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Bouna Sarr, viser la lune
Tête de Turc du public marseillais pendant des mois, Bouna Sarr est en train de devenir une des coqueluches du Vélodrome, grâce à un repositionnement surprenant, mais payant au poste de latéral droit. Mais quel est son potentiel réel à ce poste ?
« Mon premier objectif est d’être bon avec Marseille. J’ai reçu des messages. On m’en a parlé aujourd’hui, mais ce n’est pas une chose à laquelle je prête attention pour le moment. Vous savez très bien que je reviens de loin. Je préfère donc continuer à me concentrer sur mes performances en club. Rien n’est impossible dans la vie. Il faut que je continue à bosser. » Oui, oui, nous vivons une époque où Bouna Sarr doit répondre aux rumeurs l’envoyant bientôt en équipe de France. Vendredi dernier, après son gros match contre Saint-Étienne récompensé par une passe décisive pour Morgan Sanson, L’Équipe indiquait que le staff de Didier Deschamps et des Bleus le suivait de très près en vue d’une future sélection avec les Bleus. Une information farfelue aux yeux de certains observateurs, pas tant que ça aux yeux des supporters marseillais, désormais pris d’affection pour ce joueur autrefois raillé qui aurait dû partir depuis longtemps. Mais jusqu’où peut aller Bouna Sarr ?
Une reconversion sortie de nulle part
Cet été, après une saison entière à devoir composer avec le seul Hiroki Sakai au poste d’arrière droit, l’Olympique de Marseille s’est mis en tête de trouver un autre latéral pour soulager le Japonais. Mais l’OM ne trouve jamais son bonheur sur le marché des transferts, et Rudi Garcia doit improviser. C’est Bouna Sarr qui est repositionné latéral droit qui devra être la doublure de Sakai. Bouna Sarr, l’ailier inefficace, moqué par bon nombre de fans marseillais. « Il a toutes les qualités pour jouer là. Ça peut être un latéral offensif, il se replace bien, a la capacité de faire des allers-retours. En l’absence d’Hiroki, on peut développer Bouna à ce poste » , justifie alors l’entraîneur marseillais en début de saison. Bien vu. Bouna progresse à toute vitesse, fait valoir ses qualités de contre-attaquant et impressionne même défensivement dans ses tacles et ses un-contre-un. Au point que Rudi Garcia ose aujourd’hui le comparer à Alessandro Florenzi, ancien milieu reconverti latéral, qu’il a dirigé à la Roma.
« Cette reconversion me surprend énormément. À 19 ans, il était très porté vers l’offensive en tant que milieu, et les tâches défensives ne l’interpellaient pas du tout, concède Albert Cartier, son ancien coach à Metz. C’est un vrai bouleversement dans son profil, spectaculaire, mais réussi. » Pas irréprochable sur les replis défensifs, pas toujours bien placé lorsqu’il faut rentrer dans le bloc, Bouna Sarr se serait donc transformé comme par magie en six mois à peine. Pour Albert Cartier, l’explication tient en trois points : « D’abord, c’est grâce à la connaissance d’un entraîneur expert, Rudi Garcia, qui a su déceler ce potentiel et interpréter ses caractéristiques. Ensuite, Marseille joue un football de possession avec des joueurs excentrés qui rentrent énormément à l’intérieur. Ça lui sied parfaitement, ça lui laisse des boulevards pour enchaîner les courses. Et enfin, Bouna est un joueur très intelligent et surtout très ambitieux. »
De la place chez les Bleus ?
Au moment où Rudi Garcia lui a appris qu’il jouerait à ce nouveau poste, l’ancien Messin n’a pas bronché. Mieux vaut faire une croix sur un poste plus valorisant et qu’il affectionne vraiment, si c’est la condition pour réussir à l’OM. « Il a toujours été très à l’écoute et a une vraie soif de réussir en Ligue 1. C’est un garçon qui a souffert et qui s’est construit dans la difficulté. Il a su saisir l’opportunité de devenir un joueur important de l’OM, ce qui n’était pas gagné » , abonde Cartier. Depuis la blessure de Jordan Amavi, il a même pu enchaîner les matchs, sept disputés en intégralité. Mais Amavi va rapidement retrouver sa place de titulaire à gauche. Retour à la normale, avec une concurrence entre Sakai et Sarr dans le couloir droit. Sauf que la hiérarchie risque d’être moins claire maintenant. En tout cas, elle sera complémentaire. Lors des matchs à domicile où l’OM est dans l’obligation de faire le jeu et de s’imposer, Sarr est un élément important pour apporter le surnombre. Et à l’inverse, lorsqu’il faudra un guerrier dans des matchs plus compliqués, à l’extérieur ou contre les gros par exemple, Sakai apportera plus de garantie.
Admettons que Bouna continue à progresser de manière spectaculaire et s’impose comme un titulaire indiscutable avec l’OM. Pourrait-il prétendre à une place en équipe de France ? Derrière l’indéboulonnable Djibril Sidibé, joueur le plus utilisé par Deschamps lors des éliminatoires, c’est la pénurie. Jallet ? Le divin chauve joue à gauche à Nice entre deux blessures. Pavard ? Titulaire à Stuttgart, mais dans l’axe. Corchia ? Banquette à Séville. Sagna et Debuchy ? Pré-retraite. « Je préfère donner sans promettre que promettre sans donner. Je pense qu’il ne faut pas brûler les étapes, tempère Cartier. Qu’il continue à travailler, et les choses continueront à avancer. S’il prend de l’envergure dans un club comme Marseille, il commencera à toucher le très haut niveau. Et pourquoi pas penser à l’équipe de France. » L’opération Bouna en Russie est lancée.
Par Kevin Charnay
Propos d'Albert Cartier recueillis par KC