- Ligue Europa
- 6e journée
- Groupe D
- Bordeaux/Newcastle
Bordeaux en mode S.M.
Ils sont si discrets que, quand un petit grain de sable s’immisce dans la machine, ça provoque en réaction un tas de trucs bizarres. Les Girondins, avant de recevoir Newcastle ce soir à Chaban-Delmas (19h00) et de mettre en jeu la première place du groupe, jouent sur un terrain inconnu : le SM…
D’ordinaire si calme, le club des Girondins de Bordeaux traverse actuellement une période bizarre. Pas tant au niveau des résultats, parce qu’à ce stade, ça va pas trop mal : un compte en banque qui remonte, 5e ex-æquo en championnat, et premier (10 points) en Europa League, groupe D. Devant Newcastle (9 points), son adversaire du jour. Qualifié pour les 16es de finale, surtout. Pas dégueu pour un club qui ambitionnait alors juste de franchir le tour préliminaire de la compétition, en éteignant l’Étoile rouge de Belgrade. Mais l’étoile, on se demande ce qu’ils ont bien pu en faire, les Aquitains… Parce que depuis quelques semaines, ça pique sévère. Oui, Bordeaux a mal au cul. Après le coup de pied asséné par Francis Gillot, déjà, à Montpellier, à la suite d’une élimination en Coupe de la Ligue (1-0) pour leur entrée en lice. Les Marine et Blanc, traités de « joueurs de D.H. » , se sont rendu compte qu’ils étaient en fait des champions du S.M. Un peu comme à Caen, mais ça, c’est une autre histoire. S-a-d-o-M-a-s-o, les fucking blue boys ! Pour preuve : défaite à Montpellier (1-0), encore, en championnat, puis deux points perdus face à Sochaux (2-2), à domicile, dans les dernières minutes règlementaires, conséquence directe d’une main volontaire de Planus devant sa surface. Jeux de mains, jeux de vilains ! C’est bien connu.
Maurice-Belay s’auto-flagelle
Avec des joueurs qui pleurnichent sur leur sort, aussi. Ou plutôt, sur leurs prestations. Nicolas Maurice-Belay confie qu’il est nul et qu’il s’en veut, parce qu’il « coûte trois points » aux siens. De suture, oui ! « Je ne suis plus en confiance, je le sens dans mon jeu, dans ma façon de faire. Je n’élimine plus les adversaires avec la même facilité qu’avant. C’est un passage à vide. » Lui qui avoue ne pas être un « tueur » , pour le coup, il ne s’est pas loupé. Même J-Lo est venu secouer le popotin en défendant son protégé, connu dans l’Est, au carré V.I.P. du Lion Bleu. « Mais ça va revenir, y a pas de raison, il va faire un bon match et il aura tout oublié… Faut pas qu’il se prenne la tête avec ça : qu’il travaille et ça va se régler » , répétait alors un coach osant même la comparaison avec un Zlatan déchu face à Saint-Étienne, en Coupe… Parce que dans le match suivant, face à Sochaux, justement, NMB n’a pas marqué. Remplacé à la 80e minute par Florian Marange… Un nom qui sent bon le jambon, pour une ultime pénitence au fouet.
Même combat pour Cédric Carrasso, icône intouchable à Bordeaux depuis qu’il a quasiment sauvé à lui seul le club de la relégation, durant deux saisons consécutives. Ce costaud, encore international il y a peu, déclarait ces jours-ci dans le journal Sud-Ouest : « Le pire scénario, c’est de ne pas être décisif et d’être impliqué sur les buts. Et ces deux matchs, ils me restent en travers de la gorge. (…) J’ai fait perdre trois points à l’équipe en deux matchs, et c’est ce qui me dérange le plus. (…) À moi de me remettre rapidement dans le droit chemin. J’en suis capable. » Tendance à l’auto-flagellation, donc, dans les salons cosy du Haillan. Et réactions en chaîne. Tiens, tiens… Pourtant, pas de traces de sang dans la salle de muscu, ni sur la moquette. Ni sur les poignets, d’ailleurs. Bon, Jean-Paul II se serait auto-flagellé pour se sentir plus proche de Dieu. Ce qui dans l’absolu ne sert à rien, puisque Messi est en Catalogne. Une théologie de la souffrance, pour l’ex-compatriote d’Obraniak, synonyme de privation volontaire. Mais sur les prés verts de Gironde, on n’en est pas là. Tout juste quelques autocritiques, aussi surprenantes soient-elles dans le contexte, et qui viennent après les sorties médiatiques de Ben Khalfallah ( « Tous des débiles ! » ) ou de certains autres qui envisagent de poser leur sac de sport ailleurs.
« C’est dans la tête »
Mais revenons à nos disciples. Un mal profond, plus qu’une quelconque stratégie de communication, ça se soigne avec beaucoup de doigté et de compréhension. « Je trouve que c’est honnête, et c’est bien, parce que ça permet de se remettre en question, indique Grégory Sertic, capitaine face aux Anglais. Il ne faut pas non plus se mettre trop de pression en se disant qu’on n’est pas bon, parce que sinon… On l’a vu l’année dernière (trois fois relégable, ndlr) » , ajoute-t-il, prudent. Il est jeune, le petit, mais déjà mûr pour analyser. « Nicolas(Maurice-Belay), c’est dans la tête… Il se la prend trop, il se pose beaucoup trop de questions. Mais il va y arriver, ajoute-t-il. Et Carrasso, combien de fois il nous sauve, aussi, hein ? Après, c’est bien de reconnaître ses erreurs, ça permet d’être plus performant et de rebondir. Et c’est ce qu’il nous faut pour gagner ce soir. »
Pas sûr, toutefois, qu’Alan Pardew veuille laisser ses pies se faire fouetter. En attendant, les Girondins joueront avec un maillot rose… en cuir.
Par Laurent Brun, à Bordeaux.