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Bruno Grougi : « Sans le Stade brestois, je ne serais rien »

Propos recueillis par Thomas Morlec, à Francis Le-Blé
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Considéré comme une légende du Stade brestois, Bruno Grougi s’épanouit aujourd’hui au poste d’entraîneur adjoint. Ancien capitaine de l’équipe, le Normand d’origine a tout vécu avec les Ty-Zefs, notamment la montée en puissance du club depuis le banc. L’épopée en Ligue des champions, la vie du groupe et sa progression dans sa nouvelle carrière, l’ex-numéro 6 lâche les cheve(a)ux avant de défier le Barça.

Bruno Grougi : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Sans le Stade brestois, je ne serais rien<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Tu es arrivé à Brest en 2009, on est en novembre 2024, qu’est-ce que tu fais encore ici ?

C’est une bonne question, mais surtout, je prends beaucoup de plaisir. Et ça, c’est le plus important pour moi. Je suis totalement en phase avec le club, ce qui explique pourquoi je suis encore là. Mais plus précisément, je suis entraîneur adjoint, dans le staff d’Éric Roy.

C’est très fusionnel, la relation que tu entretiens avec ce club. Au point que tu y sois considéré comme une légende. Tu es à l’aise avec ça ?

Non, pas du tout, ça me gêne un peu même… Je ne me considère pas comme une légende dans la mesure où c’est le Stade brestois qui m’a fabriqué. Je suis un joueur comme tous les autres. Sans le club, je ne serais rien. Grégory Lorenzi (le directeur sportif, NDLR), Denis Le Saint (le président, NDLR), eux vont être des vraies légendes, des vrais bâtisseurs, des messieurs clés de la réussite du Stade brestois. Moi, je suis un joueur, désormais adjoint, qui a pris beaucoup de plaisir, qui est très reconnaissant envers le club que j’adore.

Qu’est-ce qui a changé à Brest en 15 ans ?

Alors, dans la mentalité, rien qui n’a changé. En revanche, dès l’arrivée du président Le Saint, en 2016, il y a eu une très bonne décision : délocaliser l’équipe professionnelle à Kerlaurent (le centre d’entraînement situé à Guipavas). Ensuite, il y a eu la pelouse hybride à Le-Blé, ce qui permet aujourd’hui d’avoir une bonne qualité de jeu, mais aussi au quotidien, avec trois pelouses de ce type, ce qui est idéal pour bien travailler. Plus globalement, les locaux ont été améliorés, le staff a été élargi avec l’arrivée d’un troisième kiné, un préparateur mental, une diététicienne cet été, sans oublier la collaboration avec un excellent traiteur brestois. La volonté première du président Le Saint n’était pas de ramener des stars, mais d’améliorer le quotidien et le confort de nos joueurs. Et aujourd’hui, quand tu vois les résultats, ce n’est pas anodin. Je pense même que c’est ce qui fait toute la différence.

Les gens, c’est pas qu’ils se moquaient de nous, mais quelque part, ils ne nous attendaient pas là. Ça nous a piqués.

Comment tu décrirais l’esprit du Stade brestois ?

Nous, l’esprit, c’est que l’on sait qu’on n’est pas les meilleurs, mais en revanche, on envie personne. On fait notre travail, on le fait du mieux possible et on ne va pas chercher à être les plus beaux. Mais en revanche, on va se battre avec nos forces, avec nos valeurs, et puis on va faire en sorte de défendre fièrement le logo. C’est pour ça que je te dis que les mentalités et le discours n’ont pas changé. Après, c’est sûr que plus ça va, plus on prend confiance en nous (rires) et on a envie d’aller chercher des choses, ce qui est normal avec l’ambition. En tout cas, au niveau de l’humilité, elle est restée la même.

En deux ans, Brest est passé de la lutte pour le maintien à jouer les premiers rôles en Ligue des champions. C’est quoi la formule magique ?

Dès l’arrivée d’Éric Roy, le discours qui a été envoyé aux joueurs a été très bon. On a remis l’équipe au cœur des débats en disant que les uns avec les autres, on serait meilleurs et que personne ne serait capable de sauver l’équipe tout seul. À partir de ce moment, on a créé une base très intéressante sur laquelle on a continué de travailler. Les joueurs ont très bien compris qu’ici, c’était collectivement qu’on allait y arriver et qu’ils allaient pouvoir performer pour ensuite recevoir les éloges individuellement. Après, il y a aussi l’accompagnement que l’on peut leur apporter. Il y a certains joueurs qui sont jeunes, je pense à Hugo Magnetti, que l’on a aidés à un moment et qui agissent aujourd’hui comme des relais. Cette transmission est la base de notre réussite.

Participer à cette compétition avec Brest, c’est une surprise ou tu t’y attendais ?

