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Bordeaux : tragédie d’une trajectoire

Par Nelio Da Silva et Mathias Edwards

91 buts encaissés, 31 points ramassés, une différence de buts de -39, 100 cartons jaunes récoltés et une évidente dernière place en Ligue 1. La saison 2021-2022 des Girondins de Bordeaux fut catastrophique à un niveau historique. À tel point que nous avons décidé d'en rire, en revenant sur les événements marquants d'un exercice qui restera dans les annales. Avec aux commentaires le stand-upper Nordine Ganso et le rappeur/acteur Sam's, tous deux bordelais et dingues des Girondins qu'ils connaissent par cœur.

#1 - Juin-Juillet

Juin-Juillet : « Au moins, on va en Ligue 2 avec un beau logo »

Le tribunal de commerce de Bordeaux valide la reprise du club par Gérard Lopez, qui devient président-propriétaire des Girondins. D’emblée, l’Hispano-Luxembourgeois précise dans les colonnes du Monde que « ce n’est pas une reprise, c’est une opération sauvetage » . El Salvador ne manque pas d’ambition et déclare vouloir « jouer l’Europe » d’ici trois ans. En parallèle, il négocie avec lui-même les arrivées de Ricardo Mangas et Alberth Elis, en provenance de Boavista, dont il est également propriétaire, tout en affirmant tabler sur « neuf ou dix arrivées » . Vladimir Petković est nommé entraîneur. La vidéo de présentation du club le met en scène comme l’homme qui a sorti les Bleus du dernier Euro.

Vidéo

L’ancien sélectionneur de la Nati n’a plus entraîné un club depuis 2014, mais pas de panique : « J’ai fait 45 jours de préparation quotidienne pendant l’Euro » , explique-t-il à Sud Ouest. L’Helvète se voit proposer un contrat en or à 280 000 euros net par mois sur trois saisons. Question marketing, Lopez maîtrise l’art de la punchline : « On ne va pas revenir à l’ancien logo des Girondins de Bordeaux, on va revenir au logo des Girondins de Bordeaux. » Le logo « historique » remplace donc l’immondice instaurée par GACP partout, sauf sur les maillots pour une histoire de délais.

Nordine Ganso : « Le vrai logo est raffiné et petit. Là, les Américains nous avaient pondu un truc… On aurait dit un iPhone 13 ! T’imagines si on avait eu ce nouveau logo pour aller en Ligue 2, ça aurait fait trop mal. Là, au moins, on va en Ligue 2 avec un beau logo. Ce sont vraiment les Girondins qui vont en Ligue 2. »

Sam’s : « Gérard Lopez est arrivé en remettant le nouveau logo et en se disant : « Comme ça, on ne va pas me casser les couilles. » Mais quand j’ai entendu ça, pfffffff… Il sait parler à la populace, il a été bien formé. Ce qui m’énerve, c’est cette nouvelle mode, que j’appelle « la mode PSG ». Ils sont super forts en communication, mais ça reste le PSG. Ce sont les Qataris et ils ont des objectifs. La communication va avec le prestige de la ville et du club. Ils se sont dit : « À Bordeaux, on va jouer sur la com. » Mais Bordeaux, ces cinq dernières années, ça ne fait pas rêver. »

#2 - Août

Août : « Miami en tente Quechua »

La suite de l’été bordelais est rythmée par un mercato pressé par le temps et aussi par les contraintes budgétaires : obligation de ventes et masse salariale encadrée. Sur les neuf millions d’euros investis, près de la moitié le sera sur le Brésilien Fransérgio. Déjà en perte de vitesse à Braga, le milieu de terrain apparaît comme le plus gros fiasco du début de l’ère Lopez, tous mercatos confondus, avec une seule passe décisive en 26 matchs de championnat. En parallèle, les Girondins prouvent qu’ils savent accueillir, en s’inclinant 0-2 face au puceau clermontois, dès la première journée de Ligue 1. Aussi, le 27 août, Marouane Chamakh vient rendre visite au Haillan : « Ça faisait onze ans que je n’étais pas revenu, ça m’a fait chaud au cœur parce que ce sont pratiquement les meilleurs souvenirs que j’ai de ma carrière. Je me demande comment j’ai fait pour mettre autant de temps avant de revenir ici. » Quand on sait la suite de la saison, cela aurait pu peut-être attendre un an de plus.

