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Bordeaux : la stratégie de l’échec ?
Écrémage d'effectif, recrutement quasi nul cette intersaison : les actes des Girondins de Bordeaux jurent avec la renaissance printanière entrevue en mai dernier, lors de la victoire en Coupe de France et en Gambardella. Mais que fait la maison Marine et Blanc ?
31 mai 2013. Au bout de la nuit, et après une énième volute du goéland Cheick Diabaté, Bordeaux remporte sa quatrième Coupe de France en disposant du Danone Football Club d’Évian Thonon Gaillard. Quelques heures auparavant, les moins de 19 ans avaient annoncé la couleur en glanant la Gambardella face à Sedan. La place de la Victoire est alors assiégée par une horde de scapulaires et l’on se met à croire – modérément, comme toujours à Bordeaux – à des lendemains heureux après cette double victoire qui clôt un exercice 2012-2013 aux allures de purge. Certains aventureux y voient même le kick d’une ambition retrouvée qui ramènera, peut-être, les Girondins dans le groupe de tête de la Ligue 1.
Un Jour sans fin
Sauf que non. Près de deux mois plus tard, alors que la Ligue 1 circa 2013-2014 pointe méchamment le bout de son nez, c’est le statu quo du côté de Bordeaux. Une situation digne du film Un Jour sans fin : comme en 2012, en cours de saison, Francis Gillot gueule un petit coup, arguant qu’il lui faut des renforts et qu’à défaut de les obtenir, il y aura représailles ; comme en 2012, avant d’entamer la saison, le coach bordelais se résigne à faire avec les moyens du bord. « Si j’arrive à avoir tout le monde au top, on peut se débrouiller, mais si on a deux ou trois déceptions, on sera handicapés… » concédait l’homme dans les colonnes de Sud Ouest. Comprendre : je vais faire au mieux, mais le système D, ça a ses limites, les mecs. Un cri dans l’océan. Heureusement pour J-Lo, le club est au moins parvenu à conserver Cédric Carrasso, précieux dernier rempart lors de la saison 2012-2013. Sans oublier que Obraniak et Plašil, même s’ils ont la bougeotte, font toujours partie de l’effectif.
La fin de la gauche caviar
Un effectif considérablement amoindri par le départ du MVP Benoît Trémoulinas, parti au Dynamo Kiev pour la modique somme de sept millions d’euros, alors qu’il en valait sans doute un ou deux de plus. D’accord, Bordeaux a les cordons de la bourse tendus comme le jersey de Carrasso de retour de vacances, mais le club ne prend pas l’argent où il se trouve. Si l’on y ajoute le départ de la doublure Florian Marange, non gardé, le flanc gauche de la défense bordelaise est orpheline. Les pistes du Danois Jesper Juelsgaard (FC Midtjylland) et du Monténegrin Elsad Zverotić ont bien été évoquées pour remplacer le néo-international, mais sans aucune certitude, qu’il s’agissent des compétences des joueurs concernés comme de l’avancée de leurs signatures. Pour le moment, seul Jérémie Bréchet, unique transfert marine et blanc de l’été, peut essuyer les plâtres à babord. Mais à trente-trois ans, pas sûr que la rustine tienne longtemps. D’autant qu’en matière « d’expérience » en défense, on peut se poser la question du recrutement de l’ex-Troyen alors que Squillaci s’entraînait avec Hyères. En CFA 2. Seule certitude : le front de l’attaque bordelaise va manquer cruellement de caviars venant de l’aile gauche l’année prochaine.
Une équipe sans tête
Une attaque qui, elle aussi, crie famine. Derrière Diabaté, qui a donné tout au long de la saison une impression de surrégime (première saison à plus de dix buts) et qui, pour le moment, est en convalescence pour cause de paludisme, les prétendants en pointe ne se bousculent pas. Malgré ses quatorze buts en prêt à Bastia, les Marine et Blanc ont préféré refiler Anthony Modeste au TSG 1899 Hoffenheim pour trois petits millions. Emiliano Sala, lui, ne pourra pas démontrer toutes les qualités exposées pendant son prêt en National à Orléans l’année dernière puisqu’il part à Niort, toujours en prêt. Quant à Diego Rolán, son processus d’acclimatation semble encore en cours. Reste donc le sympathique David Bellion, aux stats faméliques (deux buts pour dix-neuf apparitions), et Jussiê, de retour en grâce à la faveur d’un banc faible. Voire Hadi Sacko, 19 ans au compteur, et seulement quatre matchs dans les jambes avec les Gigis. Un pari sur l’avenir qui tient du génie ou de l’idiotie, mais que l’on doit surtout à des finances serrées et à… la Gambardella.
Francis Gillot, nouveau Michel Pavon ?
N’enlevons rien à cette belle victoire des juniors en Coupe de France qui, lorsque l’on voit les dernières saisons de Sochaux ou de Montpellier, peut laisser rêveurs les supporters girondins. Mais force est de reconnaître que le président Triaud, jamais le premier pour sortir les deniers, a trouvé là une alternative au recrutement « onéreux » qu’aurait pu exiger Gillot pour cette saison. Et en voyant ces kids faire le tour de la pelouse du Stade de France le 31 mai dernier, certains fans n’ont pas pu s’empêcher de penser « Adieu le recrutement estival ! » Certes, à Bordeaux, le rajeunissement d’effectif avait fait ses preuves en 2003-2004 lorsque Michel Pavon, devant l’apathie de ses cadres, avait décidé de lancer Mavuba, Chamack et consorts. Toutefois, il avait fallu pour cela se retrouver aux portes de la relégation. C’est tout le mal que l’on souhaite à Enzo Crivelli, Sessi d’Almeida et Valentin Vada. Il n’empêche, les Girondins de Bordeaux s’apprêtent à attaquer une saison difficile (campagne d’Europa League et défense du titre en Coupe de France en plus du championnat) avec, pour le moment, un effectif plus faible que la saison passée. Reculer pour mieux sauter ? Peut-être, mais à Bordeaux, le changement, ce n’est (presque) jamais pour maintenant.
Par Matthieu Rostac