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Brigitte Henriques au CNOSF : ballon percé

Par Nicolas Kssis-Martov
5 minutes

Après des mois de tensions et de coups bas, Brigitte Henriques a démissionné de son poste de présidente du CNOSF, jeudi. Elle était la première femme élue à la tête de la grande maison du sport olympique français. La première figure issue du foot, aussi.

Brigitte HENRIQUES President of CNOSF during the CNOSF - Wishes 2023 at Maison De La Mutualite on January 26, 2023 in Paris, France. (Photo by Thibaut Bossenie/Icon Sport)
Brigitte HENRIQUES President of CNOSF during the CNOSF - Wishes 2023 at Maison De La Mutualite on January 26, 2023 in Paris, France. (Photo by Thibaut Bossenie/Icon Sport)

« Je voudrais saluer cette femme qui est la première présidente dans l’histoire du CNOSF, une femme de conviction, de détermination, une ancienne grande sportive qui a donné beaucoup de son temps, de générosité au sport français. Elle fait son choix qui est certainement extraordinairement douloureux pour elle. Et je veux maintenant que ça puisse laisser place au rebond le plus rapide et le plus efficace possible du mouvement sportif français. » Les propos de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, en passe de devenir la plus politique du gouvernement, entendent clôturer des mois de mélodrames au sein du sport français. La situation était de fait devenue intenable pour Brigitte Henriques. « C’est sa décision. J’imagine qu’elle a dû ressentir que la situation était devenue trop difficile à vivre pour elle, elle a probablement senti son propre camp se fissurer. Et je pense que c’est tout à son honneur d’avoir voulu prendre cette décision », conclut, dans un soupir de soulagement, l’ancienne camarade d’Emmanuel Macron à l’ENA.

C’est juste avant l’AG d’hier, le 25 mai, où elle risquait vraisemblablement d’être mise en minorité, qu’elle a donc annoncé sa démission, effective en principe au 29 juin. Astrid Guyart, secrétaire générale du CNOSF, assurera toutefois la présidence de l’instance, en attendant un conseil d’administration qui désignera son remplaçant. À l’instar du comex de la FFF, tout se règle malgré tout en interne. Oublié la petite révolution de son élection à la tête du sport français, censée illustrer l’avancée de la parité dans ce petit monde si masculin. Ancienne vice-présidente de la FFF, fidèle de Noël Le Graët, Henriques contribuait aussi de la sorte au rapprochement entre le ballon rond et une famille olympique qu’il regarde de loin, sinon parfois avec mépris. Elle avait en outre bénéficié du soutien de son frère Karl Olive, ancien journaliste, maire de Poissy, fidèle soutien de droite d’Emmanuel Macron et qui intervient régulièrement sur les questions de sport dans les médias.

Rattrapée par son passé

Malheureusement, le foot était autant en crise que l’ensemble du sport français. Brigitte Henriques fut rapidement rattrapée par son passé. La chute de l’ancien maire de Guingamp, qu’elle a toujours défendu, l’a fragilisée. Une attestation fournie à Jacky Fortépaule, ancien président de la Ligue de football du Centre-Val de Loire, poursuivi pour harcèlement sexuel (et condamné en février 2023 à un an de prison avec sursis), exhumée par le journaliste indépendant Romain Molina, a écorné son image.

Mais l’essentiel des coups a surtout commencé à pleuvoir quand Brigitte a cherché à faire le ménage et donné l’impression de vouloir gouverner seule et à sa façon. Une démarche qui a fortement déplu à ceux qui pensaient l’avoir placée où elle était. L’éviction du secrétaire général Didier Séminet par le CA a été très mal vécue par son prédécesseur Denis Masseglia, dirigeant à l’ancienne qui, à l’instar de la plupart de ses collègues, a bien du mal à quitter les couloirs du pouvoir (Noël Le Graët hante toujours ceux du siège de la FFF). L’Équipe a révélé le contenu d’une série de mails et d’échanges dans lesquels Brigitte Henriques taclait sans ménagement son ancien ami : « Tu ne m’auras pas laissée gouverner durant ce moment comme je l’entendais, mais en plus tu te seras permis de m’humilier à la fois publiquement, mais aussi auprès de l’ensemble des présidents. » Ses fautes tactiques, le recours à des taxis payés par l’institution pour raisons personnelles (remboursés depuis) ont alors été montés en épingle. Dans cette ambiance délétère, de « haine » diront certains, où s’enchaînent les procès en diffamation, les conférences de presse en présence d’avocat et autres règlements de compte en « off », le visage du sport français à quelques mois des Jeux olympiques et paralympiques s’enlaidit un peu trop. La ministre des Sports, qui avait déjà fort à faire avec le foot, justement, fait entendre sa petite voix pour sonner la fin de la récré « avant fin mai », pendant que le président de la République trépigne d’agacement.

Excuses publiques et vieux couplet conservateur

Brigitte Henriques a dû comprendre que tout le monde désirait son départ. Denis Masseglia l’a finalement emporté. Elle a même dû s’excuser publiquement auprès de lui et faire amende honorable : « Voici deux ans, tu m’avais donné les clés du CNOSF, aujourd’hui, je les remets à disposition de l’institution. » À l’instar de Le Graët, elle a été gratifiée en retour d’une ovation unanime.

La principale leçon de cette triste séquence récite un vieux couplet conservateur au sein des fédérations sportives. Les femmes dirigeantes (on pourrait ajouter ce qui se passe dans les sports de glace autour de Gwenaëlle Noury), quelles que soient leurs fautes ou leurs erreurs, demeurent toujours soumises à une pression particulière, sinon violente (y compris pour leur santé, de l’arrêt maladie de Brigitte Henriques à la crise cardiaque de Florence Hardouin). Et la crise de gouvernance du sport se concentre toujours autour du pouvoir, de ceux qui ne veulent jamais le lâcher, et d’absence de contre-pouvoir. Un des successeurs potentiel et favori dans les pronostics serait David Lappartient, président de l’Union cycliste internationale, du conseil départemental du Morbihan et membre du Comité international olympique. Or ce dernier, comme le soulignait Le Monde, traîne quelques belles casseroles, dont ses liens avec l’oligarque milliardaire russo-turkmène Igor Makarov, ou la gestion du rapatriement des cyclistes afghans et surtout afghanes lors de la chute de Kaboul. Mais c’est un homme…

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