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Brésil 2014 : Un engouement français
Tous les 4 ans, la Coupe du monde déchaîne les passions et attire une foule considérable. Toutefois, sa tenue sur le sol brésilien a décuplé, en tout cas en France, le phénomène d'immigration massive pour raison footbalistique. L'occasion de se pencher avec quelques-uns des acteurs du voyage sur l'étendue de cet engouement.
Le mois de mars témoigne souvent des premières querelles entre amis. Accordés sur le fait de s’organiser un séjour de folie hors de France, nombreux sont les groupes de potes à s’éparpiller au moment de choisir leur destination. Au milieu de ce fatras d’envies et d’embrouilles, certains s’essayent pourtant à l’art de la proposition : Berlin ? Déjà mainstream. Lisbonne ? Peu coûteux, mais envahi par le tout Hexagone en débardeur. L’Australie ? Une vingtaine d’heures d’avion qui décourage. Cette année pourtant, il suffisait de jeter un œil au calendrier pour mettre fin à tout débat. Le Brésil, ses plages de sable fin, ses femmes hybrides et sa samba endiablée, accueillent la Coupe du monde de football. Une occasion rêvée de faire du tourisme tout en étanchant sa soif de ballon rond. Et si l’événement déplace les foules étrangères tous les 4 ans (notamment anglaises, allemandes, hollandaises et japonaises), son organisation sur l’une des terres mythiques en matière de football a provoqué un engouement sans précédent en France. Les supporters gaulois seront ainsi bien plus que les autres années à débarquer en Amérique du Sud avec l’espoir d’y vivre une expérience hors du commun. Entre mordus du rectangle vert et touristes avides de sea, sex and sun, le Brésil s’apprête à recevoir une sacrée tripotée de sacs à dos Quechua.
Un bon coup des tours-opérateurs
Hormis les coups de soleil et le bermuda, les touristes présents au Brésil cet été n’auront pas forcément mille et un points communs. Emmanuel Cohen, directeur général adjoint au sein du tour opérateur Voyageurs du Monde, témoigne même d’une pluralité rare chez les demandeurs : « Des sociétés, des jeunes qui cassent leur tirelire en mettant 5 euros de côté par jour en passant par le papy qui a assisté à sa première Coupe du monde en 1950 au Brésil et qui boucle la boucle. On a même eu un vieux monsieur qui a demandé un crédit à sa banque pour pouvoir partir avec ses petits-enfants. » Et puisque le supporter de foot semble prêt à presque tous les excès pour s’envoler au pays des Cariocas, les prix flambent et les agences de voyages en profitent. Emmanuel Cohen ne peut pas nier qu’un engouement exceptionnel, c’est avant tout un retour sur investissement garanti : « On est sur des places qui sont au minimum deux fois plus chères qu’en Afrique du Sud. Alors oui, on a perdu en route quelques passionnés qui, malheureusement, n’avaient pas le budget pour y aller, mais globalement, j’ai l’impression que les gens ont été prêts à tout pour se dire : « Voilà j’y étais, j’étais au Brésil en 2014. » »
Une qualification bénéfique
À la clé, pour Voyageurs du Monde, c’est un chiffre d’affaires d’ores et déjà multiplié par quatre par rapport à l’Afrique du Sud en 2010. Car si la Coupe du monde approche à grands pas, les gros pics de réservation sont eux déjà passés depuis plusieurs mois. En France, c’était au lendemain de la qualif’ des Bleus que les supporters se sont manifestés en nombre. L’autre gros pic, sans surprise, a eu lieu après le tirage au sort. Tous n’ont cependant pas attendu de connaître les adversaires de l’équipe de France pour se décider à franchir l’Atlantique. Au-delà de l’aspect purement sportif, c’est bien le Brésil qui attire. « On a énormément vendu et commercialisé la Coupe du monde au Brésil avant même que la France se qualifie » , certifie ainsi Emmanuel Cohen. Mais parce que l’attrait du « all inclusive » a ses limites, notamment financières, certains ont décidé de s’éloigner des sentiers tracés par les voyagistes. Étienne, la vingtaine et ses 7 amis sont fans de foot, mais pas fous de dépenses pour autant. Ils n’auront donc pas droit aux traditionnelles prestations (dont le fameux cocktail d’avant et d’après-match) offertes par les tour-opérateurs. : « Non, nous, on a tout fait sans agence, on s’est monté la tête en septembre dernier. En octobre, c’était encore un peu vague et puis quand il y a eu le tirage, on s’est pris par la main. On a commencé par les billets d’avion, en fonction des dates et des prix et en gros, ça nous a coûté 1000 euros aller-retour. En janvier, on a fait le tirage au sort pour les billets, ensuite, on a cherché un logement par Airbnb. On est finalement passé par Abritel et on est tombés sur des gens hyper sympas, des Brésiliens qui habitent en France et qui nous ont facilité toutes les démarches. » . Cout de l’expédition : 3000€. Autant dire un investissement que certains tentent d’esquiver pour ne pas se faire recaler de cette fête gigantesque.
