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Bradley Wright-Phillips, un prince à New York
Le meilleur buteur anglais du moment ne joue pas en Premier League, mais au New York Red Bulls. Recordman de buts marqués sur une saison de MLS, Bradley Wright-Phillips a connu une éclosion tardive après avoir longtemps écumé les pelouses de D3 anglaise.
Dans la famille Wright, il y a évidemment le père, Ian, légende d’Arsenal et longtemps meilleur buteur de l’histoire des Gunners (185 pions) jusqu’à 2005 et le doublé de Thierry Henry face au Sparta Prague. Le fils (adoptif), Shaun Wright-Phillips, plus de 200 matchs en Premier League, quelques titres nationaux et beaucoup d’accélérations sous les maillots de Manchester City, Chelsea et Queens Park Rangers. Et puis l’autre fils, Bradley Wright-Phillips. À 29 ans, BWP n’est pas le plus connu des Wright, encore moins de la famille des attaquants anglais. Pourtant, c’est bien le plus prolifique en ce moment, devant Wayne Rooney, Danny Wellbeck et Daniel Sturridge. Loin de la perfide Albion, l’attaquant enfile les buts comme des perles avec les New York Red Bulls. Pour l’heure, 31 en 36 rencontres, un record sur une saison de Major League Soccer. Ce samedi soir, Bradley Wright-Phillips aurait dû être l’arme numéro un de New York pour le retour de la finale de Conférence Est face à New England Revolution. Mais le numéro 99, buteur à l’aller (défaite 1-2 des Red Bulls), est suspendu pour un carton jaune un peu bête. Il matera son équipe tenter d’arracher une deuxième finale de MLS sans lui.
Un but toutes les 94 minutes
« Dans cinq ans, je serai un titulaire régulier avec Manchester City et meilleur buteur de Premier League. » Retour en 2005. Le jeune Bradley Wright-Phillips, qui compte déjà quelques apparitions et un but avec les Citizens à 20 ans, dévoile son plan de carrière dans une interview au magazine anglais FourFourTwo. Neuf ans plus tard, force est de constater que tout ne s’est pas déroulé comme prévu pour BWP. L’Anglais, dont la tête et le sourire n’ont pas changé depuis le centre de formation, a dû se délocaliser pour briller. Débarqué chez les Red Bulls au beau milieu de la saison à l’été 2013, il profite de la fin de l’exercice pour prendre ses marques, avant d’exploser cette saison.
Trois triplés face à Houston, Chicago et Seattle, trois doublés contre Houston, Kansas City et Montréal et une grosse poignée d’autres buts ici et là. Bref, un ratio impressionnant – un pion toutes les 94 minutes – qui aurait pu l’être encore plus. « Il loupe pas mal d’occasions avant d’en mettre une ou deux par match, explique Hassoun Camara, défenseur de l’Impact de Montréal, qui l’a croisé à trois reprises cette saison. Mais il ne se pose jamais de questions, c’est un joueur d’instinct. » « Bradley ne se démoralise jamais. Il a beau rater un face-à-face, l’action suivante, il va frapper sans tergiverser et ça va rentrer, poursuit Damien Perrinelle, son coéquipier aux Red Bulls. La dernière fois, il met un triplé, mais rate des occases faciles. L’entraîneur l’a sorti pour une standing ovation, mais il est resté sur ses échecs, à ressasser les occasions sur le banc. Il est humble et veut toujours plus. »
Arrestations, gardes à vue et concours Coca Cola
Avant de devenir cette machine à marquer, Bradley Wright-Phillips a pas mal galéré (forcément, sinon l’histoire n’est pas belle). Meilleur buteur de l’équipe réserve de Manchester City, il est rapidement promu dans une équipe première pré-pétrodollars d’Abu Dhabi qui végète dans le ventre mou de la Premier League. Au milieu de Sylvain Distin, Joey Barton et Andy Cole, Wright-Phillips joue une trentaine de matchs, mais ne marque qu’une seule fois. Bien trop peu pour entrer dans les petits papiers de Stuart Pearce, coach d’alors. En 2006, BWP est vendu à Southampton, relégué en Championship (D2 anglaise), contre 500 000 livres dont la moitié provient d’un concours pub Coca-Cola remporté par un supporter des Saints.
Dans le Sud de l’Angleterre, le Londonien côtoie Gareth Bale, Adam Lallana et surtout Nathan Dyer. En mars 2008, les deux potes sont arrêtés et placés en garde à vue. Le motif ? Ils ont volé de l’argent et des téléphones portables dans un bar de Southsea, la station balnéaire de Southampton. Trahi par les caméras de surveillance, Dyer reconnaît les faits. Il est condamné à 60 heures de TIG et doit rembourser les victimes. Wright-Phillips, lui, est relaxé, mais sanctionné sportivement par Nigel Boss, son manager. L’année suivante, rebelote, arrestation et garde à vue. Cette fois, Wright-Phillips et son coéquipier David McGoldrick sont suspectés d’avoir agressé un fan qui rentrait chez lui, alors que les deux joueurs prenaient un verre dans un bar de Southampton. Faute de preuves, l’affaire est vite classée.
De Plymouth à Manhattan
Deux événements qui lui valent une réputation de jeune talentueux et prometteur, mais tête à claques et immature. D’autant que côté terrain, ça ne marche pas mieux pour Bradley. Après Southampton, il se perd en League One, la troisième division anglaise. Plymouth Argyle, Charlton et Brentford. À chaque fois, BWP marque, honore son contrat, puis s’en va, comme un professeur vacataire au lycée Pasteur. Tout cela jusqu’au mois de juillet 2013 et son arrivée dans la Grosse Pomme donc. En bon capitaine, Thierry Henry prend immédiatement Bradley sous son aile. « Il demande beaucoup de conseils à Thierry. Il est toujours à l’écoute, il a toujours envie d’apprendre » , glisse Damien Perrinelle qui le côtoie depuis cet été. Sur le terrain, les deux attaquants se trouvent les yeux fermés. Pour preuve, la talonnade géniale de Titi pour BWP face à Washington DC en playoffs. « Henry joue dans une position reculée, presque en numéro 10, ce qui laisse beaucoup d’espace entre les lignes. Et pendant que les défenseurs sont attirés par Henry, Wright-Phillips se fait oublier sur les côtés » , explique Hassoun Camara.
Opportuniste, renard, BWP n’est pas du genre à prendre le ballon et traverser tout le terrain. Son domaine à lui, c’est la surface de réparation, et son péché mignon les reprises de volées. Le Bayern Munich a pu s’en rendre compte lors du All Star Game en août dernier lorsque BWP s’est permis de fusiller Tom Starke, la doublure de Manuel Neuer, depuis l’entrée de la surface. Un but superbe qui a fait grimper la valeur du joueur et alimenté les rumeurs de retour en Europe et surtout en Angleterre. Sur ce point, Hassoun Camara et Damien Perrinelle sont catégoriques : « En Premier League, des clubs le voudront et il marquera, c’est sûr et certain. »
Par Thomas Porlon