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Bretagne : on était aux retrouvailles entre Guingamp et Saint-Brieuc en Coupe de France

Par Clément Gavard, à Guingamp
Bretagne : on était aux retrouvailles entre Guingamp et Saint-Brieuc en Coupe de France

Pour la première fois depuis 26 ans, les équipes fanions d'En Avant Guingamp et du Stade briochin se sont retrouvés sur un terrain de football à l'occasion du huitième tour de Coupe de France. Un match comme un autre après plus de deux décennies passées sans se croiser ? Un peu, même si la fête des voisins a également réveillé des douloureux souvenirs dans le camp briochin. On y était.

En se baladant autour du stade de Roudourou en ce début de samedi après-midi pluvieux, rien ne laisse présager qu’un match spécial doit se jouer dans l’antre guingampaise dans un peu moins de deux heures. L’unique stand de galettes saucisses et de sandwichs en tout genre est quasiment désert, alors que les premiers supporters pressés attendent l’ouverture des grilles en tentant de trouver un abri ou un bout de parapluie dès qu’une grosse averse pointe le bout de son nez. Un peu plus loin, d’autres fidèles profitent de l’avant-match au Lapin rouge, le bar emblématique des supporters guingampais, où il faut logiquement montrer patte blanche en présentant son pass sanitaire. « Vous êtes pour l’En Avant, j’espère ? », balance un fan légèrement éméché en direction d’une bande de septuagénaires débarquant sur la terrasse du troquet. La réponse est bien sûr positive, même si l’inverse n’aurait pas non plus été gênant : entre les écharpes rouge et noir, ils sont plusieurs à arborer les couleurs jaune et bleue de Saint-Brieuc. La preuve que la rivalité entre les deux camps n’est pas aussi forte qu’on aimerait le dire ? Possible, même si le match difficilement remporté par Guingamp (1-0) a pu réveiller quelques douloureux souvenirs.

 On n’en veut pas à Guingamp, on en veut au père Noël, c’est lui qui nous a descendus.

Pour les Briochins, le père Noël est une ordure

Pour la première fois depuis 26 ans, les équipes fanions des deux clubs séparés par une trentaine de kilomètres et un tas d’autres choses ont vu le tirage au sort de la Coupe de France les réunir sur un terrain de football à l’occasion du huitième tour de la compétition. « C’est ce qu’on attendait depuis des années, pour nous, c’est Noël », balance JP, accompagné de plusieurs copains quadragénaires restés fidèles au Stade briochin depuis toutes ces années. Pour mieux comprendre les griefs de ces acharnés, il faut remonter au mois de mars 1997, quand la liquidation judiciaire de la section professionnelle du Stade briochin est prononcée en raison d’un déficit de 7,5 millions de francs. La conséquence d’une mauvaise gestion, mais également le résultat de la machination d’un homme, selon de nombreux fans briochins : Noël Le Graët.

« Ce n’est pas de sa faute, c’est carrément de sa faute, lancent en chœur JP, Gueg, Jérôme, Nico et Francky, entre deux gorgées de bière au fond du Lapin rouge. Il ne voulait qu’un club dans les Côtes d’Armor. Il a des entreprises à Guingamp, il a été maire de la ville(de 1995 à 2008, NDLR)et il a dit haut et fort qu’il ne fallait qu’un seul club pro dans le 22. C’était Guingamp. » Une histoire renforcée par le statut de président de la Ligue nationale de football de Le Graët à l’époque, ainsi que par l’identité du président du tribunal de commerce, Gérard Le Bourhis (ancien joueur et patron du club de foot de Saint-Brieuc, mais aussi ami fidèle de Le Graët) qui avait prononcé la liquidation du club briochin. Une version toujours démentie par l’actuel président de la FFF, qui n’a pas mis les pieds à Roudourou pour assister aux retrouvailles. « Il ne sera pas là, prédisait Jérôme avant la rencontre. Si je vois Noël Le Graët, je lui montre mes fesses. » JP reprend la parole : « On n’en veut pas à Guingamp, on en veut au père Noël, c’est lui qui nous a descendus. »

Des rivaux et des copains

Cet épisode a en tout cas créé des tensions entre les deux camps, alors que les deux clubs n’avaient eu l’occasion de se croiser qu’à deux reprises dans le monde professionnel lors de leur saison commune en deuxième division en 1994-1995 (deux succès de l’EAG), en plus d’une poignée de rencontres en Coupe de France. « Au départ, c’était simplement un derby. On a fait le dernier match de Coupe de France ici, en 1992, on avait perdu. Ce n’était pas chauvin, c’était le match des voisins, on était repartis heureux, poursuit JP. Pour nous, ce n’est plus un derby aujourd’hui, c’est une rivalité. Mais ils ne sont pas dans le même esprit que nous, ils ont baigné dans un club déjà fait. Il suffit de comparer les deux stades : on a 60 000 habitants, eux moins de 9000. On a un stade pourri, ils ont un stade top classe, tu vois la différence. Il n’y a pas de tensions, c’est cool, mais c’est aussi parce que ce n’est pas chaud des deux côtés. » Guingamp et Saint-Brieuc ne jouent pas dans la même cour, même si le club de la préfecture des Côtes-d’Armor a fait son retour au troisième échelon en 2020, se rapprochant tout doucement d’En Avant. Surtout, la rancœur tenace de certains anciens ne trouve pas écho dans le camp d’en face. « Les supporters sont plus rivaux avec Rennes que Saint-Brieuc, glisse Jean-Pierre, 72 ans, qui cherche toujours son nom sur le mur des Kalon. Ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’on a envoyé Kerbrat en espion, il ne faut pas leur dire. »

 Chez les jeunes, on ne ressent pas trop la rivalité, on ne se rend pas compte, c’était à l’époque.

