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Guide de survie pour monuments en galère
Bordeaux accueille Saint-Étienne, ce samedi (15h) dans un choc entre monuments du foot français qui se morfondent en Ligue 2. Avant eux, d’autres clubs historiques ont, malgré leur statut, pataugé pendant des années dans ce championnat. Voici quelques conseils pour s’en sortir.
Sur le papier, c’est indéniablement la plus belle affiche de la saison. Si l’on regarde le classement, cependant, on se rend compte qu’il ne s’agit que d’un match quelconque entre le premier relégable et une équipe du ventre mou. Bordeaux (17e) reçoit Saint-Étienne (8e), ce samedi au Matmut Atlantique (15h) dans un choc entre monuments du foot français en pleine déprime. Tombés en même temps, les deux clubs vivent actuellement leur deuxième exercice de rang en Ligue 2 et parier qu’ils remonteront à l’étage supérieur dès l’été prochain serait fort audacieux. Bien sûr, les situations diffèrent, et il y a encore largement de quoi faire pour les Verts. Ils viennent toutefois de concéder cinq défaites d’affilée en championnat (sans oublier une élimination en Coupe de France) et de virer Laurent Batlles, leur entraîneur, remplacé par Olivier Dall’Oglio. Bref, ce n’est pas la joie, pour eux comme pour des Girondins qui ont raté leur phase aller dans les grandes largeurs et sont désormais contraints de regarder vers le bas.
Pression permanente, adversaires surmotivés
Le FCGB et l’ASSE ne sont en aucun cas des anomalies. Avant eux, d’autres clubs « historiques » (autrement dit, qui ont été champions de France, ont accompli des coups d’éclat sur la scène européenne et, surtout, ont un énorme vécu en D1) sont tombés en deuxième division et s’y sont empêtrés. Et pour trouver des exemples, pas besoin d’aller chercher bien loin. Vice-champion de France en 2022-2023, le RC Lens avait auparavant vécu une longue période de vache maigre, notamment marquée par un séjour de cinq ans dans l’antichambre de l’élite (2015-2020). On pourrait aussi citer le cas de Nantes, remonté en 2013 après quatre années au purgatoire, voire Sochaux, longtemps recordman du nombre de saisons passées en D1, mais qui n’y est plus réapparu depuis 2014. Mathéus Vivian est bien placé pour en parler, lui qui a porté le maillot des Canaris et des Lionceaux lorsque ceux-ci étaient en Ligue 2. « À Sochaux, le contexte était très particulier, prévient toutefois l’ancien défenseur central. C’était un club malade, Peugeot voulait vendre le club et, derrière, il n’y avait pas de soutien. D’ailleurs, la première saison, on a vendu nos deux meilleurs joueurs pendant le mercato hivernal alors qu’on était au pied du podium. Même si l’environnement s’attendait à ce que l’on remonte rapidement, on n’avait pas les armes pour ça. » La suite de l’histoire n’a malheureusement pas été beaucoup plus réjouissante pour le FCSM, rétrogradé administrativement en National l’été dernier.
Les présidents de clubs historiques relégués en Ligue 2 pointeront sans doute les difficultés rencontrées pour équilibrer le budget. Les entraîneurs regretteront peut-être que l’impératif de résultats prenne le pas sur le temps dont ils ont besoin pour mettre leur projet en place. Les joueurs, eux, sont en première ligne et doivent composer avec un environnement particulièrement pesant. « Quand on est Nantes et qu’on est en Ligue 2, on sait qu’autour de nous, ça va être compliqué, avoue Mathéus Vivian. On sait que financièrement, évoluer dans cette division n’est pas viable pour le club. On sait que les médias vont jouer leur rôle et faire de la moindre petite flamme un incendie. On sait que les supporters vont être impatients. Il y a énormément de pression. » Cette pression forte et constante est susceptible de faire « perdre pied » aux éléments les moins expérimentés du vestiaire, ajoute le Brésilien, récemment retourné vivre dans son pays natal. Une hypothèse nuancée par Nicolas Gavory, issu du centre de formation de l’AJ Auxerre et qui a justement commencé sa carrière quand le club icaunais est tombé en Ligue 2, en 2012. « Quand tu es jeune, tu es plus inconscient que quand tu as 28 ou 30 ans, estime-t-il. Moi, j’arrivais fraîchement dans le groupe pro, je n’étais pas un titulaire indiscutable, donc j’avais moins de pression sur le dos que certains cadres. » En plus d’être confrontés à la nécessité d’enchaîner les victoires, les joueurs de grosses écuries tombées en Ligue 2 doivent faire face à des adversaires gonflés à bloc. « Partout où l’on va, c’est la fête au village. On est attendus partout. Les joueurs adverses ont envie de se montrer, le staff et le club se préparent de manière importante, le public est motivé », énumère Mathéus Vivian, qui a connu un paquet de déplacements en forme de traquenard avec le FCN.
