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Bundesliga : 50 ans, 50 histoires (19 à 27)

Par Ali Farhat
10 minutes
Bundesliga : 50 ans, 50 histoires (19 à 27)

Le 24 août 2013, la Bundesliga a « officiellement » soufflé ses cinquante bougies. Pour l'occasion, voici cinquante histoires, petites et grandes, qui ont fait la légende de ce championnat situé outre-Rhin. À déguster avec une bonne bière bien fraîche, bien sûr.

Tasmania Berlin, la plus nulle équipe de tous les temps en Bundesliga

Au début, il s’agit d’un imbroglio total. Fin février 1965, le Hertha accuse un déficit de 192 000 marks et se voit reléguer de force en Regionalliga (l’ancêtre de la 2.Bundesliga) par la DFB, malgré sa quatorzième place – sur seize, à l’époque. Karlsruhe et Schalke, respectivement avant-dernier et dernier, sont censés descendre. De leur côté, le Bayern Munich et le Borussia Mönchengladbach, grâce à leur parcours en Regionalliga et à la victoire dans leurs groupes de barrages respectifs, accèdent à l’élite. Seulement voilà : trois clubs qui descendent, deux qui montent, ça fait quinze clubs seulement en 1.Bundesliga. La DFB décide alors d’organiser un mini-tournoi pour accorder cette foutue 16e place, entre le SSV Reutlingen, le 1.FC Saarbrücken (les deuxièmes des groupes de barrages), le Tasmania Berlin (champion de Berlin en 63/64) et Karlsruhe. Mais Karlsruhe, qui était remonté au classement suite à la descente du Hertha, conteste cette décision. Du coup, les clubs de Berlin, à savoir le Tennis Borussia Berlin et le Tasmania, portent plainte contre cette décision. De leur côté, les clubs de Bundesliga aimeraient bien avoir une Bundesliga à 17, voire 18 clubs. Enfin, la maison d’édition Axel Springer (celle qui édite Bild) met la pression sur la DFB pour qu’il y ait au moins un club berlinois (de l’ouest, s’entend) en 1re division. La fédé finit par trancher: hormis le Hertha, aucun club ne sera relégué. Le Tennis Borussia Berlin ayant déjà échoué en barrages, la DFB se tourne vers le Spandauer SV, qui refuse d’accéder à l’élite. C’est donc le troisième de la poule de Berlin, le Tasmania, qui accède à l’élite. S’ensuit une folie digne de la Débâcle de 40 : les joueurs, en vacances, sont rappelés d’urgence. Ils sont également invités à délaisser leurs jobs pour devenir pros et ainsi se concentrer uniquement sur la Bundesliga. Ce qui n’est pas évident pour des mecs qui ont plus ou moins toujours considéré leur sport comme un hobby. Au final, l’exercice 65/66 tourne au cauchemar pour les joueurs du Tasmania : malgré une victoire 2-0 lors du premier match face à Karlsruhe, les Berlinois coulent. S’ensuit une série de 31 matchs sans victoire, avec seulement 4 matchs nuls. Le Tasmania finit la saison avec huit points, et une différence de buts de -93 (15 buts marqués, 108 encaissés). S’il y avait eu 81 500 spectateurs pour la victoire face à Karlsruhe, ils ne seront plus que 2000 lors du dernier match à domicile, une victoire 2-1 sur le Borussia Neunkirchen. Avant de tomber définitivement aux oubliettes, de disparaître en 1973, laissant seulement le souvenir dans l’Ewige Tabelle (classement toutes saisons confondues) d’une équipe qu’on pourrait qualifier comme étant « la plus nulle ayant jamais évolué en Bundesliga » .

Hambourg, le Dinosaure

Ces derniers temps, on se moque beaucoup du Hamburger SV, de sa capacité à faire n’importe quoi et de jouer avec le feu (ou plutôt la descente) saison après saison. Seulement voilà, si un jour, le HSV venait à descendre, ce n’est pas que la ville de Hambourg qui serait triste, mais toute l’Allemagne qui aime le football. Car Hambourg est ce qu’on appelle un Dinosaure. Seul membre fondateur de la Bundesliga nouvelle formule à ne jamais avoir connu la 2e division, le HSV fait même partie des clubs allemands au palmarès le plus garni. Six fois champion, trois fois vainqueur de la coupe d’Allemagne, une C1, une C2, et des finales en pagaille. Avant 1963, il y a eu la grande période avec Uwe Seeler, l’idole de tout un peuple. Il y a également eu cette équipe dingue de la fin des années 70-début des années 80, avec notamment Kevin Keegan, Felix Magath, Manfred Kaltz et Horst Hrubesch (et Günter Netzer comme manager), qui a remporté trois Meisterschale et une Coupe des Champions. Alors, même si les Rothosen n’ont rien gagné de significatif depuis 1987, même si le club sombre jour après jour dans le ridicule, ce serait triste que de voir ce géant tomber dans une division inférieure…

