- Ligue des champions
- 8e retour
- FC Barcelone/Manchester City
Bony, de Black Swan à Citizen lambda
Joueur majeur à Swansea où il empilait les buts comme les perles, Wilfried Bony n'a pas résisté aux sirènes de Manchester City en janvier dernier. Dans un effectif à la concurrence exacerbée, l'international ivoirien va devoir batailler pour obtenir sa place de titulaire. Un challenge – un de plus dans son parcours singulier – qui semble à la portée d'un talent qui a jusqu'ici réussi tout ce qu'il a entrepris.
D’aucuns choisissent de sincères déclarations d’amour. D’autres, plus sournois et plus adeptes de la langue de bois, n’hésitent pas à tomber dans l’exagération quand ils épousent leur nouveau club. Lorsque Wilfried Bony rejoint Manchester City en janvier pour la coquette somme de 36,5 millions d’euros (bonus compris), il ne s’embarrasse pas et lâche délibérément cette phrase, qui prête aujourd’hui à sourire : « Je rêvais de jouer pour City depuis quinze ans » . La déclaration semble touchante, mais perd toute crédibilité au moment de rappeler que les Citizens évoluaient alors en First Division (la seconde division anglaise, renommée Championship en 2004). Mais ça, l’Ivoirien n’en a cure. Depuis le début de sa carrière, le maître mot n’a pas changé d’un iota : l’ambition. Chevillée au corps, celle-ci l’a menée au Sparta Prague, au Vitesse Arnhem, à Swansea, puis désormais dans les rangs du champion en titre d’Angleterre. Bony souhaitait connaître le très haut niveau, il est maintenant servi. Et cela, qu’importe s’il a fallu se fendre d’une sortie médiatique à la franchise douteuse.
Meilleur buteur sur l’année civile 2014 en Premier League
Si l’ambition a toujours été le moteur dans le parcours de Wilfried Bony, elle ne s’est jamais confondue avec de la condescendance. L’attaquant ivoirien s’est construit pas à pas, step by step. Après avoir terminé sa formation à la Cyril Domoraud Academy en Côte d’Ivoire, le gamin rejoint Issia Wazi. Grâce à des prestations marquantes, il s’ouvre les portes de Liverpool pour un essai, en 2007. Mais Rafael Benítez n’est nullement séduit. C’est finalement en République tchèque, au Sparta Prague, qu’il connaîtra sa première vraie expérience européenne un an plus tard, là où la température descend habituellement jusqu’à -10 degrés. D’abord en Bohemian Football League (D3 tchèque), puis au fur et à mesure en Gambrinus Liga (D1), où son talent alerte le club néerlandais du Vitesse Arnhem. Là-bas, durant deux saisons (2011-2013), le gamin de Bingerville fait ce qu’il sait faire de mieux : claquer pion sur pion. Ainsi, le bonhomme totalise 46 réalisations en 65 matchs toutes compétitions confondues. « Arnhem ne fait pas partie des meilleurs clubs des Pays-Bas, mais pour moi, c’était un très bon choix, justifiait-il, clairvoyant sur ses choix de carrière, il y a deux ans à Jeune Afrique. Il y a des gens qui étaient étonnés de ma décision, mais j’ai eu raison. En République tchèque, le football est dur, physique. Je voulais progresser tactiquement, techniquement, dans un championnat réputé pour être offensif. C’est ce qui est arrivé. » Une prouesse, mais son regard était déjà tourné vers des horizons plus majestueux.
Son élan, Bony va définitivement le prendre à Swansea. Dès son arrivée en juillet 2013, celui qui pesait 6,5 kilos à sa naissance selon certaines légendes ivoiriennes va faire étalage de toutes ses qualités. Une physique musculeux hors norme (1m82 sur la toise pour 91kg sur la balance), des cuisses opulentes conjugués à une technique renversante. « À l’entraînement, vous voyez que c’est une machine à marquer, mais il fait ça de manière silencieuse. Et il tire si fort, ce n’est pas normal » confiait à son sujet, admiratif, son coéquipier et gardien néerlandais Michel Vorm au journal De Telegraaf en 2014. « Je suis naturellement fort, évoquait pour sa part récemment au Guardian le principal intéressé. J’ai hérité ça de ma mère qui était ceinture noire en judo. Je n’ai pas besoin d’aller à la salle de musculation. » L’attaquant des Swans boucle sa première saison avec un total de 17 pions inscrits en Premier League (26 toutes compétitions confondues). Surtout, il se paye ensuite le luxe de terminer meilleur buteur du championnat anglais avec 21 buts sur l’année civile 2014.
Intégré au détriment de Jovetić en C1
En avril dernier, l’international ivoirien revenait pour Wales Online sur l’état d’esprit qui l’anime. Des déclarations qui éclairent sur son parcours atypique : « Parfois, j’avais envie de partir. Mais pour aller où ? Si tu ne rencontres pas le succès à Swansea, alors Chelsea, Arsenal ou Manchester United ne vont pas t’appeler » . Convaincu par ses performances étincelantes au sein d’une formation modeste du Royaume, Manchester City se décide à sortir le premier le chéquier pour enrôler celui que certains surnomment le « Hulk africain » . Au plus grand bonheur du manager des Citizens, Manuel Pellegrini. « Je pense qu’il a toutes les qualités pour être un joueur important parce que nous essayons toujours de jouer avec deux attaquants. Il est le joueur parfait pour notre équipe, expliquait-il fin février. Il connaît la Premier League, notre équipe, donc je pense que ce sera facile pour lui de s’intégrer. » La décision de Bony de rallier Manchester a toutefois soulevé quelques interrogations au regard du secteur déjà pléthorique avec le Kun Agüero, Džeko et Jovetić. Mais le boss chilien a rapidement mis en confiance le nouvel arrivant en l’intégrant à la liste des joueurs inscrits pour la Champions League au détriment de Jovetić, retenu au préalable, mais trop discret lors de ses rares apparitions.
Depuis son retour de la CAN remportée avec les Éléphants, il a été utilisé avec parcimonie, entrant seulement en jeu lors des quatre dernières rencontres de Premier League (141 minutes de jeu au total). Avec son profil singulier, Bony a clairement de quoi bousculer la hiérarchie en place. Si Agüero est intouchable, son corps si souvent fragile l’a souvent écarté des terrains et son absence a souvent porté préjudice à son équipe. Edin Džeko, lui, a souvent failli dans la constance et n’a jamais véritablement convaincu malgré trois ans et demi au club. L’avenir de ce dernier, désappointé de ne jouir que d’un statut d’éternel Super Sub, pourrait d’ailleurs être étroitement lié à celui de son homologue ivoirien. Un départ de l’attaquant bosnien favoriserait sans doute son intégration. Mais, au fond, l’Éléphant ne tremble pas à l’idée de devoir affronter une féroce concurrence. Top player à Swansea, il est devenu un bon joueur parmi tant d’autres dans l’effectif très bling-bling et copieux de City. Tout reste à prouver pour lui. Fort d’un destin atypique, Wilfried Bony entend s’appuyer sur son vécu pour assouvir ses desseins. « Quand je focalise mon esprit sur quelque chose, je ne peux pas échouer » , soufflait-il encore au Guardian en novembre dernier. À lui de prouver, cette fois, qu’il était sincère.
Par Romain Duchâteau