Bordeaux champion : 22 ans après…
Les journalistes sont paresseux. Comme pour tout le monde, Bordeaux champion en 2009, c'est 10 ans pile-poil après le dernier titre de 1999. Alors les journalistes brodent là-dessus : «1999-2009 : 10 ans après !»... Sauf que non. C'est à 1987 qu'il faut remonter pour établir un lien plus direct ou une analogie plus intéressante. En 1987, Bordeaux avait gagné son dernier titre en date, avant celui de 1999. C'est donc «1987-2009 : 22 ans après !» qui s'impose. Explications...
Bon, OK, la comparaison entre 2009 et 1999 est pertinente dans le sens où le duel final a opposé dans les deux cas Bordeaux et Marseille et qu’à la fin, ce sont les Girondins qui ont été sacrés. Autre similitude : c’est l’OL qui avait fini troisième en 98-99. Comme cette année. Mais en 1986-87, Bordeaux avait aussi été sacré champion de France devant l’OM. Déjà… On pourrait aussi dire qu’en 87 et 2009, on avait un Premier Ministre de droite (Chirac, RPR et Fillon, UMP) alors qu’en 99, c’était Jospin qui créchait à Matignon. Mais là, ce serait pousser le bouchon un peu trop loin.
En fait, ce qui rapproche 1987 de 2009, c’est le style de jeu des deux entraîneurs, Aimé Jacquet dans les années 80 et Laurent Blanc actuellement. Pas exactement d’un point de vue tactique (quoique…), mais plutôt sur la base de trois points communs : élan offensif, gros impact physique (en poids et en taille) et solidité défensive. Le profil de joueurs qu’Aimé Jacquet affectionnait était plutôt « germanique » , costaud (Battiston, Specht, Vercruysse, José Touré, Alain Roche, les frères Vujovic). On retrouvera les mêmes carrures d’athlètes chez les Bleus de 98. Dont Laurent Blanc… Pas étonnant que Lolo Blanc ait lui aussi monté un FC Girondin balèze (Fernando, Gourcuff, Diarra, Diawara, Chamakh, Enrique). Au-delà de la morphologie des joueurs, l’approche purement « physique » de Laurent Blanc rejoint celle d’Aimé Jacquet, obsédé notoire du travail foncier et des duels à remporter. Pas étonnant qu’une des clefs de la réussite des Girondins cette saison repose sur les deux stages physiques très intensifs menés avant saison et surtout en janvier 2009. La fraîcheur physique qui a accompagné les douze victoires d’affilée dans la dernière ligne droite en atteste…
On retrouve chez Laurent Blanc et Aimé Jacquet (avec Bordeaux ou avec les Bleus), le même allant offensif qui repose autant sur l’impact physique qui fait reculer l’adversaire sur ses bases que sur un jeu collectif chatoyant en passes, une-deux et dédoublements. Cette saison, ce sont plus les buts en puissance de Gourcuff, Chamakh, Fernando, voire Diawara, qui ont fait la différence plutôt que la finesse « latine » de Cavenaghi (13 buts, quand même). On observe la même volonté de domination méthodique et puissante chez Jacquet et Blanc. Ce qui quelque part n’est pas étonnant tant on sait qu’il existe une sorte de filiation entre l’ancien sélectionneur et ses deux relais chez les Bleus 98, Blanc et Deschamps. Reste que Lolo Blanc débute dans la carrière et qu’il a bâti un style « sobre et efficace » avec l’effectif dont il disposait. Mais ses options futures pourraient bien évoluer. Quand on a joué au Barça et à Manchester United, ça laisse augurer des lendemains qui chantent plus…
Le Bordeaux 1999 d’Elie Baup était sensiblement différent. S’il existait bien une base physique non négligeable (Saveljic, Pavon, Laslandes, Diawara, Alicarte), c’est moins sur l’impact athlétique que le Bordeaux 99 s’imposait que par le jeu. Un feu d’artifice permanent animé par une paire géniale : Micoud et Bernabia. Une idée complètement folle de Baup : jouer avec deux milieux créateurs excentrés ! En 99, une autre paire géniale devant : Laslandes et Wiltord, qui ont multiplié les buts dans toutes les positions. Benarbia, Micoud, Laslandes et Wiltord : un quatuor offensif qui reste encore l’une des références majeures du beau jeu « à la Française » . Même les stats parlent pour Bordeaux 99 : meilleure attaque (66 buts pour) et meilleure défense (29 buts contre), à la différence du Bordeaux 2009 (64 pour et 34 contre), voire Bordeaux 87 (57 pour et 27 buts contre). En 99 également, Wiltord avait fini meilleur buteur (22 buts), et Laslandes troisième (15). En 87, Fargeon est deuxième buteur (15 buts) et en 2009, Cavenaghi n’est que 7ème avec 13 buts (et une longue blessure, il est vrai). Au delà des stats, on peut dire que le Bordeaux 99 était plus proche du Barça actuel que les Bordeaux 1987 et 2009, plus proches de Chelsea ou Liverpool, au style plus « carré » et un peu moins emballant à voir jouer.
L’aventure continue pour Lolo Blanc et les Girondins. Le coach bordelais a de grandes ambitions au niveau du jeu. Il peut déjà compter sur Gourcuff, qui vient de re-signer, pour poursuivre dans un style offensif déjà mis en place. On attend un peu plus de folie et de créativité pour pouvoir vraiment associer 1999 et 2009. On observera donc le recrutement prochain des Marines. En principe, la manne de la Ligue des Champions autorise certaines largesses et beaucoup d’audace. Alors, bravo à Bordeaux et à Laurent Blanc… et faîtes-nous rêver un peu plus la saison prochaine ! Comme en 99…
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