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Bueno-Rodríguez, Tango et cash
Lors d'un PSG-Nice disputé au Parc des Princes en août 2005, Carlos Bueno disputait ses quinze premières minutes dans le championnat de France, avant de disparaître avec son pote Cristian Rodríguez pour trois mois à la suite d'un imbroglio juridique dans son transfert. Bueno-Rodríguez, ce duo complètement fou qui – à l'inverse d'un autre binôme sud-américain Everton-Souza – avait un vrai talent, mais comme souvent, le PSG n'en profita pas.
21 août 2005, stade de l’Aube, Troyes. Le postulat est simple, les mecs de Paname viennent pimper leur life dans la ville qui a hébergé Tex et Raphaël Mezrahi pour deux raisons : les fringues pas chères et l’ESTAC. Ce soir-là, le parcage parisien est garni. Normal, c’est les vacances. Non loin du coin réservé aux fans du PSG, deux jeunes hommes ont pris place en tribune latérale. Le parcage les acclame. Il chante à leur gloire. Les deux mecs aux fringues trop grandes et aux yeux pochés sont uruguayens. Le plus vieux s’appelle Carlos Bueno, le plus jeune Cristian Rodríguez. Dans le stade, personne ne les a jamais vus jouer, mais ils viennent de signer au PSG en provenance de Peñarol, Uruguay. Ça ne parle à personne, mais les deux joueurs sont applaudis comme des idoles. Quand on est fan du PSG, on regarde systématiquement avec les yeux de Chimène tout ce qui joue à un poste offensif et est importé d’Amérique du Sud. Le Parc des Princes va pourtant devoir attendre une grosse semaine avant de voir l’un des deux en action. Ce soir-là, le PSG se fait bananer par l’OGC Nice sur un but de Bagayoko à la 88′ (1-2). Mais le stade de la porte de Saint-Cloud s’en fout, il s’est déjà amouraché de Carlos Bueno, qui n’a pourtant joué qu’un quart d’heure. 15 minutes de n’importe quoi. Accrocheur, filou, râleur, provocateur, l’avant-centre a fait le SAV et son nom est déjà scandé. D’autant que ce double recrutement n’a pas coûté cher au club de la capitale : 500 000 euros. C’est le tarif pour les indemnités de formation de Rodríguez. C’est beau. Trop même. Car peu de temps après le match de Nice, la FIFA décide de suspendre les deux joueurs, car Peñarol estime qu’ils étaient toujours sous contrat, alors que le club parisien avance qu’ils étaient libres (1). Bref, le club de Montevideo veut 9 millions d’euros pour ces deux lascars. 9 millions, c’est une somme. Surtout pour deux inconnus de 25 et 20 piges.
Carlos Bueno a eu tout faux…
Au vrai, dans une équipe qui comptait déjà Pauleta comme avant-centre, que demander à deux Sud-Américains inconnus du grand public français ? Bonne question. Au premier abord, c’est Carlos Bueno la star du couple. 25 piges, gueule cramée par le soleil et cheveux noirs corbeau. Fils d’Eder Bueno, un ailier qui a marqué les esprits en Uruguay au début des années 80, Carlos Bueno est présenté comme un vrai buteur. Son CV parle d’ailleurs pour lui puisqu’il a été sacré champion d’Uruguay avec Peñarol en 1999, puis en 2003. Au pays, on le compare à Ernesto Chevantón. Après son quart d’heure de gloire niçois, Bueno va être coupé dans son élan. Avec Rodríguez, ils sont disqualifiés par la FIFA le temps que le litige entre le PSG et Peñarol se règle. Cela va prendre trois mois. 90 jours durant lesquels les deux garçons vont goûter au froid de Paname et au Camp des Loges H24. Un beau bordel qui porte d’ailleurs la marque indirecte d’Alain Roche, celui qui ramènera plus tard un autre duo improbable dans le 75 : Souza-Éverton Santos. Dans les colonnes de France Football de l’automne 2005, celui qui occupait la place de recruteur au PSG raconte comment il a repéré le binôme : « Je me trouvais