Je ne m’y attendais pas, mais ça me plaît. Les gens, c’est pas qu’ils se moquaient de nous, mais quelque part, ils ne nous attendaient pas là. Ça nous a piqués un peu intérieurement, mais ça nous a mis au défi, ça nous a boostés. Personne ne nous voyait prendre des points, on en a pris quelques-uns, et plus ça va, plus on a envie d’en prendre pour leur dire : « Bon, bah vous avez vu ! » Ce qui est beau, c’est qu’avec la petite équipe que l’on est, on arrive à faire des belles choses par le travail.

Le Stade brestois est aussi aux antipodes des clubs superpuissants et représente un symbole dans un football actuel toujours plus aseptisé… 

C’est clair ! Sur les réseaux sociaux, je reçois pas mal de messages de clubs amateurs qui nous remercient. Parce que même si c’est le Barça mardi, avec toute la sympathie que l’on reçoit, ça nous donne de la force. Ils espèrent qu’une chose, c’est que l’on arrivera à les battre. Puis ça me plaît de ne pas être dans la peau du favori qui se casse la gueule. Et je préfère avoir notre statut et bouleverser l’adversaire en jouant avec nos armes.

Pour toi, cette épopée doit avoir une saveur particulière, non ?

Je ne le dis pas beaucoup, mais intérieurement, c’est énorme. J’arrive à mesurer le chemin parcouru par le club, et par moi aussi. Parce que je me remémore quand je suis arrivé, le peu de joueurs qu’on était, les conditions… Bref, il y avait plein de petits trucs. Et aujourd’hui, de voir qu’il y avait le patch de la Ligue des champions sur la manche du maillot, ça te met les frissons. À Prague, j’ai pris du recul pendant cinq minutes, j’ai regardé les joueurs, le public… Ça rend fier de voir cette réussite, c’est extraordinaire !

Je connais les lascars, je sais qu’ils vont vouloir faire un coup, aller titiller le grand Barça.

Ce mardi, c’est le FC Barcelone, comment tu appréhendes la rencontre ?

Pour le moment, il y a un peu de toutes les émotions. Personnellement, je trouve que c’est un match de gala, parce qu’on a déjà un certain nombre de points qui nous permettent de ne pas avoir trop de pression. Mais je connais les lascars, je sais qu’ils vont vouloir faire un coup, aller titiller le grand Barça. Les gars vont essayer d’être acteurs, ils ne vont pas subir en essayant de fermer et d’être à 0-0. Je les connais trop pour ça et le staff aussi. On verra ce mardi, quoi qu’il en soit, c’est un moment qui va restera longtemps dans les mémoires brestoises.

Comment tu juges votre parcours pour le moment ?

Je pense qu’avant tout, les liens qui les unissent, cet esprit collectif y sont pour beaucoup. Par exemple, dans la gestion de l’émotion lors du premier match face à Sturm Graz, malgré le fait que c’était un baptême du feu pour beaucoup, on n’a pas senti l’équipe trembler ni un moment d’hésitation. C’était un groupe très fort, très uni face à un autre groupe. On n’a pas gagné ces matchs par hasard. Comme il n’y a pas une grosse expérience européenne dans notre vestiaire, les gars se sentent parfois en danger, avec peut-être cette peur d’être inférieurs à l’adversaire. Mais le fait d’être à côté du partenaire, ça les reconcentre sur le groupe, sur l’entraide, toutes les valeurs qu’on leur donne au quotidien. Donc ils se sentent peut-être un peu plus forts grâce à ça.

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D’où vient cette unité ?

C’est un groupe qui vit bien ensemble, qui aime passer du temps hors du terrain. Ce ne sont pas juste des joueurs qui viennent s’entraîner et repartent. Ils partagent pas mal d’activités, en petit ou grand groupe, comme des padels, des sorties à 3 ou 4, ou même aller boire un verre ensemble. Avant d’être des partenaires, ce sont des amis, des potes. Par exemple, Éric est très fan de ces moments : bowling, karting, escape game… C’est tout ce qui ne se fait pas dans les grands clubs, nous on le fait. On est restés à une échelle humaine. Des valeurs simples, des valeurs de la vie, et c’est ça qui resserre les liens et permet d’apprendre vraiment à connaître ton coéquipier.

Jusqu’où vous pouvez aller en Ligue des champions ?

Difficile de le dire avec ce groupe. (Rires.) Aujourd’hui, tu as du mal à voir et à comprendre leurs limites. Moi le premier, honnêtement. Je ne pensais pas qu’on arriverait à se qualifier pour les barrages. Même si tu te dis que, dans les 24 équipes, c’est peut-être jouable, intérieurement, je n’y croyais pas vraiment. Et là, même si ce n’est pas encore complètement fait, on est en train de le vivre. Pronostiquer jusqu’où on peut aller, ce serait fou. Dire « on va passer », « on va faire ceci ou cela », je ne peux pas. Ce que je sais, c’est qu’il faut les accompagner, les pousser toujours plus loin, et voir où ça nous mènera. C’est un groupe qui, pour moi, n’a pas de limites. Et surtout, il ne faut pas lui en fixer.

