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Boutobba : « Quitter l’OM, ça m’a fait mal »
Lancé par Marcelo Bielsa qui lui avait fait confiance à 16 ans, 3 mois et 15 jours pour l'afficher comme le plus jeune joueur de l'histoire de l'OM à évoluer en L1, Bilal Boutobba a longtemps attendu une suite sous l'ère Passi. Cantonné à la CFA, il a fini par snober le contrat professionnel que lui proposait l'OM pour rejoindre en juillet dernier le FC Séville, contrat de quatre ans à la clé. Depuis La Réunion, où il a été invité à participer au match de gala qu'y organisait Dimitri Payet, le milieu raconte sa première année passée avec la réserve du club andalou. Entre prise de conscience et espoirs.
Qu’est-ce que tu veux retenir de cette première saison au FC Séville ?Ça a été une année très difficile. J’ai eu peu de temps de jeu. Il y avait aussi le rythme des entraînements auquel je n’étais pas habitué. La chaleur à gérer. Et puis en partant à Séville, j’ai laissé des amis. Mais j’ai appris beaucoup de choses : dans la dimension mentale par exemple. J’ai aussi appris la patience. Alors même si j’ai peu joué, je veux me dire que ça restera une bonne année.
Deux matchs en Youth League, onze apparitions en réserve : c’est frustrant ? Il faut garder à l’esprit que la réserve, c’est niveau Ligue 2.
Et ça, c’est déjà bien. En France, un club de Ligue 1 n’a pas le droit de présenter une réserve en Ligue 2 : c’est CFA ou CFA2. En Espagne, ça peut être Ligue 2 et c’est un bon niveau de jeu. Moi j’ai vu des différences avec la L1 : le jeu, l’intensité au pressing. Pour moi, c’est plus dur au niveau du rythme. Techniquement aussi.
T’as un sentiment de progression ? Oui, j’ai progressé : dans ma capacité à aller au pressing, dans ma vision du jeu. Même si j’ai peu joué, j’ai carburé à l’entraînement et je sens que j’ai progressé. Après, vu mon faible temps de jeu, il me manque du rythme. Mais ça va venir.
Tu t’es entraîné sous les ordres de Sampaoli ?Au début oui, je me suis entraîné avec l’équipe première, mais vu qu’il y avait beaucoup de monde, ils m’ont fait redescendre avec l’équipe réserve pour que je m’adapte mieux au jeu, à la langue. J’y suis finalement resté toute l’année. Mais l’année prochaine, même si je vais débuter avec la réserve, je pense au fil du temps pouvoir intégrer la première. Je vais tout faire pour, en tout cas.
Tu étais sous les ordres de Diego Martinez qui va entraîner l’an prochain Osasuna : sur quoi insistait-il ?Travail, travail, travail. Il n’avait que ce mot à la bouche. Il fallait en passer par beaucoup de courses. Il y avait beaucoup de boulot avec ballon même s’il pouvait aussi s’en passer. Le contenu de ses entraînements, c’était surtout beaucoup de jeu. Avec Bielsa, c’était comme ça. Mais au sein d’une équipe réserve, je n’ai jamais connu ça. Je n’ai jamais vu ça nulle part. C’était un niveau au-dessus.
Tu te dis que le club a tenu ses promesses avec toi ? Je ne me pose pas la question. Le club compte sur moi. Je fais confiance aux hommes en place. C’est à moi de prouver de toute façon. C’est moi le joueur. C’est à moi de travailler pour réussir.
En quoi l’Espagne a changé le joueur que tu es ?Je me suis endurci mentalement. Partir là-bas, ça m’a fait gagner en maturité. Dans ma vie quotidienne comme dans le football. Je suis plus pro qu’avant. Avec Martinez, il fallait rester droit. Il ne laisse passer aucune bêtise ni à l’entraînement ni en dehors. Il m’a beaucoup parlé. Son discours c’était : « Tu as du talent, tu es fort, mais ça ne suffit pas. » Même si je ne jouais pas, il m’encourageait.
Tu as pu côtoyer les autres Français du FC Séville ?Oui, Gameiro en début de saison avant qu’il ne parte. Trémoulinas aussi. Et puis surtout Steven N’Zonzi. C’était comme mon grand frère là-bas. Il m’a beaucoup aidé. C’était important. Il était là pour me conseiller sur la ville, le club, les gens à suivre.
Monchi est parti, Sampaoli aussi. Ça ne te fait pas réfléchir du tout ?Même pas. Sampaoli, il venait me parler, mais je n’ai pas joué sous ses ordres, alors je ne peux pas dire que son départ me met en difficulté.