en Argentine pour suivre des joueurs locaux. J’ai profité d’un jour de repos pour me rendre en Uruguay observer Carlos Bueno, dont on nous avait parlé. Et là, il y en avait un qui sortait du lot. C’était Rodríguez. » Pour 500 000 euros, ça se tente. Quand la FIFA décide de donner raison au PSG fin octobre, on va enfin savoir ce que les deux mecs ont dans le bide. Pour Bueno, ça tourne au fiasco. Et très vite. Aligné en pointe lors d’un déplacement à Strasbourg, l’Uruguayen rate son match et se fait d’ailleurs descendre publiquement par Guy Lacombe, son coach. « Je ne regrette pas mes choix. Pour Bueno, ça s’est très mal passé car il n’a pas cessé de rentrer dans l’axe. À Strasbourg, Gmamdia n’est pas un joueur de couloir gauche et, pourtant, il a su respecter ce rôle. À Paris, ce n’est pas possible de demander ça à un joueur… Carlos a montré qu’il ne pouvait jouer que dans l’axe. » Bienvenue en France. Bueno partira en fin de saison en prêt au Sporting et ne remettra plus jamais les pieds au PSG. Son bilan ? 12 matchs de championnat, aucun but. RAS. Pour Rodríguez, en revanche, il y a de quoi avoir des regrets…
…Le petit oignon n’a pas eu le temps de voir la cuisine
Âgé seulement de 19 ans quand il arrive dans la capitale, Cristian Rodríguez est un modèle de précocité. Repéré dans son village natal de Juan Lacaze à 12 piges, Rodríguez s’entraîne déjà avec les professionnels du Peñarol à 16 ans. Lui aussi est fils d’un ancien joueur de football local baptisé « L’oignon » . « Moi, en fait, je suis « el Cebollita » (ndlr : le petit oignon) » lâche-t-il à son arrivée en France, à ce propos. Dans les couloirs du Parc des Princes, les dirigeants du club sont alors aux anges, persuadé d’avoir mis la main sur une pépite façon Ronaldinho. Rodríguez peut jouer numéro 10 à l’ancienne, mais également sur le flanc gauche. Esthétiquement, il n’est pas très beau à voir jouer avec son cou de taureau, son nez qui pourrait couper un bout de shit et ses épaules de déménageurs, mais il a quelque chose. Surtout, il est puissant et adore aller au combat. Bien drivé, il peut faire mal et le PSG cherche une doublure efficace à Jérôme Rothen. Pourtant, la France va devoir attendre avant de le voir en action, puisque le garçon disputera ses premières minutes de Ligue 1 seulement en décembre 2005 à Lyon. Après une année d’adaptation, le gaucher restera encore une saison dans la capitale avant de filer au Benfica, puis de connaître la gloire avec le FC Porto et l’Atlético Madrid avec lequel il fut sacré champion d’Espagne, l’an dernier. Ironique pour celui qui avait déclaré à son arrivée au PSG en 2005 : « On vient pour être champions » .
Par Mathieu Faure
1. Au moment des faits, Peñarol se fondait sur une convention signée dans les années 80 entre la Fédération uruguayenne et la Mutual (le syndicat des joueurs uruguayens), selon laquelle le joueur reste lié à son club jusqu'à ses vingt-six ans. En effet, les contrats étaient alors automatiquement reconduits pour deux ans si les joueurs figuraient sur la liste de Buena fe (bonne foi). Cette liste rassemble en début de saison les joueurs susceptibles de jouer pour le club sans qu'un nouveau contrat ait été signé. C'était le cas de Rodríguez et de Bueno, dont les contrats avaient été souscrits en février 2004, avec expiration au 31 décembre 2004, avant d'être prolongés automatiquement jusqu'au 31 décembre 2006, en accord avec la fameuse liste de bonne foi puisqu'ils avaient joué deux matchs du tour préliminaire de la Copa Libertadores, en janvier et février 2005. Sauf que ce droit ne s'applique pas en France et les règles FIFA ne valident pas le procédé, d'où le litige lors du transfert.