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Bruno Germain : « Valère, son club de cœur, c’est l’OM »
Ce soir, Valère Germain retourne à Marseille, là où il est né, car son père, Bruno, a porté le maillot de l'OM pendant quatre saisons. Le papa revient aujourd'hui sur la carrière de son fils. Entre racines marseillaises, tennis-ballon avec Michel Platini, renaissance à l'OGC Nice et attachement à l'ASM.
Vous êtes passé de Marseille au PSG, et Valère est passé de Monaco à Nice sans pour autant se faire détester des supporters. Comment faites-vous dans la famille Germain pour réussir à vous faire aimer de tout le monde ?C’est simple, il faut réussir sportivement. Prouver aussi que l’on a oublié le passé et que l’on est de tout cœur avec notre nouveau club. Pour mon cas, cela s’est résumé à tout donner sur le terrain et à mouiller le maillot. Valère, lui, devait en plus se montrer efficace et faire gagner son équipe.
Valère est né le 17 avril 1990, le 18 vous jouiez une demi-finale retour de C1 contre le Benfica à Lisbonne. Est-ce que le bonheur de la paternité a adouci votre colère à la suite de la main de Vata ?Oui, oui, c’est sûr que le bonheur d’avoir un fils a aidé. Mais, c’était malgré tout un déchirement. Perdre une demi-finale de Ligue des champions contre Benfica alors qu’on se sentait supérieur, c’est dur. On aurait mérité mieux au match aller, cela aurait pu éviter de se faire voler au retour.
Lorsqu’il était plus grand, Valère venait avec vous aux entraînements ? Dès qu’il a été en âge de marcher, il venait avec moi aux entraînements des lendemains de match et des décrassages, comme beaucoup de fils de footballeurs. Alors ses premiers pas, il les a faits en tapant le ballon avec nous. C’était sympa, c’était un peu la mascotte.
Il a dû taquiner le cuir avec de sacrés joueurs… Oui c’est sûr, comme tout gamin avec des parents footballeurs. Je me rappelle, j’habitais tout près de chez Michel Platini à Cassis. Avec Michel, on se faisait des tennis-ballon chez lui l’été, et Valère, lorsqu’il avait quatre-cinq ans, on lui apprenait et il jouait avec nous.
En le voyant jouer petit, Michel Platini avait-il décelé en lui un futur numéro 9 ? Non pas du tout, on ne peut pas déceler quoi que ce soit à quatre-cinq ans. Mais ça se sentait qu’il était à l’aise avec le ballon en tout cas. Mais surtout, c’était un passionné, il avait envie de jouer tout le temps. Il avait toujours des ballons partout à la maison.
Si les enfants d’Abedi Pelé ont rejoint le centre de formation de l’OM, Valère, lui, est parti à Monaco. Était-ce un choix de votre part ou les Marseillais n’ont pas fait la démarche de le recruter ? Valère était suivi pas plusieurs clubs pros, dont l’ASM. Moi, je connaissais le sérieux de Monaco en matière de formation footballistique, mais aussi au niveau scolaire. Alors, on a choisi l’ASM qui est une référence en la matière. Quelques jours plus tard, j’ai croisé José Anigo qui m’a parlé de Valère. Mais nous avions déjà donné notre accord à Monaco. L’OM s’est montré intéressé trop tard.
De quoi donner des regrets à Valère ? Valère, c’est vrai que son club de cœur, c’est l’OM. C’est normal, il est né à Marseille et on a passé quelques années là-bas. Lorsqu’il était petit, il avait des maillots de l’OM partout dans sa chambre, tout le contraire de sa sœur qui, elle, était pour le PSG. Mais après, on avait choisi l’ASM ensemble, il n’avait qu’une seule idée en tête, c’était de réussir à Monaco et de se faire apprécier. Désormais, c’est sa deuxième maison.
Sachant qu’il n’a jamais caché son attachement à Marseille, un transfert à l’OM est-il envisageable ?
Oui, car malgré tout, c’est son club de cœur. L’OM restera toujours l’OM pour Valère. Après, chaque joueur peut avoir deux ou trois clubs de cœur. Et, depuis longtemps maintenant, sa deuxième maison, c’est Monaco. La preuve, je suis sûr qu’une fois sa carrière terminée, il restera installé à Monaco ou dans le coin. Il est comme chez lui là-bas et il est très apprécié.
Finalement, ce prêt à Nice lui aura fait un bien fou… Ouais, c’était un bon choix. À l’époque, il jouait un peu moins, même s’il avait marqué quelques buts. Mais il arrivait à un âge où il lui fallait du temps de jeu et qu’il se sente important dans un groupe et dans un club. Plusieurs clubs s’étaient positionnés sur lui, mais nous avons choisi Nice. Cela a été un très bon choix, car il a fait une saison remarquable. Je l’ai senti complètement épanoui, transformé. Il était heureux, car il avait l’impression d’apporter à l’équipe. Il se sentait responsable.
Quel rôle a joué Claude Puel dans cette éclosion ? Déjà, Claude le voulait absolument, et quand un entraîneur insiste autant pour vous faire venir, c’est qu’il croit en vous et qu’il fera en sorte que vous réussissiez. On connaît les qualités de formateur et de coach de Claude, alors j’étais sûr qu’il allait progresser à Nice sous ses ordres. Ça ne pouvait que lui faire du bien. Et finalement, la bonne surprise a été que Nice a fait une saison exceptionnelle. Donc c’était tout bénef pour Valère. Nous ne nous sommes pas trompés dans ce choix.