Nordine Ganso : « Il voulait jouer l’Europe en trois ans, mais pour l’instant, c’est plus la LDC 2 BKT. C’est triste, mais depuis cinq ou six ans, ce n’est plus du tout ça. On recrute des joueurs qu’on ne connaît pas. »

Sam’s : « Tu ne peux pas prendre des Petković et des gens inconnus au bataillon en disant : « Ne vous inquiétez pas, ça va bien se passer. » Si je n’ai pas d’argent pour aller en vacances à Miami, je vais au Cap-Ferret, ça va m’aller et je vais passer de bonnes vacances. Je ne vais pas me prendre un billet et arriver en Floride en faisant semblant d’être au top, alors que je vais dormir dans une tente Quechua. »

#3 - Septembre

Septembre : « Heureusement qu’ils jouent à Bordeaux, où il n’y a que deux boîtes »

Après cinq premières journées sans victoire, les Girondins arrachent leur premier succès (1-2) sur une pelouse de Saint-Étienne complètement détrempée. Dans le temps additionnel, Harold Moukoudi pense égaliser, mais une flaque d’eau ralentit la balle. Bien que le mercato soit terminé, Gérard Lopez tient enfin son attaquant capable de « garder le ballon » auquel il tient tant depuis son arrivée : M’Baye Niang signe en tant que joker. «  Bordeaux, c’était mon choix numéro un. J’ai eu des propositions alléchantes. C’est vraiment un projet que je voulais connaître. » Il ne marquera que 3 buts en 26 apparitions en Ligue 1, ce qui ne l’empêchera pas d’occuper l’espace médiatique.

Nordine Ganso : « J’ai cru comprendre qu’il y avait des petits nighters dans l’effectif. J’en ai déjà croisé, mais dans d’autres contextes. Ils ont une vie et ont le droit de sortir, mais après, faut que ça reste cohérent. Sur le terrain, tu dois être irréprochable. En 2009, Diawara sortait tous les week-ends, mais on a été champions de France. Finalement, je me dis : heureusement qu’ils jouent à Bordeaux, où il n’y a que deux boîtes. Si on était à Paris, on en aurait perdu plein. On serait en National, je pense. »

#4 - Octobre-Novembre

Octobre-Novembre : « Une équipe de 20 minutes »

En octobre, l’institution Girondins de Bordeaux fête ses 140 ans. Pour l’occasion, le club présente un maillot collector rouge orné du « vrai logo » . Si le club omnisport des Girondins de Bordeaux souffle bien sa 140e bougie, la section foot n’a été fondée qu’en 1910. Il aurait été plus approprié de présenter un maillot de bain des 140 ans. Début novembre, les Girondins accueillent le PSG et son armada de stars. Forcément, les ventes de places grimpent en flèche, et le stade affiche complet pour voir Messi gambader depuis les tribunes du Matmut. Mais voilà, une « gêne musculaire » empêche l’Argentin d’être présent. 42 000 personnes devront donc se contenter de Julian Draxler sur le côté droit. Questionné au sujet de l’absence de l’ex-Barcelonais au micro de Canal+, Yacine Adli répond : « Cela change quelque chose pour les gens qui ont payé pour le voir. » Difficile de ne pas lui donner raison. Après la rencontre (défaite des Girondins, 2-3), Thierry Henry l’invite à songer aux Bleus. En réponse, l’ancien Parisien ose une petite vanne au champion du monde 1998 : « On apprend toujours des moments durs. Aujourd’hui, on est encore un peu dans cette situation, même si on est en reconstruction et qu’on a besoin de temps. Mais inutile de vous rappeler que le temps n’a pas de temps pour le temps. »