Si on avait des joueurs tordus, on aurait pu avoir des vrais soucis de management.

Si barrages il y a, tu préfères les jouer en Bretagne ou au Stade de France ?

Roudourou, c’est devenu un peu notre stade « LDC ». Les supporters répondent très bien, ils nous envoient une force incroyable, qui nous permet de nous transcender et c’est pratique pour eux parce que ce n’est pas loin. Délocaliser, aller à Rennes, ça ferait encore un chamboulement pour l’équipe et pour les gens… Le Stade de France, je n’en parle pas, même si ça ferait un vrai événement. À titre individuel, je préférerais que l’on continue à Guingamp.

Dire que Brest a changé de dimension, c’est se tromper ?

Forcément, on a changé de dimension. Même si c’est vrai que nous, ça ne nous plaît pas de le dire ou de le reconnaître, mais indirectement, la Ligue des champions, les résultats font que les regards sont différents. Mais je pense que les gars ont gardé les pieds sur terre et ont toujours les idées bien claires. C’est tout ce qui compte.

Qu’est-ce que ça a changé au quotidien ?

Le regard sur les joueurs : ils sont un peu plus beaux, plus sollicités et avec du monde autour pour leur caresser le poil. Si on avait un effectif tordu en face, on aurait pu avoir des vrais soucis de management. Heureusement, ils sont très intelligents, très câblés, focus sur les volontés du club et du groupe. C’est une force et une chance pour nous. Tu as aussi les mots de certains entraîneurs à notre égard qui te marquent, comme Carlo Ancelotti, Bruno Genesio ou encore Luis Enrique. Et bon, tu as un peu plus aussi de médias qui s’intéressent au SB29.

Devenir l’entraîneur du Stade brestois ? L’essentiel, c’est d’être prêt si un jour ça doit arriver.

Est-ce qu’il y a un revers de la médaille ?

À mon niveau, je trouve ça tellement exceptionnel à vivre – et encore une fois, c’est peut-être la seule fois que cela nous arrivera – que je ne parviens pas à y voir des inconvénients. Depuis qu’on est gosse, on regarde cette compétition, et là, on est acteur. Ok, on aurait préféré la disputer à Francis-Le Blé, mais c’est comme ça, il y a des lois. Si on va très loin en arrière, Luzenac n’a pas pu jouer la compétition qu’elle avait gagné le droit de disputer, il y a pire dans la vie.

Éric Roy arrivera au bout de son contrat à la fin de la saison. Est-ce que vous avez une vision à court ou moyen terme pour la suite ?

En toute franchise, à aucun moment il n’y a eu une inquiétude sur le futur. Pour le moment, on profite un maximum. Passé la trêve, peut-être qu’il y aura des réflexions, mais là il n’y a pas d’interrogation. Le sujet n’est même pas encore sorti tellement on a la tête dans le guidon. Ça vaut pour nous aussi, le staff. Quand on est arrivé, on regardait plus derrière, maintenant on étudie l’équipe de Barcelone, c’est fou !

Est-ce que tu as conscience que beaucoup de supporters brestois aimeraient te voir un jour prendre les rênes de l’équipe ?

Peut-être un jour, on verra, je ne me projette pas là-dessus. (Il change de ton et prend une voix plus sérieuse, NDLR.) Si ça doit arriver un jour, ça arrivera, mais pour le moment, le club est très bien dirigé, gouverné et il ne faut pas que ça change. Tout ce que je sais, c’est que ce soit avec l’équipe réserve ou l’équipe pro, je ferai toujours mon maximum pour ce club qui m’a tellement donné.

Mais ça t’a déjà traversé l’esprit ?

Oui, je mentirais si je disais non, ça m’est arrivé. Maintenant, ce n’est pas une obsession. Le plus dur, ce n’est pas d’y arriver, mais d’être en mesure de bien faire les choses. On verra dans les années futures, d’ailleurs j’essaye de progresser pour (Grougi n’a pas encore le BEPF, dernier diplôme pour encadrer une équipe évoluant en Ligue 1, NDLR), mais l’essentiel, c’est d’être prêt si ça doit arriver un jour.

Qu’est-ce que l’on peut souhaiter à Brest pour les mois à venir ?

Un maintien en Ligue 1 très confortable, c’est la première chose. Et encore au moins une belle émotion à Roudourou, puis je ne suis pas contre un petit parcours en Coupe, qui pourrait nous rapprocher du Stade de France.

Dans cet article :
Jonas Martin donne l’un des secrets de la réussite brestoise en Ligue des champions
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Propos recueillis par Thomas Morlec, à Francis Le-Blé

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