Comment était l’ambiance à Nice ? Ça leur arrivait souvent d’aller manger les uns chez les autres ou d’aller se faire un petit resto à plusieurs. C’était une équipe qui vivait très bien, les résultats aidant. Le groupe respirait la joie de vivre, la simplicité et l’humilité. Il a gardé plein de copains là-bas.
Finalement, il a joué à Nice un an trop tôt, non ?
C’est le football, c’est comme ça. Le président Rivère a tout fait pour le garder, mais l’ASM a mis son veto en nous faisant voir que le club comptait sur lui. Il avait encore deux ans de contrat avec Monaco, qui est son club. Alors il a fallu oublier Nice. Mais ça n’a pas été trop difficile, car il est retourné chez lui, dans son club.
Et il est revenu avec un autre statut… Il est très heureux. Il avait tellement envie de réussir avec son club. Et pour tout footballeur, ce n’est que du bonheur de jouer dans une équipe qui a des moyens, des ambitions et qui a la possibilité de faire quelque chose de grand. Ils sont encore sur les quatre tableaux. Maintenant, il a envie de gagner quelques chose, car faire une carrière, c’est super, mais si on arrive à gagner des titres, c’est mieux.
Lorsqu’il jouait en Ligue 2 avec Monaco, il rêvait déjà de Ligue des champions ? Il avait déjà envie de s’imposer à Monaco, et c’est ce qu’il a fait. Après, il n’avait envie que d’une chose, c’était d’aller le plus haut et le plus loin possible avec son club, et donc de jouer la Ligue des champions.
À Monaco, il est souvent associé à Falcao en attaque. Comment vous trouvez leur entente ? Elle se passe très bien sur et en dehors du terrain. Et ce n’est pas surprenant, car Falcao est un grand joueur et un joueur intelligent. Après, avec Falcao, Mbappé, Carillo et Valère, Monaco dispose d’atouts offensifs énormes. D’autant que sur les côtés, ils ont aussi de bons joueurs. Au milieu et derrière, c’est très solide. Ils ont vraiment un bel effectif. Maintenant, il faut espérer que tout le monde tire dans le même sens en se concentrant sur le collectif avant tout. Car, viser plus loin, à savoir jouer dans des grands clubs étrangers, c’est bien beau, mais il faut le faire au service de la collectivité.
Vous dites beaucoup « nous » lorsque vous parlez des choix de carrière de votre fils. Vous le conseillez beaucoup ? Oui, comme tout père. En plus, je suis issu du milieu du foot, je connais beaucoup de monde dans ce milieu, alors je me permets de le conseiller. Comme deux passionnés, nous parlons de foot constamment, vous pensez bien que c’est notre premier sujet de conversation.
Vous vous appelez après les matchs pour parler de sa prestation ? Ouais souvent, tout le temps en fait. On n’en discute pas des heures non plus, mais je le conforte, le réconforte aussi comme n’importe quel père. On s’appelle en général le matin du match et après la rencontre. Je connais l’équipe de l’ASM par cœur et je connais aussi un peu le football.
Malgré sa notoriété qui prend de l’ampleur, Valère Germain reste toujours très discret. Est-ce un choix de sa part ou sa manière d’être ?
C’est sa manière d’être. Il me ressemble un petit peu de ce côté-là. Nous voulons juste nous éclater. Il a la chance de faire d’une passion son métier et il le sait. Dans notre famille, nous connaissons la valeur des choses, et Valère ne se prendra jamais pour un autre. Il s’éclate dans son métier et reste lui-même, peu importe avec qui il joue ou contre qui il joue.
Valère a déjà joué avec les Espoirs, mais n’a jamais été appelé en équipe de France. Est-ce qu’il vous en parle, des Bleus ?Non, pas trop. Déjà qu’il s’éclate avec son club, qu’il soit efficace et qu’il gagne des titres, car ce serait bien qu’il ait quelques lignes à son palmarès.
L’équipe de France n’est donc pas une priorité pour lui ? Non. Après, si l’équipe de France vient, ça ne sera que du bonheur, mais si ça ne vient pas tant pis. Lorsque je jouais à Marseille, les gens disaient « Bruno Germain, c’est l’un des meilleurs milieux de terrain français » et finalement, je n’ai qu’une sélection (une défaite 0-1 contre la RDA en 1987, ndlr). J’aurais mérité certainement d’en avoir plusieurs, mais je ne les ai pas eu et ce n’est pas grave. Le principal, c’est que nos clubs se disent : « On a eu la chance d’avoir Valère ou Bruno, des valeurs sûres qui ont tout donné pour son club. »
En tant que supporter marseillais et père de Valère Germain, vous serez pour qui ce soir ?
C’est toujours un déchirement quand il y a Monaco-Marseille ou l’an dernier Nice-Marseille. C’est difficile pour moi, car l’OM est mon club de cœur, je fais partie des anciens de l’OM Star Club. Même si, et j’espère que tout le monde le comprendra, je serai pour l’ASM ce jour-là. Pour Valère aussi, ce ne sont pas des matchs faciles, car c’est sa ville aussi, mais à chaque fois, il arrive à être décisif face à l’OM.
Propos recueillis par Steven Oliveira