Nordine Ganso : « J’ai de la chance de pouvoir être bien placé au stade, là, j’aurais pu avoir Messi à côté de moi. Loupé ! »

Sam’s : « C’est pendant le match contre Paris que je me suis dit que c’était une équipe de 20 minutes. Il y a toujours 20 minutes où les mecs sont dedans, mais avant ou après, c’est la merde. »

#5 - Décembre

Décembre : « Bordeaux, une grosse kichta »

Le meilleur et le pire pour ce mois de décembre. Le 1er du mois, les Marine et Blanc vont en prendre cinq à Strasbourg (5-2) avant de réaliser ce qui sera sûrement leur meilleur match de la saison face à Lyon cinq jours plus tard (2-2). Moins de deux semaines après, les Girondins accueillent les Jumeaux de M’Zouasia, un club de R1 mahorais. Après leur voyage de près de 8000 kilomètres, les joueurs de l’AS Jumeaux profitent de leur passage en métropole pour visiter la ville et se prendre en photo place de la Victoire.



Dans un entretien accordé à ARL, Kami Alonzo, le président du club, raconte : « On a notre entraîneur adjoint (Belhadj Cheick Ahmed, NDLR) qui a connu le centre de formation de Bordeaux, il avait fait quelques tests et il a même été ramasseur de balles à Chaban-Delmas. » Ce soir-là, c’est le gardien mahorais, Harouna Moussa, qui en ramassera le plus. La bande à Petković ne réserve pas vraiment le même accueil qu’aux Clermontois et en inflige dix aux amateurs. Le jour de son anniversaire, M’Baye Niang y va de son quadruplé : deux choses à fêter après le match. Trois jours plus tard, les Girondins s’écroulent en toute fin de rencontre face au LOSC (2-3) à domicile. À la trêve, les Girondins sont 16es de Ligue 1 avec seulement 3 victoires.

Sam’s : « Il ne faut pas oublier Admar Lopes (le directeur technique du club, NDLR), qui fait partie de la carotte. C’est comme partout, même dans la musique quand un mec reprend un label en disant à ses potes : « Il y a une grosse kichta là, allez venez on fait nos trucs et on voit ! » En arrivant, lui, il se disait « Ils sont dans le ventre mou, on les fait un peu monter, peut-être même devenir européens. » Et en fait, il arrive et il dit : « Le mercato, on sait faire… » Mais qu’est-ce que tu racontes ?! Dans le foot, c’est simple : les belles phrases c’est beau, mais ce sont les résultats qui comptent. Je n’ai jamais entendu qu’il avait fait des gros coups, lui, dans le football. Je ne l’ai connu que quand Lopez l’a amené. Donc quand il dit : « Le mercato, on sait faire », beh non en fait. En fait, c’est de la poudre de perlimpinpin. Ils sont arrivés avec de belles phrases, alors les gens se sont dit : « Ok, alors cool », alors que voilà. On surnomme Bordeaux « La Belle Endormie » et c’est justifié. On peut dire ce qu’on veut, mais à Marseille, le mec il ne fait pas le coup, à Lyon pareil. Même à Nice, ça, tu ne le fais pas. À Saint-Étienne, même s’ils sont dans la merde aussi, tu ne fais pas un coup comme ça. Tu ne balances pas de la poudre aux gens et tout le monde dit :« Ok, on va voir. » »

Noredine Ganso : « Une fois, j’ai fait une première partie qui peut s’apparenter à la saison des Girondins. C’était vraiment le néant. J’étais en Ligue 2 ce jour-là. Déjà, j’étais à La Rochelle, quand t’es à La Rochelle, t’es en Ligue 2. Aucune blague ne passait. C’était la première partie de Damso, mais il y avait des gens qui ne voulaient même plus aller au concert. »

