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Brighton, invincible par essence
Leader de Championship après dix-neuf journées et toujours invaincu, Brighton & Hove Albion se dirige tout droit vers ses premiers pas en Premier League. Le tout quelques mois après un drame qui a bouleversé le club, un sauvetage de la faillite il y a une vingtaine d'années par un supporter friqué, et le retour d'un divin chauve. And the stripes go marchin on.
C’est un rendez-vous incontournable. Chaque année, le meeting aérien de Shoreham-by-Sea rassemble des milliers de personnes. C’est l’occasion pour les gars de Brighton et ses environs de se retrouver et de mater de vieux avions de chasse en famille. L’événement, organisé par la Royal Air Forces Association (RAFA), décolle sur le tarmac de Shoreham, situé à quelques centaines de mètres de l’académie du Brighton & Hove Albion FC, le club de foot local. À quelques poignées de kilomètres du ballet, l’équipe première des Seagulls vient d’ouvrir le score par l’intermédiaire de Kazenga LuaLua face à Blackurn. On joue la quatrième journée de Championship, et Brighton est sur la route de sa troisième victoire en quatre rencontres de championnat. Cet été, le recrutement a été ambitieux et l’objectif de Premier League affirmé. Les quelque 22 000 personnes qui massent les sièges de l’utramoderne Falmer Stadium ont la banane et allument leur smartphone. Sous leurs yeux, la gifle : un avion de chasse britannique, le Hawker Hunter, utilisé notamment par l’armée de l’air libanaise, vient de se crasher sur une autoroute au nord de l’aéroport de Shoreham emmenant avec lui quatre voitures. Onze personnes sont tuées sur le coup. Dont l’un des membres du staff du club de foot, Matthew Grimstone, et un jeune supporter, Jacob Schilt. On est le 22 août 2015.
Hughton, le coup de poker
« Ça a été un choc pour tout le monde ici. Matthew, c’est le genre de personnes que l’on croisait tous les matins, qui faisait partie de notre quotidien à tous. Et un jour, tu arrives, et rien n’est plus comme avant » , se rappelle le latéral camerounais Gaëtan Bong, arrivé au club cet été. Il décrit une ambiance similaire aux jours suivants les attentats de Paris, un drame « qui aurait pu toucher tout le monde » , lui dont la sœur habite dans le quartier du Bataclan. L’état de solidarité maximum s’est rapidement installé à Brighton, comme un supplément d’âme décrit par le gardien David Stockdale qui détaillait, au lendemain du crash, « la nécessité de trouver la force pour se battre » . Plus de trois mois et quinze matchs de championnat plus tard, Brighton & Hove Albion est en tête de Championship, n’a toujours pas perdu la moindre rencontre et possède douze points d’avance sur le strapontin des play-offs. « C’est bien pour le moral, le coach a tout mis en place pour qu’on en arrive ici. C’est un mélange de solidité défensive et de folie offensive, on arrive à s’adapter. Maintenant, le chemin est encore long… » , explique Bong. Une route d’encore 27 matchs de championnat, au minimum.
Il y a quelques mois, le club avait pourtant la tête au fond du sac, suite logique d’une farce de gestion de l’ancien joueur de Liverpool Sami Hyypiä, nommé en juin 2014. Brighton était alors un chantier sans nom après la gifle reçue à Derby en demi-finale de play-offs (1-4, 2-6 sur l’ensemble des deux matchs). Tout était à reconstruire, après deux accessions ratées, et le départ du bâtisseur Óscar García. Fin 2014, après une série de sept matchs sans victoire, Brighton & Hove Albion est dans la zone rouge. Le 31 décembre, Hyppiä prend la porte, Chris Hughton débarque alors dans le Sud de l’Angleterre pour nettoyer le bordel. Il est le choix du boss, Tony Bloom, star du World Poker Tour, et arrive avec l’objectif de sauver le club avant de le reconstruire à sa façon : par la solidité, la rigueur et un brin d’expérience. En mai dernier, Brighton sauve sa tête et termine vingtième de Championship. Le tout avec un nouveau coach qui était considéré jusqu’ici comme l’un des plus ennuyeux du Royaume.
King Zamora
Cet été, Brighton & Hove Albion a alors beaucoup recruté et fait la cour à l’un de ses anciens rois, Bobby Zamora, revenu au club, douze ans après l’avoir quitté, pour couler tranquillement sa fin de carrière. Mais aussi pour retrouver un plaisir perdu ces dernières années en même temps que le chemin du but. Cette saison, « Bo-bo-boby Zamoraaa » a déjà marqué cinq fois et sorti son équipe de plusieurs traquenards. Sa réussite est aussi à mettre au crédit de l’ancien buteur d’Almería, Tomer Hemed, arrivé cet été lui aussi et meilleur buteur actuel du club. La ligne d’attaque vient également d’être renforcée par l’espoir de Manchester United James Wilson, buteur dès son deuxième match. « Hughton nous demande de jouer, jouer, jouer avec l’envie de repartir en permanence de derrière. La prise de risque est minime et, si on est bloqués, on cherche Bobby devant » , poursuit Bong. Oui, Chris Hughton n’a pas totalement changé, il reste un brin frileux.
Prudent, car Hughton sait où il met les pieds. Brighton semble enfin en passe de claquer la porte à la gueule de ses galères passées. Une époque pas si lointaine, à la fin des années 90, où le club était au bord de la faillite, condamné à vendre Goldstone Ground, son stade mythique, pour éponger des dettes, et secouru de la mort par le père de son renouveau, Dick Knight. Magnat de la publicité, Knight sauva le club de la déroute à coups de gros chèques avant de permettre à ses Seagulls de retrouver Brighton progressivement après une période à jouer à plus de 70 kilomètres plus au nord, à Gillingham (Kent). Brighton & Hove Albion a depuis retrouvé sa ville, un nouvel investisseur, Tony Bloom, à qui Dick Knight a cédé ses parts en 2009 avec l’assurance de construction du nouveau Falmer Stadium et une équipe qui tourne. Une nouvelle fois, Brighton s’est relevé, 32 ans après avoir quitté l’élite. La Premier League n’est plus qu’à quelques mois.
Par Maxime Brigand