Stabilité et identité
Pour ne pas être étouffé par ce contexte et savoir éviter les pièges, le Brésilien insiste sur un mot-clé : la stabilité. Ce qui implique notamment de compter des éléments d’expérience dans son effectif. « Un joueur qui a performé correctement dans une équipe de second plan ne va pas forcément être aussi bon dans un club populaire. En revanche, s’il y a une ossature de joueurs habitués à ce genre de situations, ça aide énormément à créer cette stabilité », affirme celui qui a également porté le maillot de Metz et de Guingamp en France. Reste à savoir où placer le curseur. Bâtir une équipe quasi exclusivement composée de routiers de la Ligue 2 qui savent comment prendre l’ascenseur peut permettre d’abréger le séjour dans cette division, sans pour autant que cela soit une garantie. Il est aussi possible de profiter de la descente pour se restructurer et accorder une plus grande place aux pépites du centre de formation – ce qui est encore plus évident quand celui-ci est réputé –, encadrées par quelques tauliers. Dans ce deuxième cas de figure, la remontée risque d’être plus longue à venir. Nantes, justement, a d’abord tenté (sans succès) de rebondir dans les plus brefs délais avec des joueurs d’expérience, sans succès. Avant de changer son fusil d’épaule et d’opter pour un retour aux sources, en lançant plusieurs jeunes issus du centre (Jordan Veretout, Adrien Trebel, William Vainqueur…). Ce qui n’a pas déplu au public nantais, bien au contraire. « En Ligue 2, c’est important de bâtir une équipe qui représente les supporters et l’identité du club, appuie Mathéus Vivian. Moi, j’ai vécu deux saisons très différentes là-bas. La première, on avait une équipe avec beaucoup plus de qualités, armée pour remonter, mais sans l’état d’esprit qu’il fallait. La Beaujoire était triste. La deuxième, on avait envie de jouer, et même si l’on manquait d’expérience et de maturité pour remonter, les supporters sont revenus, parce qu’ils ont reconnu les valeurs du club. » Les résultats ont suivi puisque les Canaris ont été promus l’année suivante.
Contraint par les sanctions de la DNCG, Bordeaux avait d’ailleurs misé essentiellement sur son centre de formation la saison passée. Cela avait plutôt bien fonctionné, puisque la formation au scapulaire avait lutté pour la montée… jusqu’à connaître une fin d’exercice en eau de boudin. Depuis, les Girondins traînent cet épilogue terriblement frustrant comme un boulet. Leurs recrues n’ont pas donné satisfaction, leur entraîneur, David Guion, a été limogé, et son successeur, Albert Riera, tâtonne encore. La dynamique n’est plus bonne du tout, et le spectre d’une angoissante lutte pour le maintien se profile à l’horizon. Une situation qu’a connue Nicolas Gavory avec Auxerre, qui avait péniblement sauvé sa peau en 2013-2014. « Là, c’était chaud, se souvient-il. Descendre en National avec l’AJA, c’était inconcevable, il fallait à tout prix sauver le club. Des supporters étaient venus à l’entraînement pour nous faire sentir qu’ils n’étaient pas contents. Forcément, ils venaient de connaître des décennies de D1, et là, leur club était aux portes de la troisième division. » Mathéus Vivian pense que les Girondins doivent consacrer leur deuxième partie de saison à « construire un état d’esprit qui sera la base de l’année suivante. Il faudra mettre en avant les joueurs destinés à avoir un rôle important, quitte à condamner ceux qui ne font pas partie du projet. » Moins mal en point, Saint-Étienne doit aussi s’employer à lancer une nouvelle dynamique, positive cette fois. Car ensuite, tous les rouages peuvent rapidement se remettre à fonctionner à merveille. « Dans de tels clubs, tout peut aller très vite si une bonne séquence de résultats est enclenchée. Ils ont des atouts que d’autres n’ont pas, un nom capable d’attirer de bonnes recrues, des infrastructures développées, énormément de supporters… La pression peut vite se transformer et devenir positive », affirme Vivian. Avant d’ajouter : « S’ils sont au coude-à-coude avec d’autres équipes dans le sprint final, je pourrai mettre une pièce sur les Stéphanois. » Rendez-vous au printemps pour lancer les paris.
Par Raphaël Brosse
Propos recueillis par RB.