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Bordeaux : récit d’une semaine sordide
La saison déjà cauchemardesque des Girondins de Bordeaux a franchi un nouveau cap dimanche dernier, lors de la réception de Montpellier. À la suite d'un incident entre les Ultramarines et Benoît Costil, le gardien bordelais s'est vu accuser par le groupe de supporters d'être coupable d'actes racistes au sein du vestiaire, tout comme son ex-coéquipier Laurent Koscielny. Selon 20 minutes, le gardien a décidé de porter plainte contre ces supporters. Une situation ubuesque et inédite, qui ajoute un nouvel arc tragique au feuilleton dramatique qui rythme la vie du club depuis maintenant trois saisons.
Cela faisait plusieurs mois qu’en off, les Ultramarines alertaient sur le fait que Benoît Costil et Laurent Koscielny n’exerçaient pas leur rôle de leader au sein du vestiaire bordelais. Pire, les deux joueurs se seraient rendus coupables, à plusieurs reprises, de paroles et d’actes racistes envers des coéquipiers. Des accusations gravissimes, impossibles à divulguer en l’absence d’éléments concrets, mais qui, c’est sûr, éclateraient au grand jour à un moment ou à un autre de la saison. Tellement sûrs de leur fait, les ultras bordelais avaient même fait de la mise à l’écart des deux capitaines une priorité, encore plus que le renvoi de Vladimir Petković, comme nous l’expliquait Florian Brunet, leur porte-parole. Et ils ont été en partie entendus par Gérard Lopez, à la suite de la défaite historique à domicile face à l’Olympique de Marseille, en janvier dernier. Dans les jours qui suivirent, Koscielny fut écarté du groupe professionnel pour se voir confier un rôle d’ambassadeur du club.
C’est donc finalement dimanche dernier, à la suite d’une altercation entre Costil et Brunet en fin de première période face au MHSC, et après que le gardien a fait signe à la tribune qu’elle était « vendue », que le groupe, excédé par de telles accusations, a fait savoir par l’intermédiaire de ses leaders ce qu’il reprochait à ces deux joueurs. À savoir, « des blagues de petits fachos de merde », a-t-on entre autres pu entendre au micro des ultras durant la seconde période (autour de la 18e minute sur cette vidéo).
La justice pour apporter la lumière ?
Depuis, c’est l’emballement médiatique. L’affaire choque, autant qu’elle divise les supporters et suiveurs des Girondins et du football en général. Dans une enquête de Sud-Ouest, publiée le 23 mars, les deux employés des Girondins, dont l’un a quitté le club récemment, ayant alerté les Ultramarines sur les agissements de Costil et Koscielny confirment. Ils décrivent « des faits graves et répétés tout au long de la saison dernière, à la fois au Haillan et durant les stages effectués par l’équipe professionnelle à Lorient en avril et à la Baule en juillet, écrit le quotidien régional. Des insultes au caractère raciste clair et des propos dénigrants auraient été prononcés, en présence et à destination de plusieurs joueurs de couleur de l’effectif, doublés de plusieurs agissements visant à moquer les origines ou la religion de plusieurs coéquipiers. » À l’inverse, Sud-Ouest a échangé avec une trentaine de potentiels témoins (joueurs, agents, proches, familles, ex et actuels salariés, etc.) qui démentent tous avoir assisté à des comportements racistes de la part de Cos et Kos. Y compris les joueurs qui auraient été « victimes » de ces violences verbales.
Même si le nombre de témoignages disculpant les deux joueurs est bien plus important que ceux les incriminant, en l’absence de preuves, à ce stade, c’est donc parole contre parole. Avec d’un côté des Ultramarines dont le moteur est toujours le bien du club, que l’on soit d’accord ou pas avec leurs actions, et de l’autre une unanimité pour disculper les deux internationaux. Jeudi après-midi, les joueurs bordelais ont même fait parvenir un communiqué à Sud-Ouest, dans lequel ils démentent « formellement les accusations de racisme à l’encontre des joueurs de l’équipe ». Dans ces conditions, la décision de Benoît Costil de porter plainte – Laurent Koscielny devrait en faire de même – aura pour mérite d’éclaircir la situation. Si l’on ne sait pas contre qui le Caennais portera plainte, ni pour quel motif ( « dénonciation calomnieuse » ou « diffamation » ), la justice tranchera dans cette affaire sordide. En attendant, chacun campera sur ses positions et les divisions, déjà marquées, au sein du supporterisme bordelais ne vont aller qu’en s’accentuant. De son côté, Benoît Costil, qui a dans un premier temps envisagé de mettre un terme à son contrat avec les Girondins, a été dispensé du match amical disputé et remporté (2-1) ce vendredi face aux Espagnols d’Alavés. La réaction de Gérard Lopez, elle, se fait toujours attendre.
Par Mathias Edwards