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Bordeaux-Rodez : remballez, c’est pesé
Dix jours après les faits, la commission de discipline de la LFP a fini par prendre une décision concernant le match Bordeaux-Rodez. Un jugement qui semble davantage dicté par le calendrier que déterminé sur le fond de l’affaire. Mais quelle était la marge de manœuvre pour une instance habituée à taper à côté ?
La sanction est finalement tombée, plus d’une semaine après ce Bordeaux-Rodez qui ne connaîtra jamais de coup de sifflet final. À la suite de l’intrusion d’un supporter bordelais sur le bord du terrain et son geste envers Lucas Buades qui venait d’ouvrir le score pour les Aveyronnais, le match avait été interrompu définitivement. Le destin (descente ou montée selon les cas) des deux clubs était depuis suspendu à la décision de la commission de discipline de la LFP. Cette dernière a pris son temps pour se positionner en pleine connaissance de cause et sur pièces, loin du brouhaha de l’instant et de la petite partition que chacun commençait à siffloter pour charmer son monde. Cette lenteur était louable sur le principe, mais il s’agissait de la dernière journée de Ligue 2 et le fameux calendrier FIFA, comme le départ en vacances de nombreux joueurs, ne laissaient guère de fenêtres dans l’hypothèse de reprendre ces 90 minutes fatidiques. Les dés étaient donc truqués d’une certaine façon.
Jugement à la petite semaine
Lundi, la commission a donc condamné les Girondins à perdre ce match sur tapis vert, ce qui enterre définitivement les espoirs de remonter en Ligue 1 (et permettant à Metz de retrouver son derby avec Strasbourg). En outre, le club au scapulaire commencera la saison prochaine avec un point de pénalité au classement, dont on peine à comprendre le sens ou même l’intérêt (c’est soit inutile, soit trop peu). Surtout, comme c’est souvent devenu la triste norme, la Tribune Sud, qui héberge notamment le Kop et les UltraMarines, sera fermée pendant deux rencontres à domicile (deux autres en sursis, petite épée de Damoclès). Cette dernière décision reste la plus incompréhensible. L’individualisation des sanctions, sachant que le supporter concerné va devoir s’expliquer devant la justice, est toujours présentée comme la meilleure façon de répondre efficacement à ce type de débordements. D’autant plus qu’en l’occurrence, le groupe ultra a été très clair et responsable par la suite, du moins dans son communiqué officiel. Cette punition vise peut-être à faire jurisprudence et envoyer un message aux tribunes de l’Hexagone, de manière collective ?
En effet, devant la difficulté du dossier, la commission s’en est tenue à l’acte transgressif en lui-même : un supporter a profané le terrain sacré pour s’en prendre à un acteur du jeu. Le club de Rodez a aussi souligné à quel point la suite avait été pénible pour lui et son staff : « Le déferlement de messages haineux et de menaces de mort reçus depuis plus d’une semaine envers le club et son joueur, Lucas Buades, ne doive plus être permis à ce jour. Par ce communiqué, nous avons une pensée particulière pour toutes les victimes de harcèlements et plus globalement de violences. Ce n’est plus tolérable. » On ne peut douter que cet argument est aussi, à juste raison, pesé.
Comme prévu : pas de vainqueur
Comment démêler cette histoire ? Comment prononcer le bon verdict qui peut condamner à la descente un club (Annecy) non directement impliqué, prive d’une possible montée une légende du foot tricolore (les Girondins) ou peut sauver une équipe (Rodez) qui s’estime la seule victime. Il n’existait aucune façon satisfaisante, ou satisfaisant toutes les parties, de rendre justice. Il était impossible d’éviter les mécontents, voire des victimes collatérales. Rodez a joué à fond sa carte, et sûrement forcé le trait (pour rester mesuré) pour se sauver à tout prix, profitant de l’aubaine qui lui a été bêtement offerte sur un plateau. Et évidemment, Bordeaux va se sentir lésé au regard d’une « décision aussi incompréhensible que disproportionnée, tant au regard des éléments du dossier que de la jurisprudence ». Il a déjà annoncé sa volonté de « saisir dans les plus brefs délais le CNOSF pour défendre ses droits et l’équité sportive ». En attendant le prochain Bordeaux-Rodez en Ligue 2 la saison prochaine, on souhaite bien du plaisir à cette dernière institution qui pour sa part traverse elle-même une crise non négligeable en ce moment…
Par Nicolas Kssis-Martov