#6 - Janvier

Janvier : « Quand on s’enfonce dans la connerie, il n’y a plus frein, c’est la roue libre »

Gros début d’année pour les Girondins, lourdement touchés par l’épidémie de Covid. Au total, 21 joueurs seront déclarés positifs entre la fin décembre et début janvier. Le club a beau tout faire pour pousser la Ligue et la Fédération à reporter la rencontre de Coupe de France face à Brest et la réception de Marseille, il n’en sera rien. Les Bordelais s’inclinent logiquement en Armorique (3-0) avec une équipe essentiellement composée de réservistes, et surtout face à l’OM (0-1) pour la première fois depuis 1977 avec des joueurs pas totalement rétablis. Les supporters crient à l’injustice, sans savoir que le club et les joueurs ne sont pas franchement exempts de tout reproche. Mi-décembre, en stage à Clairefontaine, une partie de l’effectif en profite pour se faire un « Paris by night » . De retour à Bordeaux, tout ce petit monde se réunit à nouveau dans un restaurant pour le traditionnel repas de Noël. Alors que les premiers cas de Covid sont détectés, le club autorise tout de même M’Baye Niang à célébrer ses 27 ans dans un restaurant de Mérignac, à condition que les festivités prennent fin à 22h30, selon une information de Sud Ouest. La boum, auxquelles plusieurs joueurs de l’effectif participent, se terminera après 4 heures du matin malgré l’annulation d’un concert privé de MHD. Le bouc émissaire de cet épisode catastrophique sera Thierry Delmeule, le médecin du club, qui sera écarté de l’équipe première.



La défaite face à Marseille du 7 janvier ne sera pas sans conséquence, elle aussi. Quatre jours plus tard, Laurent Koscielny, Josh Maja, Samuel Kalu, Otavio, Mehdi Zerkane et Paul Baysse sont écartés de l’équipe première. Accusé d’être le défenseur le plus impliqué sur les buts encaissés par Bordeaux, capitaine Kos’ se voit signifier qu’il ne jouera plus pour les Girondins, et est recasé à un improbable poste d’ambassadeur du club tout en gardant son salaire de joueur (près de 300 000 euros mensuels). Otavio, Maja et Kalu sont transférés, Baysse est averti qu’il ne jouera pas cette saison et Zerkane accusé d’avoir fourni un faux test positif pour ne pas jouer le match de coupe face à Brest, ce qu’il a toujours démenti. Autre conséquence du but de Cengiz Ünder au Matmut-Atlantique, le partenariat entre les Girondins et Winamax est résilié. « On attend d’un sponsor qu’il nous soutienne, explique Thomas Jacquemier, directeur général délégué du club, dans les colonnes de L’Équipe. On a de l’humour, mais ce n’était pas l’esprit d’un partenariat. Les principes du contrat n’ont pas été respectés. » À la suite du match, l’opérateur de paris sportifs avait tweeté : « Pas de temps à perdre à Bordeaux : les joueurs ont repris le chemin de l’entraînement afin de tenter de conserver leur invincibilité d’un an face à l’OM la saison prochaine. »



Deux jours plus tard, les Girondins sans Winamax sur le maillot fournissent encore de la matière pour se faire chambrer en revenant de Rennes avec un 6-0 dans les valises. Autant que le score, ce sont les déclarations d’après-match qui font mal. Vladimir Petković fait parler son horoscope : « Je suis Lion, c’est mon signe dans l’horoscope, et une de mes caractéristiques est de ne jamais rien lâcher » , tandis que Bruno Genesio plante le 7e but en déclarant qu’il « faut relativiser par rapport à l’adversaire » .

