- International – Coupe des confédérations
Brésil-Uruguay, le fantôme du Maracanãzo
L'Uruguay espère bien gâcher la fête en privant le Brésil d'une finale chez lui. En suivant un modèle qui fit recette en finale du Mondial 1950 : profiter de la pression qui pèse sur les épaules de son adversaire et jouer sa chance à fond.
La plupart des Brésiliens qui suivront la rencontre d’aujourd’hui n’étaient pas nés en 1950. Mais, du vendeur de journaux au balayeur, de l’écolier à la mère de famille, tous connaissent l’histoire du Maracanãzo, cicatrice indélébile sur laquelle appuient allègrement les Uruguayens depuis soixante-trois ans. Le Brésil a beau avoir cinq étoiles sur son maillot jaune comme l’or, l’Uruguay, petit pays de trois millions et demi d’habitants, lui a toujours fait mordre la poussière. En 1970, vingt ans après ce qui est encore perçu comme une tragédie nationale, Pelé et sa bande se présentent en demi-finale de la Coupe du monde avec la peur au ventre. Luis Cubilla ouvre la marque à Guadalajara et c’est tout le Brésil qui tremble. Mais les futurs champions du monde renversent le score et l’emportent finalement 3-1. Depuis, les David et Goliath du football sud-américains se sont notamment affrontés lors de deux demi-finales (deux victoires aux tirs au but des Brésiliens, en 2004 et 2007) et deux finales de Copa América (dont une remportée au Maracanã grâce à un but de Romario, en 1989), pour une victoire de part et d’autre.
Romario, le « ghostbuster »
Chaque fois que les deux équipes doivent se frotter l’une à l’autre, on leur rejoue l’air du Maracanãzo. « Il existe cette peur, cette anxiété, liée à ce qui s’est passé » , reconnaît Thiago Silva. Plus terre-à-terre, Luis Gustavo et Felipe Scolari balayent les fantômes du passé d’un revers de la main. « C’est un autre match, d’autres équipes, un autre moment » , argue le milieu du Bayern de Munich. « Je n’étais pas né en 50, je n’ai donc pas grand-chose à dire là-dessus, reprend le sélectionneur brésilien. Psychologiquement, ce qui s’est passé dans ce Mondial ne va pas nous affecter. » Son homologue uruguayen espère bien réaliser le remake de 1950 chez son gigantesque voisin. « Certains nous traitent de « trouble-fêtes » et pour moi c’est un compliment, fanfaronne Óscar Tabárez. Parfois, la fête est préparée pour que telle ou telle équipe gagne. Mais, parfois, celui qui gagne n’est pas forcément celui que l’on attend. » La Fifa appréciera ce « subtil » message subliminal, alors que tout le monde rêve évidemment d’une finale Brésil-Espagne, dimanche.
La Céleste, ce « trouble-fête »
« Le Brésil a évidemment tout en sa faveur, note Diego Lugano. Mais, cela a déjà été le cas auparavant et nous les avons battus. Pourquoi pas maintenant ? » Les Brésiliens savent en tout cas de quel bois se chauffent le sécateur charrua et ses complices. « On s’attend à un football dur, ferme, sans coup de poing ni coup de coude, lâche Fred, comme s’il essayait de s’auto-persuader du bon déroulement de la rencontre. Nous en avons parlé entre joueurs, nous savons que leur marquage peut être très dur. On sera attentifs. » Scolari sait bien que le Brésil a tout à perdre dans ce match, alors que ses compatriotes versent à nouveau dans l’excès de confiance après un premier tour réussi. « C’est un classique sud-américain et je sais que ça va être un match de caractère, très fort du point de vue de l’ambiance et au niveau footballistique. Ça va être dur de gagner. » En s’imposant, le Brésil s’offrirait un peu plus qu’une belle finale au Maracanã. S’il perd, le fantôme du Maracanãzo viendra rôder à nouveau sur « sa » Coupe du monde, l’an prochain.
Florent Torchut, à Belo Horizonte