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Bonnevay : « Au Japon, tu es serein pour travailler »
Depuis dix-neuf mois, Jacky Bonnevay est l’adjoint de Vahid Halilhodžić, avec qui il avait déjà travaillé à Trabzonspor et gère aujourd'hui l'équipe nationale du Japon. Jeudi, les Nippons ont eu chaud aux miches face à l’Irak (2-1). Avant le match en Australie mardi, l’ancien défenseur de Marseille et de Sochaux nous raconte sa mission en Asie, entre deux montages vidéo...
À quelques secondes près, le Japon faisait match nul contre l’Irak et se retrouvait un peu dans la mouise avant d’aller en Australie…Oui, car on marque dans les dernières sondes du temps additionnel, au terme d’un match moyen. L’essentiel était de gagner. Lors de notre premier match du dernier tour, début septembre, on a perdu chez nous devant les Émirats arabes unis (1-2). On a ensuite battu la Thaïlande chez elle (2-0), mais si on veut se qualifier pour la Coupe du monde, il faut terminer parmi les deux premiers. Et avec cette défaite contre les Émirats, nous avons presque brûlé notre joker. Là, on se déplace en Australie, considéré comme le favori du groupe. Et ça ne sera pas simple…
Il paraît qu’entre la presse japonaise et Vahid, depuis cette défaite, les relations sont un peu plus fraîches. Est-ce exact ?Non, pas particulièrement. Les relations sont courtoises. Mais il y a une grosse attente des Japonais, dont la sélection joue la Coupe du monde sans interruption depuis 1998. Il existe un gros engouement pour le foot, même si le baseball reste le sport numéro 1. Une conférence de presse de Vahid, c’est une centaine de journalistes…
Vous aviez déjà bossé avec lui à Trabzonspor, de juillet à décembre 2014. Mais c’était en club…On ne travaille pas de la même façon avec une sélection. Nos semaines sont différentes. Le lundi, c’est repos. Dès le mardi, on débriefe les matchs que nous avons vus durant le week-end. Nous, c’est-à-dire Vahid, Cyril Moine, qui s’occupe notamment de la préparation physique de la sélection, et des membres japonais du staff. On voit un à deux matchs par week-end. Car même si la plupart des internationaux évoluent en Europe, il est absolument nécessaire de suivre ceux qui sont au pays. Et notre mission consiste également à superviser ceux qui pourraient être appelés en équipe nationale. Parfois, je me déplace seul, en voiture ou en train. Parfois, nous sommes deux.
Venez-vous régulièrement en Europe ?Nous sommes obligés. La plupart du temps, on se partage les voyages avec Cyril. On passe une quinzaine de jours en Europe et on va voir nos internationaux, en Allemagne, en France, en Angleterre, en Suisse, en Autriche, en Espagne. On se débrouille pour les voir après les matchs. Comme ils parlent anglais, ça va… Et on échange aussi avec leurs entraîneurs. À Marseille, pour Sakai, c’est facile, puisque j’ai joué avec Franck Passi. Et pour Yoshida (Southampton), j’ai régulièrement Claude Puel au téléphone. Et quand nous sommes au Japon, grâce à Internet, il y a la possibilité de suivre les matchs de nos Européens. Moi, par exemple, je me consacre plus particulièrement aux défenseurs.
Les Japonais ont la réputation d’être particulièrement disciplinés. Pour un amoureux de la rigueur comme Halilhodžić, le Japon doit être un véritable paradis sur terre…On a la chance de bosser avec des personnes rigoureuses, méticuleuses. Tout est carré. Ici, tu es serein pour travailler. Déjà, la façon dont on s’occupe de nous, Vahid, Cyril et moi, depuis que nous sommes arrivés, est impressionnante. Nous avons des interprètes, nous habitons tous les trois dans la même résidence, à une vingtaine de minutes en voiture de la Fédération. Les conditions de travail sont idéales. Il n’y a pas de mauvaises surprises lors des déplacements, lors des stages de la sélection. Et puis, la mentalité japonaise permet de travailler sereinement. Les joueurs sont d’une incroyable ponctualité. Il n’y a jamais un retard. Quand on doit être dans le bus à 10 heures, ils sont tous installés cinq minutes avant. Ils sont polis, disciplinés, toujours motivés. Ils ont envie d’apprendre et sont très à l’écoute. Et puis, je n’ai jamais vu un joueur faire la tête parce qu’il ne joue pas.
Jamais ?Jamais. Tenez, contre l’Irak, Kagawa (Borussia Dortmund) et Nagatomo (Inter Milan) n’ont pas joué. Eh bien, pas un n’a fait la gueule. Ils étaient peut-être mécontents de ne pas être sur le terrain, mais ils ne le montraient pas. Ils encourageaient leurs coéquipiers. Franchement, c’est un régal. Et puis, les supporters ne sifflent jamais leur équipe. Qu’il s’agisse de la sélection ou des clubs. Même si tu es mené 4-0 chez toi, ils vont continuer à l’encourager. Quand on a perdu contre les Émirats à Saitama le mois dernier, le public était silencieux. Mais pas hostile.
Avez-vous le temps de découvrir le Japon autrement que lors de vos déplacements professionnels ?Oui, je visite quand j’en ai le temps. Il y a déjà pas mal de choses à voir à Tokyo et dans les environs. Quand je suis arrivé ici, je me suis dit que jamais je n’arriverais à conduire dans cette ville. Et puis, finalement, j’ai appris à me débrouiller. J’utilise la voiture, le métro, très pratique, et même le vélo. Cyril Moine aussi a acheté un vélo. Ce qui est sympa à Tokyo, c’est la diversité des quartiers. Tu as l’impression que c’est une multitude de villages collés les uns aux autres. Tu as des endroits très calmes, d’autres bondés de jour comme de nuit. D’ailleurs, il y a un truc sympa : certains magasins sont ouverts 24h/24. Tu rentres de déplacement tard le soir, mais tu vas trouver un endroit pas loin de chez toi pour faire tes courses. D’ailleurs, j’apprécie beaucoup la cuisine japonaise. Je ne cherche pas spécialement à manger français. Même si Tokyo compte plusieurs chefs étoilés français…
Avec Halilhodžić et Moine, c’est un vrai ménage à trois…(Rires) Non, non. On se voit beaucoup à la Fédération. Et parfois en dehors. Mais on ne passe pas toute notre vie ensemble. On a de la famille qui vient nous voir, car l’éloignement, c’est ce qui est le plus difficile à vivre… On a besoin de prendre un peu d’espace de temps en temps…
Propos recueillis par Alexis Billebault