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- Dernier match de Gillot avec Bordeaux
Bordeaux : Ce que Gillot nous a appris sur la vie
Qui dit fin de saison, dit bilan. Et passé l’attribution des bons et des mauvais points, il faut constater ce qui a été fait. En ponctuant un CDD de trois ans ce soir à Monaco (21h00), Francis Gillot et les siens mettent un terme à leur collaboration. Retour sur ce qu’a été J-Lo durant ses années girondines. Sur ses commentaires, digressions, coups de gueule et avis bien tranchés.
Les réseaux sociaux, c’est de la merde
À l’heure où tout le monde ou presque joue avec sa vie et celle des autres sur les réseaux sociaux, dans le microcosme archi-saturé du foot pro, il y en a un qui résiste encore et toujours à l’envahisseur : c’est lui. Il faut dire qu’il s’en branle complet de cette mode. Sauf qu’il a quand même son mot à dire. « Les réseaux sociaux, pour moi, c’est de la grosse merde, donc je le dis comme je le pense ! Ce sont des gens qui sont frustrés, aigris et qui se défoulent… Au lieu de taper sur leurs femmes, ils vont là-dessus. Et s’ils peuvent taper sur un entraîneur ou sur des joueurs, pourquoi pas ? Si on peut aider… » Et c’est rien, comparé à ce qu’il a dit concernant les journalistes…
Avec la presse, certains coachs font semblant
« On ne peut pas dire que j’ai une bonne presse… Parce que je l’ai voulu, hein. Je me suis braqué avec certains de vos collègues ; je savais comment ça se terminerait, mais je suis allé au bout de mes idées. Il y en a que j’apprécie et d’autres que je n’apprécie pas. C’est sûr qu’après, on peut faire semblant, comme certains entraîneurs, mais moi, j’y arrive plus ! » Dernière conf’ de presse au Haillan, et boum ! Règlement de compte. Le père Gillot a dégainé le premier. La presse gabonaise, qui avait aussi morflé peu avant le Trophée des champions, à Libreville (2013), doit se sentir moins seule. Pour son départ du club, Carlos Henrique a reçu un cadeau de la part des plumitifs. Pas Gillot.
La mentalité des joueurs a mal évolué
« Aujourd’hui, par rapport à la mentalité des joueurs, c’est plus difficile, parce qu’il y a beaucoup de paramètres que nous, entraîneurs, on ne maîtrise pas ; on l’accepte ou pas. » Lui, il dit qu’il l’a accepté. Pourtant, plusieurs fois, comme il le faisait aussi à Sochaux, Francis le tacleur les a séchés. Et bien comme il faut. Souvent, en les prenant en sandwich avec son président, Jean-Louis Triaud. À tel point que les « retraités » , ils ont même failli se mettre sur la gueule entre eux, dans le vestiaire, après un match perdu contre Francfort, en C3. La méthode Gillot, mieux que celle de Mourinho ?
On ne rigole pas avec les gens qu’on n’aime pas
« Droopy » , « Calimero » , etc. Tous les surnoms rappelant de près ou de loin l’incarnation profonde de la sinistrose lui ont été donnés. Mais lui, il s’est toujours défendu d’être le neurasthénique de service. Contrairement peut-être à ce que son image aurait pu laisser croire. Pince-sans-rire, chambreur, cynique, laconique, lunatique, parano ou ironique : oui. Mais dépressif : non ! « Il n’y a que des questions négatives… Heureusement que je ne suis pas dépressif, autrement, je me serais tiré une balle dans la tête en pleine conférence ! » , déclarait-il en 2013. En 2014 : « Je ne suis pas au bord de la dépression, je ne vais pas être interné pendant les vacances… D’autres, qui disent ça, vont se faire soigner avant moi ! J’ai peut-être une tronche qui fait peur, mais, bon… Il y en certains qui ont des têtes de cons, et c’est pas pour ça qu’ils le sont ! J’ai un air triste comme ça, mais avec les gens que j’aime bien, je rigole beaucoup. Avec ceux que je n’aime pas, je ne rigole pas. »
Changer de système rend mystérieux aux yeux de l’adversaire
Petit malin ou tacticien hors pair ? J-Lo est rusé. Pas désabusé. Il a eu de la ressource pendant trois ans. Et il en fallait un max pour faire jouer des garçons capables du pire comme du pire. Finalement, son mode de gestion n’a pas été si mauvais ; qualifié deux fois pour l’Europa League, vainqueur d’une Coupe de France, avec un effectif décrié et bien décimé par des blessures, et par des départs obscurs. Bref, tel un sorcier, il a réussi à embrouiller ses adversaires, avec ses 3-5-2, 4-4-2 (et losange) ou 4-2-3-1 changeants. « Je brasse beaucoup de systèmes de jeu et de joueurs (y compris en CFA et chez les U 19, ndlr) pour brouiller les pistes et pour surprendre l’adversaire. On a un avantage par rapport à différentes équipes, car on peut jouer avec plusieurs systèmes. Avant de recevoir la feuille de match, elles ne savent pas vraiment comment on va jouer. Et comme j’ai beaucoup de joueurs, ça rend encore plus difficile les choix de l’entraîneur adverse… » , indiquait-il, il y a deux saisons. Ses futurs employeurs sont prévenus. Un steak à 10h du mat’, ça donne pas envie
Il faut reconnaître que les Girondins ont souvent été les pigeons du dimanche après-midi. Retransmissions télé obligent, ils ont cumulé les passages à 14h00, et ont bien été mis en joue par la LFP. Mais hormis les changements d’habitudes sportives, c’est tout le reste qui a régulièrement fait parler Gillot. « On va jouer à 14h et je ne sais pas à quelle heure on va manger, s’interrogeait-il au départ. Et qu’est-ce qu’on va manger à 10h00 du matin ? Que va-t-il se passer quand on va réunir les joueurs à 10h00 et que l’on va leur présenter un steak et des pâtes ? On va voir la tronche qu’ils vont faire. On verra… Ce sera la surprise » , rigolait-il alors. La saison prochaine, sans Europa League, les Bordelais pourront faire leur sieste dominicale sans se prendre la tête. Et sans Gillot, aussi.
