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Boxing Day à la française : un petit tour et puis s’en va
Initié l’an dernier pour cause de Coupe du monde hivernale, le Boxing Day ne semble finalement pas prêt de s’imposer en France. Et si les footballeurs français peuvent souffler, cela rappelle qu'une tradition ne s’invente effectivement pas dans les bureaux de la LFP.
Voici un an, deux belles journées de Ligue 1 se déroulaient durant les fêtes, les 28 et 29 décembre (et le terrible 6-1 de l’OM contre le TFC) puis le 1er et 2 janvier 2023. Cette « nouveauté » avait été pondue par les brillants cerveaux de la LFP, soucieux officiellement d’éviter que la saison 2022-2023, allongée en raison de la Coupe du monde au Qatar, ne se termine trop tard avant l’été. Plus prosaïquement, il s’agissait certainement d’un galop d’essai pour une Ligue obsédée par l’idée de customiser et rentabiliser à tout prix ses « produits phares ». Après tout, le Top 14 en rugby n’a-t-il pas lui aussi succombé aux charmes de cette tradition britannique ?
Une initiative lancée avec ce travers spécifiquement tricolore de ne pas faire la distinction entre l’inspiration et le plagiat. Bruno Genesio, entraîneur de Rennes, n’avait pas caché son dépit et avait lancé quelques piques aux instigateurs de cet enfumage : « C’est une idée de nos dirigeants. C’est une très bonne idée. J’espère qu’ils seront aux matchs, qu’ils ne seront pas à la plage en vacances, parce que ce sont eux qui ont eu cette bonne idée. […] En Angleterre, c’est une autre culture, depuis de longues années. C’est différent. » La levée de boucliers avait surpris par son ampleur, car elle dépassait cette fois le petit cercle des romantiques du ballon rond opposés au foot moderne. Les supporters avaient été jusqu’à boycotter certaines rencontres, comme ceux de Strasbourg qui appelaient sans équivoque « tous (leurs) membres, les habitués de la Tribune Ouest et les abonnés, à déserter (leur) cher stade de la Meinau ».
Un projet en décalage avec la réalité
L’échec a pu se mesurer par la fréquentation dans les tribunes ou les audiences sur Prime Video et Canal+ (même le streaming illégal aurait été en berne), au point de refroidir les ardeurs de Vincent Labrune, par ailleurs empêtré dans les négociations difficiles pour les droits télé et les polémiques autour de l’accord signé avec CVC. En outre, la problématique de la surcharge du nombre de matchs, qui ne risque pas de s’arrêter avec la Coupe du monde des clubs et la nouvelle formule de la Ligue des champions, a pris un peu d’ampleur ces derniers temps. Bref, le choc du réel a dû faire comprendre que l’héritage de nos amis d’outre-Manche, qui remonte aux années 1860 du côté de Sheffield, ne pouvait se plaquer de la sorte artificiellement chez les « Gaulois réfractaires ». La trêve des confiseurs et des crampons dans l’Hexagone fait également et finalement du bien. Nous sommes, il est vrai, désormais plutôt confrontés à une surdose de matchs en flux tendu le reste du temps qu’à une stratégie de la rareté. Et, par ailleurs, il sera toujours possible de regarder ce mercredi Manchester City se déplacer sur la pelouse d’Everton. Laissons aux Anglais leur spécificité, quitte à les envier un peu.
Toutefois, cette affaire de Boxing Day souligne un vide évident dans notre culture foot. Il manque cruellement chez nous d’un moment de cet acabit, où le calendrier du foot s’accorde avec celui de la nation. La généralisation des matchs en semaine ou les horaires de plus en plus farfelus (il faut paraît-il séduire le marché asiatique pour gonfler les droits internationaux) s’éloignent déjà du rythme du monde du travail. Une tradition ne s’invente certes pas, à l’instar d’un plan marketing. Cependant, le foot français n’a-t-il pas la capacité ou l’imagination suffisante pour façonner ses signes distinctifs ?
Par Nicolas Kssis-Martov