- France
- Ligue 1
- 27e journée
- Lille/Bordeaux
Bordeaux a mal à la tête
Pas facile de se remettre la tête à l’endroit quand, depuis plusieurs semaines, le sort semble prendre un malin plaisir à s’acharner. Et ça, Francis Gillot ne le sait que trop bien. Problème, avant d’aller à Lille dimanche (21h00), les Girondins ont la migraine. Celle qui fait mal partout…
Le refrain est le même depuis quelque temps : les Girondins ne gagnent plus. Ou plus exactement, ne s’imposent plus en championnat. Car en coupes, ils passent. Non sans difficulté, certes, mais ça roule. Et ce, même si le coach doute fort que son onze soit réellement une équipe de coupe… Mais le sujet n’est pas là. Le tout, c’est de savoir si son onze est une équipe de foot. Juste ça. Parce qu’en ce moment, après les départs du mercato et la cascade de blessés (Nguemo, Henrique, Mariano, Rolan, Trémoulinas, Faubert, Bellion, Saivet et Sané) – dont certains seront peut-être rétablis in extremis pour le voyage dans le Nord –, pas facile d’aligner un semblant d’escouade. Et encore moins une formation compétitive. Basculés par leur faute et celle de leurs derniers adversaires à la 10e place du classement (38 points), après trois revers consécutifs, sept buts encaissés et aucun inscrit, les Bordelais sont victimes de céphalées carabinées. Migraine 1-Bordeaux 0. Deux défaites à domicile en une semaine (Lyon et Brest), soit trois depuis août à domicile (avec celle face au PSG), et un statut de défense de fer – alors l’une des plus hermétiques d’Europe – qui vole en éclat en trois rencontres.
Trouille, suffisance et remise en question
Sifflets, huées, désertion de Chaban-Delmas. Bref, le public en a plein le cigare. Mais précision, il faut peut-être juste se dire qu’au final, les pensionnaires du Haillan sont tout simplement revenus à leur place. L’infirmerie se remplit, les coupes bouffent de l’énergie et il y a de la casse. Mais quel(s) remède(s) trouver ? Docteur Gillot se pose la question et cherche. « On est bon quand on a la trouille (…), et quand on l’a moins, le problème c’est qu’il y a un peu de suffisance, moins de préparation mentale, fait-il observer. Il ne suffit pas de mettre les godasses pour gagner les matchs… Il faut courir aussi pour attaquer et pour défendre… On n’a pas de raison de prendre les autres pour des petits, parce qu’aujourd’hui, on n’est pas bien grands, poursuit-il, désabusé. C’est le danger… Et ça non plus, ça ne rentre pas. J’ai peur qu’on prenne le bouillon… Des joueurs choisissent des matchs, inconsciemment. C’est un problème individuel. Ça fait huit mois qu’on est sur la brèche… Et dès qu’on relâche un peu, on est morts ! Les champions doivent se remettre en question. Moi, je ne peux pas entrer dans leur tête ; je ne sais pas ce qu’ils ont dedans. » Dont acte.
Un refrain connu
À ce stade de réflexion, au-delà du constat d’impuissance chronique, l’analyse relève presque de la psychothérapie. « Qu’est-ce qu’on peut y faire ?, s’interroge encore J-Lo. Les joueurs sont prévenus, et c’est pas faute de le dire… Quand on voit les entames qu’on fait, je ne vois pas comment on peut gagner les matchs. Avec le staff, on les prévient… Pendant une heure, avant qu’on sorte. On leur dit de se concentrer, de faire attention à l’entame… Mais ça ne rentre jamais ! » Un refrain pas si inconnu que cela. Car les entraîneurs se succèdent (Laurent Blanc, Jean Tigana) et le diagnostic est le même : c’est la tête qui flanche. Et quel que soit l’effectif en place. « Certains font leur match, d’autres non… C’est comme ça. Après, je ne pense pas que ce soit physique ; c’est dans la tête. Et est-ce qu’on a le talent, je n’en sais rien… Mais actuellement, le relais n’est pas pris. » La fracture du moral est palpable. Plus grave, les Aquitains doivent se motiver pour aller… jouer au football ! C’est sûr, c’est pire que d’aller à l’usine. Si c’est pas triste tout ça… Mais on nous dit que c’est inconscient. Alors…
Jouer le Barça
Pédagogie, coups de pied au cul, chamanisme, tout y passe, mais rien n’y fait. Les Girondins sont des intérimaires de la motivation, le LOSC se frotte les mains. « L’état d’esprit, chez nous, c’est une fois de temps en temps… On n’a aucune certitude aujourd’hui, par rapport à ça, au contenu du jeu et à mon effectif, tranche Gillot. Donc, on ne peut pas parler d’objectifs, parce que ça serait incohérent » , indiquait-il aussi, peu avant la qualification (aux tirs au but) à Raon-l’Étape, en huitième de finale de Coupe de France. Voilà. Pas de remèdes, des blessés en pagaille, un moral en berne, une ambition compressée entre désir, utopie et réalité de terrain : le patient aquitain va mal. Il coince la bulle, comprimé, et sans le moindre soupçon d’effervescence en Ligue 1. Le mal paraît incurable. Ou pas. Car c’est un gamin de 20 ans qui le prétend. « Il faut se faire violence… Dans nos têtes, il faut se préparer et se dire qu’on joue le Barça ! Je pense qu’on doit se persuader qu’on va jouer une grosse équipe pour être prêt mentalement. Voilà ! » La méthode est signée Maxime Poundjé, arrière latéral en devenir. Un élixir de jeunesse qui, sait-on jamais, pourrait très prochainement faire son effet à Bordeaux…
Par Laurent Brun, à Bordeaux