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Bouna Sarr, la langue et les jambes
Arrivé à l’OM cet été, Bouna Sarr devrait encore être remplaçant contre Bordeaux. Une habitude cette saison. Mais l’ancien de Metz garde confiance en lui et le fait savoir, devant la presse comme sur la pelouse. Un tempérament entrevu pendant son enfance.
« J’attends simplement d’avoir ma chance. La meilleure façon de prouver, c’est sur le terrain. Pour être bon, il faut que j’enchaîne les matchs.(…)Franck Passi m’a dit de retrouver cette folie que j’avais pu avoir pendant la préparation. Mais pour montrer ce grain de folie, il faut que j’ai du temps de jeu. » En conférence de presse, Bouna Sarr joue franc jeu. Regard soutenu, ton assuré, mots soigneusement choisis, le Franco-Guinéen souhaite faire passer son message. Avec politesse oui, mais aussi avec détermination. Ce mardi 15 décembre, le jeune homme de 23 ans sait qu’il va enfin jouer le soir même contre Bourg-en-Bresse, en 8es de finale de Coupe de la Ligue. Mais plus qu’un acte de présence, ce point presse lui sert surtout à évoquer son mécontentement : celui, classique, de rester scotché au banc.
La langue pendue…
Car voilà, après une bonne préparation réalisée avec Bielsa, Michel a remplacé au pied levé le commandant Loco pour s’occuper du navire olympien. Résultat : celui qui est arrivé à l’OM un peu avant l’Espagnol repart de zéro et doit refaire ses preuves pour espérer croquer quelques titularisations en Ligue 1. « Malheureusement, dans le foot, il y a certaines choses qu’on ne contrôle pas, comme un changement de coach, explique le bonhomme, lucide. En venant ici, Michel ne me connaissait pas forcément et ce que j’ai fait pendant la préparation n’a pas été pris en compte. J’essaie de lui montrer mes qualités et ce dont je suis capable. » Pas suffisant pour le moment, puisque Sarr n’est apparu que deux fois dans le onze de départ et plafonne à 372 petites minutes disputées, toutes compétitions confondues.
… et des jambes qui suivent
Mais en réclamant ouvertement davantage de considération, le Rhodanien se met en porte-à-faux et ne peut pas se permettre de décevoir quand il se trouve sur la pelouse. Sauf que Bouna en a dans le slip : quelques heures seulement après sa conf’ et sa revendication, le milieu offensif ouvre le score dès la 13e minute contre Bourg, son deuxième but depuis le début de la saison. Au-delà du pion, Sarr se montre percutant et participe activement à la qualif’ de son équipe. Une assurance qui pourrait donner des idées à Michel. Et qui ne date pas d’hier. « Il a toujours su prendre ses responsabilités, éclaire Giovannone Joseph, président du FC Gerland, où Bouna Sarr a fait ses premiers pas de 6 à 13 ans. C’était le patron dans nos équipes et il ne décevait jamais. Pareil quand il a gagné la Gambardella avec Metz. Il était même capitaine. Quand il faut être là, il répond présent. » Au vrai, ce n’est pas la première fois que l’ancien de Metz l’ouvre pour crier ce qu’il pense et emprunter des voies dangereuses. C’est même ancré dans le personnage. Appelé par la Guinée pour la CAN 2014 grâce à ses bonnes perfs avec le club lorrain, Bouna Sarr refuse net la « proposition » pour se consacrer à son club. Un choix qu’il assume encore en août dans les colonnes de L’Équipe : « Si j’avais été à la CAN en janvier dernier, je ne serais pas à l’OM. C’est la meilleure décision de ma carrière. Cela m’a permis d’avoir plus de temps de jeu et de me montrer en deuxième partie de saison. »
Sarr vs Luis
La langue bien pendue, Bouna Sarr s’est ainsi frité avec Luis Fernandez par médias interposés l’été dernier, le sélectionneur post-CAN du pays africain lui reprochant de ne pas tenir une prétendue promesse. « Il m’a donné sa parole, puis plus de nouvelles, avant de mettre une photo de lui sur Twitter pendant ses vacances, alors qu’on était en stage… » , attaque Luis dans La Provence. « Ça dénote son intelligence et son état d’esprit.(…)Tant que je serai sélectionneur de la Guinée, il ne sera plus appelé. Il paraît qu’il a des qualités, mais ce n’est pas seulement sur le terrain qu’il faut les démontrer. » Loin de se démonter, le joueur réplique dans le même journal deux semaines plus tard : « Je ne lui ai jamais dit que j’allais venir en stage. Je lui ai fait part de mon intérêt, en fonction de mes racines familiales, mais sans m’engager pour ce stage, plutôt en réfléchissant pour le suivant, comme j’ai refusé d’aller à la CAN pour me concentrer sur mon club.(…)Les gens qui me connaissent, notamment à Metz, savent que je suis droit et que toute cette histoire n’est qu’un malentendu. » Une réaction cohérente selon le président de son premier club formateur, pour qui « Bouna est un bon gars, bien éduqué, pas le genre à faire des histoires. Je n’ai jamais eu un seul souci avec lui quand il était gamin. Son père est venu me voir l’autre jour et je peux vous dire qu’il a dû se passer quelque chose d’autre pour que le gamin réponde de la sorte. » En tout cas, avant que les mauvaises langues se délient à coup sûr, il ne faut pas trop attendre de Bouna Sarr qu’il mette la sienne dans sa poche. Ou qu’il la transforme en bois. Tant que ses jambes ne le trahissent pas…
Par Florian Cadu