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Bordeaux, la belle robe
Cinquième de Ligue 1 à dix journées de la fin du championnat, Bordeaux est sapé pour se battre avec Lyon et Saint-Étienne pour l'Europe. Une idée inconcevable avant le passage à 2017 mais qui s'explique par plusieurs raisons.
Jocelyn Gourvennec a toujours eu une certaine idée du temps. À travers ses mots, le passé ne sert que de référence – pas de repère – et le futur est un sujet qu’il préfère le plus souvent réduire au silence. Gourvennec, c’est ça : une mesure permanente, une sagesse juste et surtout cette volonté de voir au présent, au projet, plutôt que de partir dans de grandes promesses qu’il pourrait ne pas tenir. Le joueur était comme ça, l’entraîneur l’est certainement encore plus. Interrogé il y a quelques semaines sur la forme de son équipe, voilà ce qu’il répondait : « Dans ma tâche aujourd’hui, j’essaie de me focaliser tous les jours sur les aspects du jeu et de la progression de l’équipe. Je n’ai pas dans mon discours aujourd’hui l’Europe, l’Europe, l’Europe. C’est quelque chose qui peut tomber, ou pas in fine. C’est important, et bien sûr qu’on veut tous revivre cela, mais au quotidien, dans le management de l’équipe et pour les joueurs dans leur progression, on est sur des leviers un peu différents. » Simplement car la brosse brestoise n’a jamais eu besoin de parler longtemps pour convaincre un groupe de s’arracher pour ses idées. En arrivant à Bordeaux l’été dernier après six ans passés à Guingamp, Gourvennec savait qu’il changeait d’univers et d’exigence. Franchir un cap était l’objectif, le faire avec ses principes un autre. Il y a eu la galère des premiers mois, la prise en main d’un groupe assez jeune et quelques coups de gueule. Puis 2017. Un nouveau cru, l’émergence du véritable Bordeaux version Gourvennec. Un Bordeaux qui est aujourd’hui l’une des meilleures équipes de la phase retour et qui se retrouve prêt à bastonner pour une quatrième place européenne avec Lyon qui reste imprévisible.
La bascule Sankharé
Simple, depuis le 17 décembre et le naufrage à Montpellier (4-0), les Girondins n’ont été séchés qu’à deux reprises toutes compétitions confondues – contre le PSG en Coupe de la Ligue (1-4) et en championnat début février (0-3). Bingo : les voilà cinquièmes de Ligue 1, devant Saint-Étienne et à quatre petits points de l’Olympique lyonnais, qui semble prenable sur cette fin de saison. Pourquoi faut-il commencer à croire en ce groupe bordelais ? Tout simplement car Jocelyn Gourvennec a trouvé son équilibre, son système et les hommes qui le composent. Et ce que cet ensemble donne est – c’est assez rare à Bordeaux pour le signaler – plutôt excitant. La raison principale ? Un chèque de trois millions d’euros glissé dans la poche du LOSC pour récupérer Younousse Sankharé. Résumer le retour au premier plan des Girondins à l’arrivée de l’international sénégalais serait réducteur, mais elle a servi de bascule car elle a libéré papy Toulalan dont il fallait voir le dévouement contre Lyon (1-1) vendredi soir pour comprendre qu’il reste encore un peu de coffre sous le poivre et le sel.
Laborde pour respirer
Un 4-3-3, des latéraux impliqués et retrouvés (oui, même Contento), une ligne défensive résistante et surtout un trident offensif devenu bordélique au fil des choix devant un milieu travailleur. Oui, c’est en décidant de se passer de Ménez que Gourvennec a aussi libéré son jeu qui reste exigeant pour fonctionner. Pour que les idées du Breton se développent, il faut des bosseurs, des charognards, et il les a trouvés avec le triangle Malcom-Kamano-Laborde, ce dernier étant clairement la pièce de l’ombre essentielle. Face à Lyon, Gaëtan Laborde a été un poison de tous les instants entre les lignes, un pou qui gratte les espaces et saccage les repères. Alors voilà Bordeaux qui joue et ça ne peut pas faire de mal au football français de voir l’une de ses références revivre ainsi, sur le terrain et dans les tribunes. On ne sait pas jusqu’où cela ira, mais l’Europe n’est désormais qu’à un pas.
Par Maxime Brigand