« Le problème de Bordeaux, c’est que la direction a essayé de trouver un coupable, plutôt que de trouver des solutions. » Sam’s

En toute fin de mercato, Bordeaux présente quatre recrues : Danylo Ignatenko, Marcelo, Anel Ahmedhodžić et Josuha Guilavogui. Intronisé capitaine, ce dernier déclare qu’il « y a une pression positive. Celle qui fait qu’on va donner le maximum, qu’on va briller. Et c’est celle-ci qui va faire qu’on puisse réussir l’opération de maintien. » Pour fêter cela, les Girondins rentrent de Reims avec un 5-0 dans la musette.

Nordine Ganso : « Quand Bordeaux a perdu contre l’OM, j’étais en mode : « Bon beh on a perdu le seul truc qui nous tenait à cœur », même si c’était prévisible. Là, on n’est pas près d’en revoir, des Bordeaux-Marseille. Il faudrait relancer une série d’invincibilité contre un club de Ligue 2. Le peuple bordelais est tellement facile qu’on arriverait à être fier de ça, alors qu’en vrai, c’est éclaté. »

Sam’s : « C’est incroyable d’avoir 21 joueurs touchés par le Covid. C’est la seule équipe de Ligue 1 à qui c’est arrivé. Quand t’es footballeur professionnel, t’es super bien payé pour jouer, donc en période de Covid, tu sors pas. La défaite contre Marseille, ça a confirmé que c’était la merde. Il n’y avait plus rien à espérer. Franchement, je ne pensais pas qu’on allait toucher le fond comme ça. Après, tu vires Koscielny de façon honteuse. C’est là que je dis qu’il y avait un problème entre les joueurs et la direction. Le problème de Bordeaux, c’est que la direction a essayé de trouver un coupable, plutôt que de trouver des solutions. L’histoire avec Winamax, c’est la clownerie à son paroxysme. Quand on s’enfonce dans la connerie, il n’y a plus de frein, c’est la roue libre. Le mercato de janvier n’était pas si mauvais, mais tu aurais pu prendre Neymar ou Mbappé, à ce moment-là c’était trop tard pour remettre le bateau à flot, même si je ne m’attendais pas à ce qu’il coule autant. »

#7 - Février

Février : « Guion, c’est une rustine »

À la suite de la manita rémoise, Vladimir Petković est à son tour écarté le 7 février. En 23 matchs de Ligue 1, le Sarajévien aura pris en moyenne 0,87 point par rencontre. C’est très peu, mais David Guion, nommé le 18 février, parviendra à faire pire en ne ramassant que 0,79 point par match.

Sam’s : « Petković, pfffff… Je n’ai même pas les mots. Ce qui m’a fait halluciner, et c’est là qu’ils sont forts, c’est le branding qu’ils ont fait autour de son arrivée. « Ne vous inquiétez pas, on sait ce qu’on fait ! » Mais n’importe quoi ! Et le pire, c’est que lui, c’était un mercenaire de fou. Non seulement il a fait de la merde, mais une fois qu’il s’est fait virer, il a quand même réclamé des sous, hein ! Je vais aller loin, mais pour moi, c’est comme s’il occupait un emploi fictif. Il n’a rien fait. On dirait un prête-nom, en fait. Guion, c’était une rustine. Pour sa défense, dans ce climat-là, tu ne peux rien faire. Ils auraient pu prendre Plašil (adjoint, NDLR) en intérim et dire : « On a pris Jaro, un coach qui connaît bien le club, les joueurs et l’institution. » Un mec comme lui aurait pu colmater les brèches. C’est un ancien joueur, il ne l’a jamais quitté depuis, il aurait pu remuer les choses. L’autre, il est arrivé en disant : « Regardez ce que je récupère ! » »

#8 - Mars

Mars : « C’était une téléréalité, les Girondins, cette année »

