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Bref, j’ai écrit une bio de footballeur

Par Nicolas Kssis-Martov
Bref, j’ai écrit une bio de footballeur

Classiques de l’édition sportive, les bios de footballeurs abondent, aussi bien sous la forme d’enquêtes genre « la face cachée de » que de versions « officielles » à la première personne (en général avec l’aide d’un porte-plume). Si les ventes se révèlent rarement à la hauteur des espérances des éditeurs qui croient y déceler le bon filon, le moindre joueur, aussi modeste soit-il, ayant traversé l'histoire d'une manière ou d'une autre, (de Steve Savidan à Louis Saha), veut ou a droit à son ISBN. Petit tentative d’exploration d’un exercice de style plus périlleux qu’il n’y paraît.

Inutile de se lancer dans des comparaisons foireuses qui mettraient la littérature à genoux et l’amour des belles lettres en croix, les bios ne constituent certainement pas l’équivalent des mémoires d’hommes ou de femmes politiques, bien que pour être honnête, elle s’avèrent régulièrement aussi insipides l’une que l’autre, et qu’il soit toujours permis de douter de qui tient véritablement le stylo (ou le clavier). Et cela quelles que soient les catégories que l’on évoque : récit officiel, auto-célébration ou repentance post-dépression, investigations vaguement racoleuses, et, pour la plus courante, la légende dorée, parfois rédigée sans avoir jamais croisé la gloire du ballon concernée par des éloges qui se rétribuent en droits d’auteur.

Si l’écriture assure en général, sur la forme, le service minimum, le fond reste souvent décevant, avec l’impression de survoler une compil’ d’articles ou de relire les mêmes anecdotes depuis des années (quand les sources sont citées), et sans penser au final à la souffrance du confrère qui doit s’enquiller par conscience professionnelle cette pseudo prosopographie. Comme s’il n’existait pas de voie du milieu entre l’hagiographie du brave type qui vient d’en bas et le déballage des affres des idoles enivrées par le succès et les tentations de la renommée (même si dans ce cas les guillemets sont souvent de rigueur). La déception se situe à la hauteur des attentes que suscitent une si belle matière vivante, quelque part entre Balzac et Desperate Housewives, bref ces demi-dieux et leur relation avec les sociétés qui les ont transformés en veaux d’or.

« Peu de gens acceptent de te répondre »

« J’ai travaillé sur le grand banditisme et j’ai publié une livre sur Antonio Ferrara( Le roi de la belle avec Brendan Kemmet chez Le Cherche midi, ndlr). Cependant j’ai été stupéfait de réaliser en m’attaquant au cas de Franck Ribéry, que quelque part, c’était bien plus compliqué et difficile de toucher au monde du foot pro et aux footeux. Et comme avec le milieu, nos sources réclamaient parfois de l’argent ! » Matthieu Suc, co-auteur avec Gilles Verdez de La Face cachée de Ribéry, aux Editions du Moment, établit d’office une comparaison riche d’enseignements. « Peu de gens acceptent de te répondre, poursuit Arnaud Ramsay, qui vient de sortir un ouvrage de commande sur Laurent Blanc (La face cachée du président, chez Fetjaine). Surtout quand, en plus, tu te trouves en face de quelqu’un de très taiseux, comme le sélectionneur de l’équipe de France, qui a refusé de te parler. La solution de repli consiste alors à mettre en lumière des choses peu connues du grand public, des réalités oubliées, de les mettre bout à bout et en relation, afin de redessiner un autre portrait du personnage. »

On aurait pourtant imaginé qu’un univers assoiffé de gloriole et dont les revenus dépendent en grande partie de son sens de la mise en scène, de son exemplarité, saurait se servir à bon escient et avec un peu de malice de cet outil, même quand il intervient à décharge. Apparemment, y compris les propositions les plus flatteuses laissent les footballeurs tricolores sceptiques voire craintifs, au mieux indifférents. « J’ai rédigé des bios autorisées, poursuit Arnaud Ramsay, et c’était déjà compliqué d’amener par exemple Youri Djorkaeff à se libérer, ou à comprendre que ça ne se résumerait pas simplement à une longue interview » . Certes, en effet, on part de loin.

« J’ai dû remplacer « rumeur » par « ragot » »

Alors la faute à qui ? Qui est responsable d’un tel gâchis, quand d’autres sports savent offrir quelques morceaux d’anthologie, notamment avec le cas de la boxe. Pour Besma Lahouri, du haut des 50 000 ventes de sa bio sur Zidane ( Une vie secrète, chez Flammarion), nous sommes surtout confrontés à un mal spécifiquement français. « Chez nous, les journalistes sportifs ont trop habitué les joueurs, surtout les stars, à évoluer dans le registre de la connivence, quand ils n’occupent quasiment pas le rôle d’attaché de presse – ou alors à les attaquer en meute. Le premier responsable, finalement, ce n’est pas l’argent ou le poids « protecteur » de sponsors qui pèsent sur les patrons des journaux, mais plutôt le fait que la presse ait donné l’impression aux joueurs que quoi qu’ils fassent en dehors du terrain, cela ne sera jamais raconté. Zidane ne se déchaînait pas en Espagne ou en Italie, et Ribéry se tenait à carreau en Allemagne. Ils venaient en France pour cela. Enfin, surtout, la loi française empêche qu’on approche la vie privée, ou sinon à risquer une condamnation. Cela freine un peu les éditeurs. J’ai dû remplacer « rumeur » par « ragot » dans mon ouvrage concernant Nadiya. Difficile ensuite d’effectuer son travail jusqu’au bout. »

Dans un monde pro où l’image possède une valeur commerciale, écrire une bio, c’est forcément entrer dans l’intime, et dépasser les quelques banalités sur le bon père de famille ou le chic type avec son œuvre caritative sous le bras. Et dans un pays où l’argent reste un sujet délicat et le bad boy rarement le héros de l’histoire, l’entreprise éditoriale vire donc assez vite à l’autocensure ou au casse-tête éthique (comment prouver ce que l’on avance ?). On remercierait presque Anelka pour sa franchise à la Booba. « En fait, s’épanche Mathieu Suc, nous nous sommes rapidement aperçus que le côté frais et spontané de Ribéry relevait beaucoup du coup de comm. Toutefois ce qui est incroyable, c’est la peur de parler. Même le simple patron de bar s’y refuse. Des proches de Ribébry nous ont parlé, et malgré le côté « off », leurs discours demeuraient profondément aseptisés. Des gens qui ne l’ont pas vu depuis six ans n’osaient rien dire sans son aval. Et ce n’est pas propre à ce cas précis. Après, en retour, tu retrouves toujours les mêmes bons clients comme Nicollin. » A ce rythme, on attend avec impatience de lire la fabuleuse histoire d’André-Pierre Gignac…

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Modeste M'bami