Chez les plus jeunes, on connaît les traditions et les antécédents entre les deux camps, bien qu’ils ne l’aient pas vécu. « Guingamp, c’est breton, donc j’aime bien, je suis allé les voir plusieurs fois à Roudourou, pose Antoine, 25 ans et l’écharpe des Griffons nouée autour du cou. J’ai fait mes études à Saint-Brieuc, j’avais envie de les soutenir aujourd’hui. Chez les jeunes, on ne ressent pas trop la rivalité, on ne se rend pas compte, c’était à l’époque. La preuve, je suis avec mon écharpe briochine dans le bar guingampais, et personne ne me dit rien. » Son pote Valentin, qui assiste à tous les matchs de Saint-Brieuc à Fred-Aubert, confirme : « C’est une petite bataille de clochers, mais c’est une ambiance bon enfant. » Au Lapin rouge, l’heure est aux pronostics, mais aussi aux dernières gorgées : le match doit débuter dans moins de trente minutes. Il n’est pas question de manquer le début des hostilités.

« Vingt-six années se sont écoulées, Stade briochin où t’étais passé ? »

À l’intérieur de l’enceinte guingampaise, les tribunes dégarnies viennent rappeler que la rivalité n’est plus trop d’actualité, même si le coach Stéphane Dumont dira après la rencontre avoir « senti ce côté derby » dans l’engagement mis par les deux équipes. Sur le terrain, ils étaient plusieurs Briochins passés par l’EAG, Kerbrat en tête. La hiérarchie a finalement été respectée au tableau d’affichage, mais la division d’écart n’a pas toujours semblé évidente sur la pelouse, tant les hommes de Didier Santini ont dominé la seconde période. « Comment dire qu’on ne savait pas où se foutre, on ne savait pas qui était la N1 entre Guingamp et Saint-Brieuc, admet Nicolas, tout de même content d’avoir bravé la grêle et le vent glacial pour être de la partie. On a vécu d’autres rivalités régionales, on avait nos derbys en Ligue 1, mais en Ligue 2 on n’en a plus un seul à se mettre sous la dent. Ça fait du bien de voir un peu d’animosité, on a besoin d’avoir une petite guéguerre. Bon, après, ici on ne va pas jeter des bouteilles sur le poteau de corner et arrêter le match au bout de cinq minutes, mais il fallait montrer que les Côtes-d’Armor étaient rouge et noir. » Un refrain repris plusieurs fois pas le Kop rouge pendant le match.

 En Ligue 2, on n’a plus un seul derby à se mettre sous la dent. Ça fait du bien de voir un peu d’animosité, on a besoin d’avoir une petite guéguerre.

Le principal groupe de supporters guingampais a d’ailleurs mis quelques pièces dans la machine pour peut-être relancer la rivalité, déployant à l’entrée des deux équipes un tifo représentant le département peint en rouge et noir et surplombé par la mention EAG, avant de dévoiler une banderole piquante dans les cinq dernières minutes de la partie : « Vingt-six années se sont écoulées, Stade briochin où t’étais passé ? » Plusieurs minutes après le coup de sifflet final, la colère provoquée par ce message n’était pas redescendue chez tout le monde. « On est là pour le sport, pour sa gaieté, alors voir une pancarte comme ça à la fin, ce n’est pas normal, pestait par exemple Daniel Morgand, président du Stade briochin de 1997 à 2000. Je pense qu’il faudrait oublier toutes ces choses-là, il ne faut pas ramener un truc comme ça à cinq minutes de la fin devant tous ces jeunes qui n’ont pas vécu ce qui s’est passé. »

Chacun espère désormais que les deux voisins pourront se retrouver sur le terrain dans les années à venir, de préférence en Ligue 2, même si ce n’est pas encore gagné pour Saint-Brieuc. En attendant, le foot poursuit son cours en Bretagne : certains comme Antoine ont troqué les couleurs des Griffons contre celles du Stade rennais en se rendant à Lorient dimanche, d’autres seront derrière Guingamp pour la réception de Dijon vendredi prochain. Puis certains, comme le septuagénaire Jean-Pierre, dont les petits-enfants suivent les aventures de Guingamp de New York ou Singapour, ont des drôles de rêves : « J’aimerais un championnat de l’Ouest avec seulement des clubs du coin : Guingamp, Rennes, Brest, Saint-Brieuc, Nantes, Laval, Angers, etc. Une Superligue de l’ouest, je signe direct ! » Voilà un bon moyen de ne plus avoir à attendre 26 ans pour assister au derby costarmoricain.

Dans cet article :
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Par Clément Gavard, à Guingamp

Tous propos recueillis par CG.

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