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Bruno Metsu : «Vous parlez de moi parce que je remplace Maradona»
Successeur de Diego Maradona au poste d'entraîneur d'Al Wasl, Bruno Metsu a posé ses valises et son sèche-cheveux à Dubaï. Une bonne occasion pour le baroudeur de régler quelques comptes. À la troisième personne, tant qu'à faire.
De quand datent vos premiers contacts avec les dirigeants d’Al Wasl ?Ils ont averti Maradona qu’ils ne renouvelaient pas son contrat le 10 juillet à 15h00, et à 17h00 ils m’appelaient.
Vous êtes heureux d’avoir signé là-bas ?Oui, bien sûr. C’est toujours intéressant et agréable qu’on fasse appel à vous pour succéder à un monument comme Maradona. C’est une grande marque de confiance de la part des dirigeants que de m’avoir sollicité tout de suite, j’ai été très flatté.
Diego Maradona est quelqu’un que vous admirez ?Oui, comme tout le monde. C’est le grand joueur qu’on connaît, et on sent que c’est un affectif. Les dirigeants d’Al Wasl ne m’ont dit que du bien de lui, en me décrivant quelqu’un de sympa, gentil. De ce côté-là, il n’y avait pas de souci, ils n’étaient juste pas satisfaits par ses résultats. Mais l’homme était très apprécié.
Il lui manque quoi pour réussir dans le métier d’entraîneur ?Je ne suis pas là pour donner des conseils à Maradona, mais le football, ce n’est pas évident. Quand Platini a entraîné l’équipe de France aux Championnats d’Europe (en 1992, ndlr), ça n’a pas marché… C’est un métier difficile, très compliqué. Les anciens grands joueurs rencontrent beaucoup plus de difficultés que les joueurs moyens : Maradona ou Platini, quand ils voient un joueur louper un contrôle, ils ne comprennent pas. Mais des Maradona, des Platini, des Zidane ou des Messi, ça ne court pas les rues.
Quels objectifs vous ont fixés vos dirigeants ?Lors de la première année, remettre le bateau à flots en faisant une bonne saison, puis revoir les objectifs à la hausse la saison suivante. Visiblement, il y a un gros boulot à effectuer au sein de l’équipe, donc il va falloir commencer par ne pas se tromper dans le recrutement pour tenter de terminer dans les quatre premiers (sur douze, ndlr).
Il n’y a pour l’instant aucun joueur étranger de renom dans votre effectif, vous comptez y remédier ?Pour l’instant, on n’a qu’un seul étranger (le défenseur argentin Juan Ignacio Mercier, ndlr) et on en a droit à quatre. Donc, on en recherche trois. Je n’ai pas ciblé des joueurs en particulier, des listes on en a quinze mille, mais on a un budget à ne pas dépasser. Les Émirats arabes unis, c’est un peu différent du Qatar, on ne peut pas avoir les mêmes joueurs. Ce qui est d’autant plus intéressant.
Vous visez plutôt des vieilles gloires en fin de carrière, ou des joueurs en devenir ?On cherche des joueurs de 23, 26 ans, ou un très bon joueur de 30 ans qui est encore en équipe nationale. Mais on ne prendra pas un joueur de 36, 37 ans.
L’image de mercenaires qui colle aux joueurs qui viennent faire carrière dans le Golfe est-elle justifiée ?C’est quoi un mercenaire ?
Un joueur qui privilégie son contrat au projet sportif…Vous connaissez des joueurs qui ne signent pas en fonction du contrat ? Quand Ibrahimović quitte Milan pour le PSG, ce n’est pas pour le contrat ? Les joueurs qui restent dans le même club durant toute leur carrière sont devenus très rares. Ils vont là où le contrat est meilleur, c’est normal. Même chose pour les entraîneurs. Un joueur qui refuse une meilleure proposition, c’est rarissime. Et puis, on gagne plus d’argent en Europe qu’au Qatar ou aux Émirats arabes unis.
Avant de vous engager avec Al Wasl, vous aviez d’autres contacts ?J’avais des contacts en Iran et en Tunisie, oui. En Iran, c’était intéressant sur tous les plans, mais je n’ai pas donné suite. Le Club Africain (de Tunis) souhaitait également m’engager, mais je n’avais pas une envie folle d’y aller.
Un retour en Europe est-il d’actualité ?Il faut voir… C’est toujours pareil, ça dépend où. Il y a quelques années, j’aurais pu venir à Marseille pour remplacer Gerets, mais on ne s’était pas mis d’accord sur certaines choses. Des propositions, j’en ai eues, mais il faut voir les conditions, les objectifs…
Votre étiquette de globe-trotter n’est-elle pas un frein à un éventuel retour en Ligue 1 ?Si je suis à l’étranger, c’est par obligation. Si je suis allé au Sénégal, c’est parce que j’avais l’impression d’être plus respecté à l’étranger qu’en France. Cette étiquette de globe-trotter est fausse, si je suis à l’étranger c’est parce que je n’ai pas eu de propositions en France. Après la Coupe du monde avec le Sénégal (en 2002), où j’étais arrivé en demi-finales après une finale de CAN, je n’ai eu des propositions qu’en Turquie, en Grèce, au Japon ou aux Émirats. Il n’y a aucun club français qui m’a appelé, et ça, ça ne dépendait pas de moi.
Lorsqu’on pense à vous, on se demande où est-ce que vous allez atterrir sans penser au championnat de France…J’ai gagné tous mes titres à l’étranger. Une Ligue des champions d’Asie (en 2003 avec l’Al Ayn Club), des titres de champion, une Coupe du Golfe (en 2007 avec les Émirats arabes unis)… Mais on s’intéresse plus à l’Europe qu’à l’Asie. Et il y a clairement une méconnaissance de ma carrière. Les grands entraîneurs qui vont à l’étranger font plus parler d’eux que moi. Aux Émirats arabes unis, je suis arrivé après Carlos Queiroz et j’ai gagné la seule Coupe du Golfe de l’histoire du pays. Arsène Wenger est passé au Japon, il n’a pas gagné la Ligue des champions asiatique. Bruno Metsu est venu en Asie et il l’a gagnée. Mais comme ce n’est que Bruno Metsu, on n’en parle pas beaucoup. Un exemple : aujourd’hui, vous parlez de moi parce que je remplace Maradona. Vous vous dites : « comment se fait-il que Bruno Metsu remplace Maradona ? » Alors que mon palmarès en Asie, peu d’entraîneurs l’ont. Si j’avais remplacé le Brésilien Marcos Paquita, vous n’auriez pas écrit une ligne. Votre pouvoir est énorme, c’est un truc de fou.
Il vous manque quoi dans votre carrière d’entraîneur ?Le football est un métier de passion. Qu’on entraîne les U17 de Lens ou l’équipe de France, c’est le même plaisir. J’arrêterai quand je ne prendrai plus de plaisir ; en attendant, je n’ai aucun regret. J’ai commencé à Beauvais, en National, où j’ai construit un centre de formation parce qu’on est montés en Ligue 2. On a pris des gamins à droite et à gauche et on est arrivés en demi-finales de la Coupe Gambardella la première année, et en finale la deuxième. Vous vous rendez compte ? Pour un club comme Beauvais, c’était grandiose. J’y ai pris autant de plaisir que lors du quart de finale de Coupe du monde disputé avec le Sénégal.
Vous utilisez quoi comme shampooing ?C’est marrant, les Japonais m’ont posé la même question en 2002. Je ne suis pas fidèle à une marque en particulier.
Propos recueillis par Mathias Edwards