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Bruno Solo

Par Maxime Brigand
7 minutes
Bruno Solo

Incapable de s'imposer à l'extérieur en Ligue 1 depuis fin janvier, l'OL se déplace vendredi soir à Rennes, où il a la possibilité de revenir provisoirement, en cas de succès, à un point du LOSC. Mais, en Bretagne, les regards seront surtout accrochés au visage de Bruno Genesio, dont l'avenir reste à ce jour fragile. Peut-être avant tout car il est l'heure de le juger. Tout sauf simple.

Ce soir-là, Bruno Genesio avait préféré se planquer. Difficile de savoir ce qui était passé par la tête de l’entraîneur de l’OL lors d’une nuit de printemps qui avait vu les Lyonnais retourner Nice (3-2) et arracher un billet précieux pour la Ligue des champions. Peut-être pensait-il aux mots prononcés par son pote Rémi Garde, quelques mois plus tôt : « Tu verras Bruno, c’est très, très difficile d’être entraîneur dans ta ville et dans ton club. » La preuve en image : en se pointant dans sa zone technique le 19 mai 2018 au soir, Genesio avait vu le virage nord du Groupama Stadium dégainer une banderole lui demandant de quitter la scène. « Bruno, ton amour pour l’OL t’honore, mais il est temps de tourner la page » , pouvait-on alors y lire. Alors, Bruno Genesio s’était retiré des planches et avait laissé ses joueurs gober les serpentins. Ces derniers avaient finalement été le chercher au fond du vestiaire, l’avaient ramené dans le rond central et l’avaient porté en triomphe. Drôle de photographie.

Les chiffres, d’abord : Lyon venait de sortir une saison à 87 buts marqués (son record en Ligue 1), de boucler l’exercice avec 78 points (soit seulement un de moins que lors des saisons 2003-2004, 2004-2005 et 2007-2008, qui avaient vu les Lyonnais passer l’été avec une couronne de champion sur la tête) et Genesio affichait la meilleure moyenne de points des quatre derniers entraîneurs de l’OL. Pas mal ? Oui, surtout lorsqu’on sait que le coach avait réussi à faire passer l’OL d’une neuvième place sans goût à un statut de dauphin pétillant la saison précédente. Où était le problème, alors ? Dans les lignes : celles du palmarès, Lyon n’ayant rien soulevé depuis une Coupe de France et un Trophée des champions en 2012. Avec Bruno Genesio, on en est là : Lyon est régulier dans l’irrégularité, gratte quelques jolis coups, mais s’autorise des chutes encore plus belles (l’Ajax, le CSKA Moscou, Caen en Coupe de France…), et boucle chaque saison avec la même odeur. Ça ne sent ni bon, ni mauvais, mais ça s’évapore dans l’air. Alors, on se tourne vers le capitaine du bateau et celui-ci ressemble souvent au Capitaine Crochet qui passe sa vie à se débarrasser du crocodile Tic-Tac. Chaque fois, Bruno Genesio semble au bord de la chute, mais non, il résiste et prouve qu’il existe.

Objectifs et flambeau

L’été dernier, l’entraîneur lyonnais, un type nommé un soir de réveillon et dont le mandat s’étire depuis maintenant 1192 jours, était allé voir Jean-Michel Aulas et Vincent Ponsot, le directeur général de l’OL pour leur préciser qu’il n’était « pas opportun » de prolonger un contrat qui prendra fin en juin prochain. « C’est vrai que mon président m’avait proposé une prolongation, la saison dernière, en cas de podium, mais je n’ai pas voulu la signer, expliquait Genesio dans L’Équipe en août. Je pense qu’il était plus correct, vis-à-vis de tout le monde, de ne pas le faire. Ce n’était pas le bon message à envoyer. Aujourd’hui, il n’y a pas de feuille de prête, rien du tout. Tout est simple : les résultats font qu’il y aura une discussion ou qu’il n’y en aura pas. » Sept mois plus tard, la discussion a démarré, signe que le bilan de Bruno Genesio convient à ses employeurs. Aujourd’hui, l’OL est troisième de Ligue 1, peut revenir provisoirement à un point de Lille en cas de victoire à Rennes – où les Lyonnais n’ont plus perdu depuis février 2014 – et a une demi-finale de Coupe de France à jouer, mardi prochain, toujours face aux Rennais.