Roland Wohlfarth, premier joueur dopé

Les suspicions autour de la Nationalmannschaft entre 54 et 66 (et plus tard?), les fameuses nageuses de l’ex-RDA, Jan Ullrich et son « ni oui ni non » … Les Germains et le dopage, c’est une histoire bien compliquée. Difficile de décerner le vrai du faux. Et ça devient carrément n’importe quoi quand les Allemands eux-mêmes se tirent des balles dans le pied. Dans son autobiographie parue en 1987, Harald « Toni » Schumacher, le meilleur ami de la France, balance sans prévenir qu’il y a des gens qui se dopent en Bundesliga. Ni une, ni deux, la DFB organise des contrôles un peu partout. Le premier à tomber sera Roland Wohlfarth. Le 25 janvier 1995, l’attaquant du VfL Bochum doit se présenter à un contrôle anti-dopage lors d’un tournoi en salle à Leipzig. Le verdict tombe : Wohlfarth est contrôlé positif à la noréphédrine, une substance qui se trouve dans les pilules coupe-faim qu’il consomme sans l’avis du médecin du VfL : « Je ne prenais pas ces trucs pour courir plus vite ou plus longtemps. Pour moi, ce n’est pas du dopage » . La DFB ne voit pas les choses du même œil, et condamne l’ancien attaquant du Bayern Munich – qui s’était déjà pris une amende de 60 000 marks de la part de son employeur – à deux mois de suspension. « La bêtise n’excuse rien. Plus elle est grande, plus elle est dangereuse » , justifiera Klaus Hilpert, le chef de la commission de la DFB.

Un match contre son camp

Les Allemands marquent beaucoup de buts, c’est connu. En même temps, c’est normal quand on attaque 90 minutes durant. Mais qui dit dépense d’énergie dit perte de repères, perte de lucidité. Et parfois, ça donne n’importe quoi. Les spectateurs du Borussia Park ont dû halluciner le 12 décembre 2009, lorsque leur Gladbach a battu Hanovre 5-3. Ils peuvent notamment remercier Karim Haggui et Constant Djakpa pour leur aide précieuse. Au quart d’heure de jeu, Florian Fromlowitz tente une sortie qui s’avère hasardeuse. Le gardien du « 96 » tacle la balle qui touche les jambes de Haggui et finit dans ses filets. Rob Friend porte le score à 2-0, mais Didier Ya Konan réduit le score. Après la mi-temps, ça part complètement en sucette. À l’heure de jeu, Djakpa remet à son gardien de son mauvais pied, sa passe finit dans ses buts. Michael Bradley porte le score à 4-1. Mais Hanovre ne lâche toujours pas l’affaire, Ya Konan et Schulz permettent à l’autre HSV de revenir à 4-3 à deux minutes de la fin du temps réglementaire. Mais Haggui – encore une fois – fait des siennes, et son tacle en retrait (à 20 mètres des buts, quand même) prend à contre-pied Fromlowitz. « Nous avons marqué six buts mais nous avons quand même perdu le match » , déclarera le coach de Hanovre Andreas Bergmann. Pas grave, au match retour, Hanovre ne fera pas de détails et collera un set à Gladbach (6-1). Mais quelle soirée. La folie.

Effenberg, le crâne du tigre

Il y a plusieurs raisons d’aimer Stefan Effenberg. Parce que c’était un superbe joueur, tout d’abord. Parce qu’il avait une grande gueule qui le rendait malgré tout sympathique, aussi. Alors qu’il évolue à la Fiorentina, « Effe » est invité par Thomas Gottschalk – le célèbre animateur de l’émission « Wetten, dass… ? » ( « On parie que…? » ) – dans une émission de télé pour parler de choses et d’autres, notamment du prochain champion d’Allemagne. Là, Effenberg s’enflamme et lance un pari. « Si Leverkusen est champion, je me fais un tigre dans les cheveux. Par contre, tu te rases le crâne si Francfort est champion » , lance-t-il à Gottschalk. Ce dernier hésite, et Effenberg d’en rajouter une couche, sûr de lui : « Ok, je me fais un tigre dans les cheveux si le Bayern, Brême ou Leverkusen est champion. Toi, tu te rases la tête que si Francfort est champion » . Tope là. Quelques mois plus tard, le Bayern finit champion devant Kaiserslautern et le Bayer. Stefan Effenberg, revenu entretemps à Gladbach tient parole. Pour la première journée de la saison 94/95, il arbore un splendide tigre sur l’arrière du crâne, fruit d’un travail de trois heures d’un coiffeur punk nommé Collin Watkins. Depuis, « Effe » est devenu « Le Tigre » .