Eduardo Berizzo qui va remplacer Sampaoli, tu en penses quoi ?Je sais qu’il a joué à l’OM, mais pas grand-chose d’autre de lui. Il a entraîné Vigo, mais je n’ai pas eu d’échos de joueurs sur l’entraîneur qu’il est. On verra.
Tours s’était intéressé à toi cet hiver. D’autres clubs français sont-ils revenus vers toi ?Non. Cet hiver, Tours, ça aurait pu être bien.
La possibilité de bénéficier de davantage de temps de jeu, c’était intéressant. Maintenant, je ne me pose pas de question sur une possibilité de prêt ou autre. Je vais reprendre avec Séville et on verra après. Je vais tout faire pour jouer. Ça peut être différent maintenant que j’ai vu comment le club fonctionnait et que j’ai compris beaucoup de choses.
Comment, depuis l’Espagne, as-tu vécu cette saison de Ligue 1 et l’émergence à Marseille de ton ancien coéquipier Maxime Lopez ?Je suis vraiment content pour lui. Je dois prendre exemple sur Maxime maintenant : il a galéré pendant deux ou trois ans. Il ne jouait pas, mais il n’a pas abandonné. Il a cravaché, il a eu de la patience…
Et voir Mbappé, que tu côtoyais en équipe de France, à ce niveau-là ?Pareil. Il jouait avec les U19, il se donnait à fond, il a eu sa chance et il a su la saisir. Maintenant, c’est l’un des meilleurs. Je suis content pour lui.
Tu as eu quel regard sur les changements intervenus à Marseille : le rachat, un nouveau président.Sincèrement, je suis content pour les Marseillais après les difficultés de l’année précédente. Même si c’était toujours l’OM, c’était la galère. Là, on voit qu’il y a quelque chose qui s’est passé. J’espère que l’an prochain, ils vont réussir.
Bielsa à Lille, tu attends ça avec impatience ?J’ai vu ça. Je vais suivre. C’est un coach qui m’a fait confiance, qui faisait confiance aux jeunes. Il aime lancer des joueurs. Il a donné une chance à plusieurs d’entre nous.
C’est un bon coach. C’était dommage de le voir partir. Mais je ne vais pas dire que je lui en ai voulu. Il avait ses raisons. Ce n’était pas mon problème. Il reste des petits regrets. Parce que je me dis que j’aurais pu jouer davantage. Mais ça aurait aussi pu être le cas avec un autre. C’est surtout qu’après, il s’est passé des choses : j’ai été mis à l’écart par rapport à un problème (refus de signer son premier contrat professionnel, ndlr) Voilà. Maintenant, c’est du passé tout ça.
Pancho Abardonado disait à SoFoot.com que les Marseillais avaient « la haine que tu n’aies pas signé chez eux » … Parce que je suis un Marseillais, que j’ai grandi là, que j’ai été formé à l’OM. Je peux comprendre les gens qui disent ça : ils aiment l’OM comme je l’aime. Quitter l’OM, ça m’a fait mal, mais j’étais obligé de partir par rapport au club et ses problèmes. Je ne pouvais pas savoir comment les choses allaient se passer ensuite.
Voir que Dimitri Payet, Florian Thauvin sont revenus, ça donne des idées ?Forcément. C’est beau ce qu’ils ont fait. Je n’ai même pas les mots pour décrire la saison que vient de faire Thauvin pour son retour. Pareil pour Payet. Et puis ils n’étaient pas seuls : cette année, on a vu Maxime Lopez, Rolando. C’est un truc de fou.
Tout au long de la saison, tu as continué à être appelé en équipe de France U19 : comment as-tu vécu ces convocations ? C’était à chaque fois la chance d’avoir du temps de jeu, de retrouver le rythme. Pour moi, c’était vraiment bénéfique. C’était toujours un bon moment avec l’équipe de France, même le tournoi de Toulon où on n’a pas réussi à se qualifier en demi-finales.
En équipe de France U19, il y avait de l’intérêt pour ton expérience au FC Séville ?On m’a posé des questions. Bon, je n’ai pas été harcelé non plus, mais mon choix a été suivi : je suis quand même resté neuf années à l’OM et je suis parti à l’étranger… Surtout que ça a été difficile au début. Mais ça y est, j’ai passé une année, je parle espagnol, je comprends tout, j’ai travaillé. J’attends la reprise avec impatience. C’est prévu le 10 juillet et je me languis…
Par Grégory Letort, à Saint-Pierre (La Réunion)