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Brentford-Midtjylland, petits paris entre amis

Par Thomas Moulin
Brentford-Midtjylland, petits paris entre amis

La reprise de la saison est imminente un peu partout en Europe. L’heure pour chacun de lancer ses paris. Dans la banlieue de Londres et au cœur du Danemark, certains professionnels ont misé gros, engagés dans une aventure grandeur nature.

La saison a repris outre-Manche, à l’occasion d’abord du Community Shield entre Manchester United et Leicester, puis de la première journée de Premier League disputée ce week-end. Alors qu’une longue et indécise saison s’annonce, les bookmakers s’en donnent à cœur joie. Après la folle épopée des Foxes l’an passé, tous espèrent miser sur les bons chevaux. Les avis des consultants britanniques vont bon train, et ce, également sur la saison de Championship, qui a débuté le 5 août.

À ce petit jeu-là, Ian Holloway n’est pas le dernier. Auteur d’une carrière de milieu honnête à Bristol dans les années 80/90, il connaît bien l’antichambre du football anglais. Une fois la page tournée avec son club de cœur, il y conduit notamment les Queens Park Rangers en 2004. Avant d’y échouer quatre ans plus tard avec les Foxes, pour une relégation en D3 inédite dans l’histoire du club des Midlands. En 2010, il parvient à rebondir sur le banc de Blackpool, qu’il mène jusqu’à la Premier League. Un parcours long et chaotique qui lui permet aujourd’hui d’officier en tant que consultant sur Sky Sports. Avant cette nouvelle saison, son diagnostic est sans équivoque. « Brentford régresse. Mark Warburton a eu des résultats inespérés. Ils n’ont toujours pas remplacé Andre Gray, et Alan Judge va manquer le début de saison. Ils pourraient être en difficulté » , a expliqué l’ancien joueur des Bees, à qui il promet la relégation à l’issue de la saison.

Matthew Benham, homme à succès

Pas sûr que l’on pense pareil du côté de Smartodds, une entreprise de données statistiques qui fait référence dans l’univers des paris. Fort de son succès, son créateur, Matthew Benham, a réalisé un rêve d’enfance en rachetant Brentford il y a quatre ans. La success story de cet ancien étudiant en physique puis employé d’un fond de pension de la City ne doit pas beaucoup au hasard et beaucoup aux chiffres. « Matthew Benham est la preuve vivante que les datas, bien utilisées dans un certain environnement, sont efficaces » , martèle le français Nicolas Jover, l’un des nouveaux analystes du club londonien.

Plutôt que de baser sa stratégie sur une politique de transfert dispendieuse, Benham préfère concentrer son investissement sur la formation. Avec l’aide du fameux Mark Warburton, ancien employé bancaire, il dégote, grâce à ses algorithmes, quelques bonnes pioches du marché anglais. Sous les ordres de celui qui entraîne désormais les Glasgow Rangers, l’équipe finit vice-champion de D3 en 2014 et termine cinquième de Championship l’année suivante. En parallèle, le magnat de l’industrie des paris s’offre le FC Midtjylland, un jeune club danois fondé à l’aube de notre siècle. Dès la première année sous sa propriété, les Loups remportent leur premier titre de champion. La saison passée, ils ont même fait trembler Manchester United, en seizièmes de finale de la Ligue Europa.

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Des passerelles créées entre différentes structures

Comment Benham et ses ouailles ont-ils pu obtenir de tels résultats si rapidement ? « On ne peut pas acheter les meilleurs joueurs, donc il nous faut travailler mieux, intelligemment et différemment » , concède Nicolas Jover. Après des études au Canada et l’obtention de ses diplômes d’entraîneur, il a rejoint l’aventure cet été, séduit par le projet du patron de Smartodds. « J’ai beaucoup travaillé sur les coups de pied arrêtés de façon spécifique. On avait la même vision des choses, que nous sommes peu à avoir : une marge de progression est possible, elle est même importante » , explique-t-il. Pleinement intégré au reste du staff, il ne se concentre plus désormais que sur ce seul aspect du jeu. « Par le passé, j’étais obligé d’avoir plusieurs tâches, donc de survoler. C’était difficile d’entrer dans les détails de façon pointue » , reconnaît l’ancien analyste de Montpellier et de la sélection croate.

Ces investissements humains dédiés à l’usage des outils statistiques ne sont pas les seules forces de la galaxie Benham. Les passerelles créées entre ses différentes structures sont également primordiales. « Je suis déjà allé deux fois au Danemark et j’échange toutes les semaines avec les gens du club de Midtjylland. On essaye de partager nos savoirs » , se réjouit Jover. Une chance pour notre Français, le club danois s’est rapidement converti en expert européen en matière de coups de pied arrêtés. À l’instar du Bolton d’Allardyce des années 2000, il a inscrit près d’un but par match sur ces phases de jeu il y a deux ans. La saison passée, les Loups ont marqué neuf fois suite à des touches. Pour poursuivre sur cette belle lancée, ils viennent de s’attacher les services du Néerlandais Rafael van der Vaart, pas maladroit dans cet exercice.

Beaucoup de coups de pied, peu d’avis arrêtés

« Les gains sont marginaux, mais ils existent. Le travail est d’isoler les facteurs décisifs pour les améliorer. Il n’y a pas de recette magique, simplement des ingrédients qui aident plus que d’autres » , explique malicieusement Jover. Les coups de pied arrêtés, un symbole de la nouvelle philosophie mise en place par Bentham et son bras droit, Rasmus Ankersen, président de Midtjylland avant de devoir émigrer sur Londres. Ceux-ci n’ont par exemple pas hésité à mettre au point un classement alternatif, celui du championnat ne représentant pas assez fidèlement la réalité du terrain. « On sent qu’ils ont une approche différente, ils ne viennent pas du milieu du foot. Ils s’appuient sur la data, mais n’oublient pas pour autant les méthodes traditionnelles. C’est juste qu’ils n’ont pas peur des chiffres, à l’inverse d’autres dirigeants » , tempère notre analyste.

« Ces dernières années, j’ai appris que les personnes les plus brillantes du monde du football travaillent dans l’industrie du pari, car elles sont beaucoup plus rationnelles et moins subjectives » , déclarait l’an passé Ankersen, dans les colonnes du Guardian. Si ses premiers résultats parlent pour lui, l’expérimentation du Danois et de son armée d’analystes s’annonce longue et truffée d’inconnues. L’occasion de mettre en pratique sa théorie à propos de la performance sportive, expliquée dans son ouvrage The gold mine effect. Neuvièmes la saison passée, voilà les Bees ruchées dans la première moitié du tableau de Championship. Elles veulent désormais voler plus haut. « L’objectif, c’est la montée, mais si on n’y arrive pas cette année, ce ne sera pas la fin. Si on travaille bien, les résultats suivront » , assène Jover. Dans un sport où l’incertitude règne en maître, le pari ne manque pas d’ambitions.

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