La plaie ouverte de Lienen

Otto Rehhagel est connu pour être un entraîneur qui aime bétonner, et donc avoir des joueurs capables de jouer dur. Trop dur, parfois, comme en ce 14 août 1981. Le Werder reçoit l’Arminia Bielefeld. 20e minute de jeu, Ewald Lienen récupère la balle sur le flanc gauche et s’apprête à accélérer. Sauf que Norbert Siegmann ne lui en laisse pas le temps. Pire, les crampons du défenseur du Werder Brême s’avèrent être de véritables scalpels, et Lienen se retrouve avec la cuisse ouverte sur 20 centimètres. L’ancien de Gladbach hurle de douleur et de rage, tente de se mettre debout, retombe par terre, trouve la force d’aller embrouiller Rehhagel avant de devoir laisser sa place à son coéquipier Bernd Krumbein. « Si j’avais été touché dix centimètres plus bas, au niveau du genou, on n’aurait pas trop parlé de la faute, mais j’aurais été déclaré invalide pour le sport » , ironise Lienen aujourd’hui. 31 ans après les faits, Kicker a organisé une rencontre entre les deux hommes, qui se sont serré la main. « J’ai failli annuler deux fois le rendez-vous » , raconte Siegmann, un peu honteux de son geste. « Plusieurs nuits durant, j’ai repensé à cette action. Ce que je sais, c’est que ce n’était pas volontaire. Oui, j’étais un destructeur. Mais je ne voulais pas blesser Ewald » . Âmes sensibles s’abstenir, vous trouverez ici la faute la plus brutale de l’histoire de la Bundesliga.

Vidéo

Lehmann, last minute hero

Un gardien qui marque, c’est toujours quelque chose de particulier. Alors quand il marque durant un derby, c’est encore plus la folie. C’est ainsi que Jens Lehmann est entré dans l’histoire de la Bundesliga, en devenant le premier gardien à inscrire un but dans la jeu. Le gardien de Schalke 04 ne pouvait mieux choisir son jour, vu que c’était face à l’ennemi juré, le Borussia Dortmund. Une tête de renard, et voilà que les gars de « Herne-West » repartent de la ville interdite « Lüdenscheid-Nord » avec un point. Quand on voit sa joie et quand on sait qu’il est supporter des Knappen depuis sa tendre enfance, on comprend mal comment Lehmann a pu signer pour le BVB après son échec relatif en Italie…

Le « Vainqueur du vainqueur de la Coupe intercontinentale »

Le 27 novembre 2001, le Bayern Munich battait Boca Juniors 1-0 en Coupe intercontinentale et grimpait sur le toit du monde. Quelques semaines plus tard, le Rekordmeister retombait sur terre. À Hambourg, précisément. Au Millerntorstadion, des buts de Thomas Meggle et Nico Patchinski permettent à Sankt-Pauli de battre le géant bavarois 2-1 (Willy Sagnol sauvant l’honneur en fin de partie). Après le match, les fans les plus fervents se retrouvent au « Jolly Roger » , un bar sympa juste à la sortie du stade. Parmi eux, Hendrik Lüttmer et Heiko Schlesselmann. Tous deux bossent pour une boîte qui fournit le « Kiezclub » en articles estampillés « FC Sankt-Pauli » . Et, tout en se mettant une mine au brandy, ils réfléchissent à comment marquer ce jour d’une pierre blanche. L’idée est toute trouvée : ils vont faire des T-shirts avec l’écusson du club de face, ainsi que la mention « Weltpokalsiegerbesieger » ( « Vainqueur du vainqueur de la Coupe intercontinentale » ) et l’équipe titulaire ce 6 février 2002. L’idée plaît aux dirigeants, qui décident aussitôt de le mettre en vente. Résultat : 25 000 T-shirts sont écoulés dans les trois premiers mois, 50 000 à la fin de l’année. Aujourd’hui, ce T-shirt (qui est encore vendu pour la modique somme de 19,95 euros) a dépassé la marque des 120 000 ventes. Comme quoi, la vague du succès peut être longue, très longue…

La gifle basque

Ah, le FC Hollywood… Des titres, beaucoup de titres, mais surtout une équipe de grandes gueules, des coups, des déclarations arrogantes, et un vestiaire en morceaux. C’est presque incroyable que le Bayern Munich de la fin des années 90 ait pu remporter autant de titres. Si sur le terrain, c’est presque irréprochable, à l’entraînement, c’est parfois le bordel. Preuve en est un matin d’août 1999, juste avant un derby face à Unterhaching. Lothar Matthäus fait sa diva, et refuse de se mettre au milieu lors d’un toro à cinq contre deux. Bixente Lizarazu pète un plomb, et s’en va embrouiller « Loddar » . Celui-ci lui colle une baffe. Mais le Basque est tenace, et ne se laisse marcher dessus comme ça. Et bim! Il en colle une au sportif de l’année 90. Les deux hommes sont séparés, cinq minutes après, tout est oublié, selon les protagonistes. Mais pas pour tout le monde : consulté par le coach Ottmar Hitzfeld pour savoir quelle amende mettre au Français, Stefan Effenberg rétorque : « Mais pourquoi une amende? Faudrait au contraire lui donner de l’argent pour ce qu’il a fait. Pour une fois que quelqu’un en met une à Lothar… » Le FC Hollywood, les grandes gueules vraies.

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