En mars, les Girondins ne disputent que trois matchs, et c’est déjà trop. Trois défaites pour aucun but inscrit, face à Troyes (0-2), le PSG (0-3) et Montpellier (0-2). Face aux Héraultais se joue peut-être l’épisode le plus dingue de la saison. Alors que l’arbitre vient de siffler la pause, Florian Brunet, porte-parole des Ultramarines, descend sur la pelouse et s’en prend à Benoît Costil, coupable aux yeux de la tribune de s’en être pris trop vertement à Anel Ahmedhodžić. Le gardien bordelais rentrera aux vestiaires en traitant les ultras de vendus, le groupe répondra en le traitant de raciste. À la suite de cet incident, Benoît Costil sera écarté pendant un mois. David Guion affirmera qu’il s’agit d’une décision sportive, tandis que l’entourage du portier nous confiera que la direction du club a joué un rôle dans sa mise à l’écart. Benoît Costil qui, selon 20 Minutes, avait décidé de porter plainte à la suite de cet épisode, ne l’a toujours pas fait, selon Florian Brunet.

Le 31 mars, dénoncé par son ex, un joueur de l’effectif professionnel avoue avoir dérobé des chaussures de ses coéquipiers pour les revendre sur Internet. Rien de tel pour mettre une grosse ambiance dans le vestiaire.



Nordine Ganso : « Ben, c’est un très très bon copain, donc ces histoires de racisme m’ont beaucoup étonné. Je trouve ça irrespectueux de la part des supporters. Il ne faut pas oublier que c’est lui qui nous a sauvés à plusieurs reprises. Il était encore appelé en équipe de France, ce n’est pas pour rien. Il faut respecter le gars. Il a toujours été responsable et fort sur le terrain. »

Sam’s : « Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai rien compris à cette histoire d’accusation de racisme. Si c’est la direction qui l’a écarté, c’est qu’elle valide la version des supporters, et qu’elle ne protège pas son joueur. C’est une politique malsaine, c’est mal géré. C’est lunaire. Les supporters disent qu’il est raciste, ok c’est quoi les faits ? Cette histoire est bizarre. S’il avait vraiment été raciste, avec les joueurs qu’il y a, il se serait fait casser la gueule depuis un bon moment. Un mec comme M’Baye Niang l’aurait lavé. Et ce serait sorti, comme pour le mec qui a volé des chaussures. Ça, c’est honteux. C’est dégueulasse. Aujourd’hui avec les réseaux sociaux, les journalistes, tu ne peux pas te vanter de jouer aux Girondins et voler des crampons. C’est n’importe quoi. Normalement, tu vires le petit, mais tu étouffes l’affaire. C’était une téléréalité les Girondins cette année. Les gens se sont régalés. »

#9 - Avril

Avril : « Tous les week-ends, il faut accepter que tu sois une merde »

À Lille, lors de la 30e journée de Ligue 1, les Girondins décrochent un match nul miraculeux tant le LOSC a été maladroit et leur premier clean sheet de la saison, à 10 contre 11 pendant une heure. Ils enchaînent avec une victoire nette et sans bavure face à Metz (3-1), mais gâchent tout une semaine plus tard, à Lyon, où ils sont corrigés 6-1. Lucide, Peter Bosz lâche après la rencontre : « Honnêtement, ce n’était pas très difficile aujourd’hui. » On apprendra plus tard que la veille de la rencontre, les joueurs se sont fait livrer pour 350 euros de McDo à leur hôtel. Venez comme vous êtes. Ils terminent le mois avec un nul à domicile face à Saint-Étienne (2-2) et une défaite à Nantes (5-3). Lors de ses deux dernières rencontres, Bordeaux a mené 2-0.