Restent les doutes, un contexte toujours tendu et une question : que faire de Genesio ? Interrogé sur le sujet par OLTV en janvier, Jean-Michel Aulas justifiait l’attente : « Ce ne serait pas une bonne solution d’attaquer les discussions dès maintenant. Ce serait une trop forte pression par rapport aux objectifs. Mon plus grand souhait est que Bruno réussisse à l’OL. Il progresse. Il y a une grande confiance entre lui et moi. On va se mettre au travail pour que les objectifs soient atteints. Je pense qu’il ne faut pas précipiter les choses… Regardez Rudi Garcia à Marseille. » Prolongé en octobre 2018, le Patrick Swayze de Nemours avait enchaîné par trois petites victoires en douze matchs de Ligue 1 et avait quitté la Ligue Europa, dont il avait été finaliste au printemps précédent, avec un point et seize buts encaissés en six matchs, avant de remonter récemment la pente. Mais quels sont les objectifs évoqués par Aulas ? Une qualification pour les huitièmes de C1, où l’OL a été séché par le Barça, une autre pour la prochaine campagne de Ligue des champions, ce qui semble plutôt bien engagé malgré le caractère schizophrène de cette équipe, et une victoire en coupe nationale. Après la demi-finale de Coupe de France contre Rennes, le président lyonnais sortira donc l’urne et annoncera au monde s’il éteint ou non le flambeau d’un coach qu’il soutient dans toutes les tempêtes. Dans sa réflexion, Jean-Michel Aulas a également rencontré les supporters. Eux ont été clairs : ils ne veulent plus de Genesio.

« Quel entraîneur ne fait que des bons choix ? »

Et lui, qu’en dit-il ? « J’ai appris à prendre beaucoup de recul, à relativiser les choses, glissait le natif du 7e arrondissement de Lyon cette semaine. Je me sens aussi bien que si j’avais encore trois ou quatre ans de contrat. Évidemment que c’est une décision importante pour moi, pour mon avenir, mais je ne pense pas à ça toute la journée, toute la nuit. » Son physique parle aussi : depuis quelque temps, Genesio, dont le salaire est équivalent à celui que touche Antoine Kombouaré à Dijon, se balade avec des cernes qui ne partent pas sous la douche et une barbe d’une semaine. Mais que pense-il des détracteurs ? Il répondait à la question récemment : « J’ai l’impression qu’en France, on aime bien coller des étiquettes aux gens, quels qu’ils soient. Moi, je suis l’entraîneur gentil qui n’a pas de principes de jeu, qui a réussi les six premiers mois, seulement parce que je suis copain avec les joueurs. Tout juste si on ne se saoulait pas tous les jours ici et du coup, on a battu le Monaco du grand Jardim (6-1) uniquement parce qu’on a pris une cuite la veille, entre potes. On m’a mis dans cette case-là, et du coup, aujourd’hui, on ne veut pas m’en sortir parce que c’est con de changer d’avis. Ça fait partie de notre métier de ramasser quand ça va mal, mais moi, je ramasse même quand ça va bien. Les critiques font partie de notre métier. Je les accepte. Je sais que parfois je n’ai pas fait les bons choix… Quel entraîneur ne fait que des bons choix ? »

C’est cruel, mais un entraîneur ne peut être rangé que dans deux catégories : bon coach, mauvais coach, point. Parce qu’un coach doit savoir régler le moindre casse-tête, parce qu’il est jugé sur ses résultats plutôt que sur ses consignes, parce que la France du foot se cogne bien souvent du comment et du pourquoi pour juger avant tout ses éducateurs sur le combien. Pourtant, c’est bien aussi le comment qui doit nous intéresser dans cette histoire. Car, si Bruno Genesio dépliait, toujours dans L’Équipe, l’image d’une équipe « qui donne de l’émotion aux gens » et devant laquelle « on ne s’emmerde pas » , il est entraîneur de l’OL et donc, par conséquent, la manière a un sens. Aujourd’hui, Genesio a pour principal échec sa quatrième place en 2017 et pour principale prouesse sa double confrontation contre Pep Guardiola lors du deuxième semestre 2018 et ses coups contre le PSG. Une prouesse qui est aussi l’argument premier des anti-Genesio, car elle aura révélé le véritable niveau que peut toucher ce groupe, qui a souvent tendance à danser en rond en Ligue 1 et à se mettre à poil dans le repli défensif.

Mais pourquoi ? C’est le mystère, Bruno Genesio, parfait pour développer des oisillons, avouant que le club avait un gros travail à faire « pour ne pas se laisser griser par les belles victoires » . Pour autant, ce dernier n’a pas non plus d’idées tactiques suffisamment fortes pour qu’on trouve une ligne directrice à son style. Genesio se défend, dit qu’il s’adapte comme Deschamps, assume la liberté qu’il donne à ses joueurs, se laisse souvent sauver par les individualités (ce qui nécessite de l’espace et a des limites contre les blocs bas), tient quelques bonnes copies, mais ne cherche pas à en faire plus niveau communication. « J’ai envie qu’on me reconnaisse par rapport à ce que je fais, à ce que j’ai fait et à ce que je vais faire » , argumentait-il à So Foot récemment. Au bout, il sera surtout jugé sur les résultats et sait que son avenir peut dépendre d’une qualification en finale de Coupe de France. « Je ne tombe pas de la dernière pluie, je sais que ce qui compte dans le foot, ce sont les résultats » , avouait-il cette semaine. Sinon, la page se tournera. Mais pour quelle suite ? C’est l’autre mystère.

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