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Bonucci, la vie tout seul
Après avoir construit avec Giorgio Chiellini l'une des plus belles complicités défensives de la décennie, Leonardo Bonucci se retrouve seul face à la meute pour tenir la défense de la Nazionale, qui affronte la Finlande ce dimanche, alors que son compère de toujours, gravement blessé, en a au moins pour six mois d'infirmerie. Voilà qui représente l'un des plus grands défis de la carrière d'un type qui a surtout pris l'habitude de réussir en couple.
À les voir ensemble, on a souvent envie de parler de symbiose. À savoir, en termes scientifiques, « l’association biologique, durable et réciproquement profitable, entre deux organismes vivants. » Depuis 2010, à la Juventus et en Nazionale, Bonucci-Chiellini, c’est cette union étroite, intuitivement complémentaire, où l’un n’est supposément jamais aussi fort que quand l’autre est à ses cotés. Problème : derrière la perfection apparente du couple et de son équilibre, la balance semble en réalité pencher plus d’un coté que de l’autre. Car si Chiellini, actuellement absent pour six mois pour cause de blessure grave, reste cet immuable stoppeur intraitable avec ou sans Bonucci, le second, lui, n’est manifestement plus le même défenseur quand il est privé de son historique binôme.
Giorgio dépendance
Dernière illustration du phénomène, ce match face à l’Arménie jeudi dernier remporté par l’Italie trois buts à un, où Bonucci, capitaine et associé à Romagnoli dans l’axe, n’a pas franchement rassuré ses lignes arrière. Pas exempt de reproches sur le premier but arménien de Karapetyan, il a souvent semblé emprunté dans ses déplacements et trop tendre dans les duels. Rien de tout à fait surprenant là-dedans : Leonardo Bonucci est devenu un immense défenseur avec Giorgio Chiellini à ses côtés. Quand il débarque à la Juve en 2010-2011, Leo arrive en provenance de Bari en Serie B, quand Chiellini est déjà depuis quatre saisons un titulaire indiscutable du club piémontais. La suite, ces sept Scudetti, cette finale d’Euro 2012 avec la Nazionale et ces deux finales de C1 que le duo va vivre ensemble, est bien connue.
La parenthèse rossonera de Bonucci, transféré à l’AC Milan en 2017-2018, va cependant notoirement nuancer ce tableau d’apparence idyllique. En Lombardie, Bonucci n’est plus tout à fait ce défenseur à la technique impeccable et aux passes longues harmonieuses, dont le sens de l’anticipation se mariait merveilleusement bien avec la science du duel et du placement de Chiellini. Son retour à Turin a depuis semblé confirmer les impressions entrevues lors de son expérience pour le moins contrastée au Milan : quand il doit composer sans Chiellini, Bonucci surnage dans un costard de patron qui semble soudainement un tantinet trop large pour ses seules épaules. Il suffit de zieuter les récents résultats de la Juventus avec Bonucci dans le onze type, mais avec Chiellini sur le banc ou à l’infirmerie, pour s’en convaincre : fin août dernier, la Juve encaissait trois buts face au Napoli lors de la seconde journée de Serie A pour finalement l’emporter d’un rien, quatre à trois, avec une charnière Bonucci-De Ligt souvent navrante de passivité défensive. Encore plus révélateur, la Vieille Dame se faisait éjecter la saison dernière de la C1 par un Ajax ébouriffant, mais néanmoins un ton en dessous sur le papier : une élimination notamment marquée par le forfait de Chiellini, absent aussi bien à l’aller qu’au retour, toujours pour cause de problèmes physiques.
La vie sans Chiellini
Pour la Juve et la Nazionale, le problème est de taille : à 35 ans, la carcasse surmenée de Chiellini n’est plus gage de fiabilité. Celle de Bonucci, moins cabossée, n’offre néanmoins pas les garanties espérées sur le terrain. Du moins pas encore. Toute la question est de savoir si Bonucci saura se reconstruire un statut de référence défensive, sans celui qui a constitué son idyllique moitié dans l’axe, son sublime salopard à lui, qui lui aura permis d’épouser le beau rôle du défenseur élégant, joueur, dont les passes de 60 mètres allument des étincelles de plaisir dans les mirettes. Mais Leonardo peut-il encore se réinventer, à 32 ans passés ? Voilà une question qui doit trotter quelque part dans le crâne de Roberto Mancini, alors que l’Italie affronte la Finlande ce dimanche, pour la sixième journée des qualifications pour l’Euro 2020. À Leonardo Bonucci d’y apporter un début de réponse, en démontrant que le brassard de capitaine, qu’il a passagèrement hérité de Chiellini en attendant que ce dernier fasse son retour sur les près, est plus qu’un passage de relais symbolique.
Par Adrien Candau