Sam’s : « Lorsque tu prends autant de buts, ça veut dire que mentalement t’as explosé, t’as lâché. Quand je jouais à Libourne, on avait des mauvais résultats, et Stéphane Ziani, l’entraîneur, avait fait venir un coach mental. Il nous expliquait que quand t’es dernier, c’est une charge mentale incroyable à supporter. Quand t’es joueur de haut niveau, ça veut dire qu’à un moment, t’as été au top. Et t’arrives à un moment où tous les week-ends, il faut accepter que tu sois une merde. Psychologiquement, c’est ouf. T’as deux solutions : soit tu l’assimiles et tu repars au travail, soit ta compétitivité se déconnecte. C’est ce qui s’est passé à Nantes. Tu gagnes 2-0, mais tu n’es pas conscient que tu gagnes 2-0. Ton cerveau assimile le fait que même quand tu gagnes, tu vas prendre une taule. T’as plus la notion de « venez, on s’accroche. » Tu vas prendre 5-2 et tu ne vas même pas pouvoir l’expliquer. Que tu gagnes ou que tu perdes, le tout c’est d’expliquer : « On a fait ça », « On aurait pu faire ça », mais là, les matchs des Girondins de Bordeaux, tu ne sais pas. Ce n’est pas un problème de talent, c’est mental. Ton cerveau, au bout d’un moment, n’a plus la notion de compétitivité. Normalement, quand tu joues, t’as ton orgueil, tu te bats. Un mec comme Adli, espoir du foot français dont Thierry Henry reconnaît le talent, est entré dans une léthargie totale. Il est entré dans cet inconscient collectif de manque de compétitivité. Il est l’ombre de lui-même. Il ne joue que pour garder la forme, en fait. »

Nordine Ganso : « Franchement, c’est exceptionnel de prendre autant de buts. J’en suis presque fier. Si un jour on m’avait dit qu’on serait la pire défense d’Europe et qu’on parlerait de nous dans le monde entier, je n’aurais jamais imaginé ça. Ça me touche, quand même. »

#10 - Mai

Mai : « Quand tout part en couilles, tout part en couilles. C’est un engrenage »

Les Girondins terminent leur exercice avec leur deuxième clean sheet de la saison face à Lorient (0-0) et une victoire à Brest (4-2). Pas suffisant pour éviter une place de lanterne rouge et seulement 31 points au compteur. À la suite du match nul face à Lorient, quasiment synonyme de relégation, Enock Kwateng et M’Baye Niang sont aperçus dans une discothèque qui diffuse du Ménélik. Et cela ne plaît que très modérément aux supporters, surtout qu’une semaine auparavant, M’Baye Niang, toujours dans les bons coups, était aperçu en train de taper un five durant un jour de repos avec Yacine Adli, Mehdi Zerkane et Abdeljalil Medioub, selon le site Girondins4Ever. Mis à l’écart du groupe professionnel pour les deux derniers matchs de la saison pour raison disciplinaire – le joueur aurait eu une altercation musclée avec Admar Lopes –, l’international sénégalais est en plus soupçonné d’avoir feint une blessure. Vexé, il envoie à L’Équipe le bilan d’une échographie confirmant «  une petite lésion musculaire intrinsèque de grade 1 M de la portion périphérique du semi tendineux gauche » .

Sam’s : « Niang, je ne veux pas l’accabler parce que je le connais un peu. À la base, ça devait être un crack. Le mec est revenu, je le trouvais très mature, mais les Girondins de Bordeaux ont fait resurgir ses démons. Le truc d’envoyer à L’Équipe une échographie pour montrer qu’il est blessé… Quand tout part en couilles, tout part en couilles. C’est un engrenage. »

Noredine Ganso : « J’ai 25 ans, je n’ai jamais connu Bordeaux en Ligue 2. Je n’ai même jamais regardé un match de Ligue 2, c’est pour dire. Je pense que je vais devoir m’y mettre, mais je ne sais pas si je suis prêt. Il va falloir que je me mette à niveau sur les clubs. Valenciennes, tout ça… Si j’avais été joueur, j’aurais eu la flemme d’aller là-bas. J’aurais préféré aller à Monaco ou à Nice. »

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