Une défaite dure trois jours
« Son travail, il le vit à 200 % et, quand il n’a pas de satisfactions, il le vit mal, indiquait il y a quelques jours Éric Bedouet, son adjoint. Une défaite, il l’a vit très, très mal, alors qu’il faut essayer d’anticiper… Je lui ai dit que quand c’était fini, c’était fini, mais il avait du mal… Mais ça se comprend. » Dans un style pisse-froid, J-Lo n’a jamais caché sa propension à prendre de grosses boules après la défaite. « Moi, je fais la gueule pendant trois jours, et j’ai du mal à digérer… Eux (ses joueurs, ndlr), un peu moins. Ils sont plus jeunes et ils ne revoient pas le match. Moi, je le revois trois fois et je le trouve trois fois mauvais ! Donc, je fais un peu plus la gueule pendant trois jours et eux, un peu moins… »
Le fair-play, c’est pour les mauvais
Sur l’herbe, quand il jouait, il n’était pas tendre. En tant que coach, finalement, il n’a pas trop changé. Surtout quand on lui parle de fair-play. Cette notion abstraite… « Ben, j’aime pas trop… et c’est que l’on manque d’agressivité, livrait-il lorsque les siens étaient en position avantageuse au tableau des bons élèves de Ligue 1. Il y a des clubs qui touchent quelque chose quand ils sont premiers au fair-play, et donc qui jouent ce classement-là. C’est pour ça que je n’aime pas être dans les trois premiers, puisque c’est la preuve qu’on n’est pas assez agressifs. Et si je comprends bien, l’année d’après, grâce à ce titre, on joue la Coupe d’Europe ? Ben, c’est un drôle de système. » Une déclaration, pas très… fair-play ! On s’en fout, ce classement, personne ne le regarde. Pas même lui…
Toujours rester poli avec les supporters
S’il y a bien un domaine dans lequel Francis Gillot n’a pas été attaqué lors de son intermède bordelais, c’est bien celui-là. Sa relation avec les fans marine et blanc a toujours été correcte, cordiale et respectueuse. Pour preuve, la rencontre finale tenue au Haillan, peu avant le déplacement à Monaco. Un au revoir voulu par les fidèles, qui succédait à des banderoles aperçues à Chaban-Delmas, une semaine avant, face à Marseille. « C’est quasiment la première fois que je leur parle… Je leur ai parlé la première fois il y a trois ans, et la dernière fois aujourd’hui (jeudi dernier, ndlr)! Donc il n’y a pas eu trop de liens entre nous, hein ! Mais c’était sympa, ils ont toujours été là, donc j’ai voulu leur dire au revoir. Je suis bien poli. »
Le Barça, c’est le football
Pendant trois ans, c’est presque chaque semaine que Francesc s’est livré à un petit commentaire énamouré au sujet du Barça. Pourquoi ? Parce qu’on savait qu’il en était fan. Adepte du jeu, du mouvement, de la technique, de l’efficacité, de Messi, Xavi, Iniesta, et de tout le reste. À tel point qu’il s’en est même inspiré pour reproduire ça sur les pelouses de Ligue 1. Mais Bordeaux, c’est pas Barcelone. Disons, pas vraiment, pour pas vexer. Alors, ils ont couru… « Je veux que l’on donne tout parce qu’aujourd’hui, on ne peut pas gagner la bataille sans courir ; même Martino veut que ses joueurs courent. Donc, nous… encore plus ! C’est un état d’esprit. Pourtant, à Barcelone, ils pourraient se la régaler, les Xavi, Iniesta. Ben non, ça ne se passe pas comme ça : on pense qu’ils ne courent pas, mais ils courent beaucoup. » Sans rechigner à parler du PSG, de Monaco, ou de Lyon, non plus…
Par Laurent Brun