Du recalé au débrouillard
Car si tous n’ont pas la volonté ni les moyens d’Étienne, ils sont surtout peu à avoir eu la chance d’être parmi les heureux élus de la loterie organisée par la FIFA ou à avoir décroché des places auprès des fédérations. Cristian Adrian Pereira est Argentin et réalisera en juin prochain sa thèse en terre auriverde : « J’aurais bien voulu aller voir un match évidemment, comme tout le monde ici, j’ai pré-réservé des places par le biais de la FIFA, mais comme beaucoup, je n’ai pas été retenu. » Une Coupe du monde sans foot pour Adrian donc, pourtant loin d’être abattu : « Pendant la Coupe du monde, ça va être une fête, un événement unique. Je connais le Brésil et je sais que les Brésiliens sont très chaleureux. Je pense que ça va être encore mieux qu’en temps normal. Ce ne sera pas le vrai Brésil, mais ce sera une vraie fête. » Pour Benjamin et Hugo en revanche, hors de question de rester loin du ballon rond. Ces deux étudiants en journalisme à Lille ont lancé un site, cocorico-carioca.fr, destiné à relater l’événement de l’intérieur et ont décidé de se faire financer grâce au système du crowndfunding. Entre travail et rêve de gosse, le projet a pour le moment recueilli près de 3 000€, soit un peu plus de la moitié de l’objectif fixé (5 500€), et ses deux initiateurs continuent d’alimenter leur plateforme avant le départ. Une façon comme une autre de partager l’évènement incontournable.
Du foot et du tourisme
« Quand on a 25 ans et qu’on est passionné de ballon rond, une Coupe du monde de football au Brésil, cela représente une opportunité magnifique. Une sorte de pèlerinage en terre sainte, à la sauce foot et samba. » Comme le résume les deux étudiants, le Brésil 2014 reste et restera sans doute comme LA Coupe du monde à ne pas rater. D’autant que l’horizon est loin d’être planant : « C’est mieux d’aller au Brésil en 2014, quand tu as entre 20 et 30 ans, qu’en Russie ou au Qatar quand tu en as 40 avec des gamins. Et puis on a décidé de bouger un peu. On passera par Fortelezza avant de descendre vers Salvador. Et on rejoindra ensuite Recife. » Le constat de ce passionné résume l’engouement populaire. Car au-delà même du football, le Brésil attire. « On a énormément de demandes différentes, révèle Emmanuel Cohen. De gens qui vont voir un match, qui ensuite sont férus d’architecture donc passent par Brasilia, vont faire un tour par Iguazu, d’autres qui en profitent pour faire tout le tour de l’Amérique latine. Beaucoup profitent de la région pour assouvir leurs envies touristiques. » Mais aussi des gens conscients depuis le temps qu’ils ne sont pas à l’abri d’une élimination précoce.
Par Martin Grimberghs et Raphael Gaftarnik