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Bonucci, comme à la maison
Suspendu lors du match aller de Serie A joué par Milan face aux Bianconeri en octobre dernier, Leonardo Bonucci retrouve la Juventus ce samedi à l'Allianz Stadium. Pour peut-être enfin tourner la page d'un transfert dont la controverse le poursuit encore aujourd'hui.
C’est comme si son subconscient lui avait subitement dit stop. Le 22 octobre dernier, face au Genoa, Leonardo Bonucci envoyait un coup de coude vicelard dans la tronche d’Aleandro Rosi, un des joueurs du Griffon. Conséquence : le défenseur prend deux matchs de suspension. Et loupe le sommet qui se tiendra six jours plus tard entre Milan et la Juventus. Presque une heureuse coïncidence pour Bonucci, qui vit alors une entame de saison cauchemardesque avec les Rossoneri. À l’image du Milan de ce début de saison, l’arrière central de la Nazionale n’avance plus. Comme piégé dans une boucle dans laquelle il doit sans cesse se justifier face aux médias, aux tifosi, à l’Italie, en répondant sempiternellement à la même question : mais pourquoi donc s’est-il décidé à quitter la Juventus pour le Diavolo ?
« Mais dans quoi est-ce que tu t’es embarqué ? »
Près de six mois plus tard, le défenseur semble s’être remis la tête à l’endroit grâce à un Milan régénéré par l’arrivée de Gennaro Gattuso. Mais aussi au passage du temps, qui a permis à Bonucci de tempérer l’ouragan médiatique que son départ pour Milan a engendré. Un départ qui soulève toujours une part de mystère, qui a continué d’intriguer l’Italie toute entière des mois après que Bonucci a rejoint les Rossoneri. Pas facile pour Leo, qui doit se faire à ses nouvelles couleurs et assumer le capitanat d’un onze milanais vierge de tout automatisme collectif. Un problème global donc – « nous avons eu du mal à créer une synergie de groupe à Milan » –, mais aussi individuel, reconnaissait Bonucci lui-même début mars : « Pendant mes trois premiers mois au Milan, je me suis demandé « Mais dans quoi est-ce que tu t’es embarqué ? » Mes performances sur le terrain ne correspondaient pas à celles du vrai Bonucci parce que que j’avais énormément de choses en tête… Puis j’ai commencé à travailler sur moi-même… Parce que c’était impossible pour moi d’avoir autant changé en l’espace de trois mois. » Des débuts cauchemardesques, où le joueur se décompose mentalement, en devant répondre aux attaques du tribunal médiatique et populaire qui exige de savoir ce qui lui est passé par la tête pour claquer la porte d’un club où il a remporté six Scudetti de rang et disputé deux finales de C1.
Porto, l’ultime cassure
Six mois plus tard, quelques éléments de réponse ont timidement émergé. D’abord, en examinant les déclarations du principal intéressé. Suspendu par la Juve à la suite d’une altercation salée avec Allegri face à Palerme en Serie A, Bonucci ne dispute pas le match aller de C1 que les Piémontais jouent face à Porto en février 2017. Un incident sur lequel il s’est expliqué : « Ce qui est arrivé à Porto est juste la dernière fêlure qui a brisé le vase… Pour me donner 100%, j’ai besoin de me sentir important. À la Juve, cela arrivait seulement par phases et je ne pouvais plus le supporter… Cependant, j’ai toujours conservé d’excellentes relations avec Gigi, Andrea et Giorgio… Je dirais que, dans mes derniers mois au club, quelque chose, pas avec eux ceci dit, s’était un peu cassé. »
Comme si le joueur souffrait d’un manque de reconnaissance de la part d’un club qui n’offre de passe-droit à personne. Pas même à Paulo Dybala, qu’Allegri a envoyé régulièrement sur le banc cette saison, alors que l’Argentin est considéré par beaucoup comme un potentiel Ballon d’or dans les années à venir. A contrario, Bonucci bénéficie dès son arrivée à Milan du statut de star du nouveau projet lombard, relancé à coups de billets verts par ses nouveaux investisseurs chinois. Et s’empare du brassard de capitaine, qu’il ne pouvait même pas espérer convoiter à la Juve, du moins tant que Gigi Buffon respire encore.
Tourner la page
Reste que l’incompréhension relative au départ du joueur subsiste à Turin. C’est en tout cas ce qu’explique Massimiliano Allegri : « J’étais très déçu de le voir partir, car Léo aurait été le futur capitaine de la Juventus, un exemple qui, à l’avenir, aurait transmis l’ADN des Bianconeri. » Plus consensuel, Andrea Barzagli a, lui, tenu à éteindre la polémique qui prétendait que Bonucci se serait engueulé avec ses coéquipiers à la mi-temps de la finale de la dernière C1 disputée et perdue par la Juve, face au Real : « Ça me fait bizarre de ne plus te voir dans le vestiaire, ce même vestiaire que quelqu’un a décrit comme divisé, avec des inventions et des fantasmes à propos de disputes et clashs. Mais on connaît la vérité. Bonne chance dans ta nouvelle aventure, Leo. » Même regrets chez Giorgio Chiellini, désormais séparé en club de celui qui reste son partenaire de prédilection en Nazionale : « Je ne m’attendais pas à l’adieu de Bonucci, sincèrement. Cela s’est fait à l’improviste. Et ce à quoi je m’attendais encore moins, c’est la destination. »
Des sentiments ambivalents, à mi-chemin entre reconnaissance et amertume, à l’image de l’accueil que les tifosi pourraient réserver à Bonucci pour son retour à Turin ce samedi. Selon les médias piémontais, les fans bianconeri seraient partagés entre l’idée de lui asséner quelques sifflets bien sentis ou des applaudissements fournis. Bonucci, lui, n’a pas voulu jeter d’huile sur le feu : « Ces années à Turin resteront dans mon cœur, parce qu’elles m’ont permis de devenir ce que je suis. Je verrai beaucoup de gens qui m’aimaient. Ce sera émotionnellement particulier. » Une déclaration apaisante, histoire de peut-être enfin tourner la page en douceur, pour clore le chapitre Juventus. Et définitivement écrire une nouvelle histoire au Milan.
Par Adrien Candau
Tous propos issus de Tuttosport, La Gazzetta dello Sport et le Corriere dello sport