plus, il y en a encore. Quand la saison de Bundesliga se termine, il reste encore les fameux barrages, les « Relegationsspiele » . Une double confrontation entre le 16e de 1. Bundesliga et le 3e de 2. Bundesliga toujours riche en émotions. Preuve en fut encore en fin de saison 11/12, lorsque le Hertha Berlin, qui lutte alors pour ne pas descendre, retrouve le Fortuna Düsseldorf, qui n’a plus connu l’élite depuis 1997. Au match aller, le Fortuna s’impose 2-1 à Berlin. Au retour, Beister donne l’avantage à Düsseldorf au bout de 26 secondes de jeu. Le Hertha égalise vingt minutes plus tard par Ben-Hatira, mais Jovanović remet Düsseldorf devant à l’heure de jeu. Dès lors, ça devient n’importe quoi. L’arbitre Wolfgang Stark arrête le match à cause des jets de fumis sur la pelouse de la part des fans berlinois. Ceux-ci sont d’ailleurs imités dans la foulée par les fans de Düsseldorf. Sur le terrain, le Hertha finit par égaliser à la 85e par Raffael. Juste après, le match est de nouveau interrompu à cause des fumis sur la pelouse. Le speaker du stade a beau lancer des menaces en déclarant qu’à la prochaine interruption, le match serait définitivement, rien n’y fait. Des policiers se postent devant la tribune visiteurs. Mauvais calcul. Alors que le quatrième arbitre annonce 7 minutes de temps additionnel, les supporters du Fortuna, n’y tenant plus, s’aventurent sur la pelouse, prétextant avoir entendu le coup de sifflet final. La scène a des allures de chaos : des fumigènes partout, invasion de la pelouse, un type découpe même un point de pénalty et repart avec, l’air de rien. Le match est arrêté, les esprits s’échauffent un peu partout, Düsseldorf est déclaré vainqueur. Le Hertha saisit la justice, l’affaire dure plusieurs semaines, mais le club de la capitale finit par être débouté et condamné à jouer au niveau inférieur. Mais bientôt, les rôles s’échangeront de nouveau : à l’issue de la saison 12/13, le Hertha Berlin remonte, tandis que le Fortuna Düsseldorf descend à nouveau.
Le plus joli raté
9 août 1986 : Frank Mill, fraîchement arrivé du Borussia Mönchengladbach, dispute son premier match sous les couleurs du Borussia Dortmund. Premier match, et premier choc : les Schwarzgelben se rendent sur la pelouse du Bayern Munich, et les choses commencent plutôt mal pour le BVB, avec ce but de Roland Wohlfarth dès la 1re minute. Mais Dortmund se ressaisit, parvient même à se créer des occasions, et revient à 1-1 à la demi-heure de jeu grâce à Daniel Simmes. Quelques minutes avant la mi-temps, Frank Mill a lui aussi l’occasion de montrer ce qu’il vaut. Bien lancé en profondeur, il évite la sortie de Jean-Marie Pfaff et se retrouve tout seul près du but, croise sa frappe… qui finit sur le poteau ! Incroyable. Le match s’achèvera sur le score de 2-2, mais c’est évidemment ce tir sur le poteau à 3 mètres des cages que l’on retiendra. « Quelques mois plus tard, je me suis rendu à San Francisco et j’ai vu à la télé une série de gags dans le sport et j’y ai vu mon raté. Je n’aurais jamais pensé le voir à l’autre bout du monde » , racontera l’intéressé. Le ridicule ne connaît pas de frontières.
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Par Ali Farhat