- C1
- 8es
- Dortmund-PSG (2-1)
Bonne nouvelle, le PSG va mal !
Oui, le PSG a perdu. Oui, le PSG a mal joué. Oui, Dortmund est un adversaire redoutable, probablement trois crans au-dessus des Parisiens sur ce match aller. Mais plonger dans le négativisme possède l'inconvénient de masquer la seule réjouissance de ce premier round : Paris est désormais le chasseur, et voilà qui change.
Il faut savoir quelque chose avant de parler à Neymar : s’il y a une chose qu’il tient moins longtemps que le ballon, c’est le regard de ses interlocuteurs. Surtout lorsqu’il vient de perdre un match. Il faut le voir à l’œuvre pour comprendre le degré de déformation professionnelle quand, l’œil habitué à scruter ailleurs sur le terrain, il fait désormais de même lorsqu’il s’exprime. Les yeux s’évadent à droite, reviennent au centre, puis furètent rapidement à gauche avant de s’ancrer de nouveau dans les mirettes des caméras. Ce regard, précisément, a deux inconvénients, et ce, depuis que Neymar montre sa bouille à la TV : ça n’est pas télégénique, et il fait dire aux autres que vous vous en cognez. Regardez comme il s’en fiche, il regarde ailleurs !
En poussant le raisonnement au défilé de joueurs aperçu en zone mixte du Signal Iduna Park – soit une bande tapissée en plein parking du stade, bien moins ouatée que le zigzag du Parc des Princes -, voilà ce qu’un sourd aurait aperçu : des regards baissés, des yeux mi-clos, des tapotages consolateurs de Jean-Claude Blanc sur les fesses de chaque joueur montant dans le bus parisien, des capuches sur les têtes (Verratti, Gueye), parfois les casques qui vont avec (Di María, Icardi), et quelques paroles de tauliers (Verratti encore, Silva toujours, et Neymar pour râler). En lui ajoutant l’ouïe, le sourd qui ne le serait plus s’apercevrait que les joueurs répondent à la presse comme s’ils berçaient un bébé, dans un filet de voix plus tard amplifié par les micros, et qui oblige, comble de l’absurde, à découvrir sur Internet la bande-son d’une scène qui s’est déroulée un mètre devant soi. Bref, à s’en tenir à l’image, ce mardi soir, les Parisiens n’en menaient pas large. Maintenant, vient l’heure d’écouter ce qui se dit.
Pas de panique à bord, le fun et la vitesse d’abord
Tuchel, d’abord : « Ce n’était pas un match décisif, pas une finale, j’ai donc pris la décision de ne pas risquer de prendre un troisième but en gardant notre structure contenant les latéraux, Guerreiro et Hakimi. » Un seul changement à un quart d’heure du terme, Sarabia pour Di María, choix personnel. Assumé. Un match à élimination direct de C1 se joue au meilleur des deux manches, et l’Allemand a rappelé que Paris venait seulement de perdre le premier set. Neymar, ensuite, auto-adoubé d’un hashtag « #Ready » sur Instagram à la veille du match, venu rappeler à qui voulait l’entendre qu’il n’avait plus joué depuis 18 jours – contre son gré -, et que ça n’est pas la préparation idéale avant un match décisif où il ne fut, en plus, pas le plus inutile du trio de tête. « Le club a eu peur et ça retombe sur moi » , a-t-il balancé, l’œil à droite, à gauche, l’air de s’en cogner. Bon.
Les blessés, le physique. À résumer ce qui s’est dit dans les travées du Signal, les punchlinesbien senties, et leur effet sur les discussions de presse qui ont suivi, le problème était d’ordre médical, pour dire large. On remarque également que tout boulet que soit la préparation du PSG, le club n’a perdu que 2-1 dans un match à l’extérieur d’une intensité inattendue, en se trompant de A à Z sur sa tactique, en tombant dans la plupart des pièges tendus par Lucien Favre et en touchant l’équerre une fois. Un naufrage, ça ? Non : une marée. Le Radeau de la Méduse est bien loin, et les discours vont par ailleurs en ce sens : pas de panique. Sans certains cadres, sans forme, sans chance et sans talent, Paris a réussi à marquer un but à l’extérieur qui le place finalement, en s’en tenant au cadre strictement comptable, dans une situation qui n’est pas si défavorable qu’elle aurait pu l’être. Même s’il faut s’arracher la langue pour le dire après la prestation d’hier, le fait est que Paris se retrouve pour la première fois depuis longtemps dans la position du chasseur, et qu’à défaut de savoir si elle lui plaît, elle ne peut pas peser plus lourd que celle du chassé.
Un chasseur sachant…
Deux choses : soit Thomas Tuchel et son club se voilent la face, soit ils maîtrisent leur sujet. Si c’est cette deuxième version qu’a voulu faire passer le coach en conférence de presse, les conclusions ne pourront être tirées qu’après le match retour. Autre bonne nouvelle : au moins, ce coup-ci, on est sûr que Paris ne subira pas de « remontada » . Pas besoin d’en rajouter, l’overdose est proche, et il tarde de voir comment le PSG saura se sortir d’une situation inédite, semblable à celle qui fut à l’origine de l’un des matchs fondateurs du Paris qatari, celui contre Chelsea au Parc, en 2015.
Il faudra faire sans Verratti, sans Meunier, mais ce Paris-là ne s’en sortant jamais mieux que lorsqu’il est donné pour mort, est-ce si grave ? S’il fallait positiver au sortir d’une rouste, voilà ce qui serait dit. En se masquant les yeux sur l’étrangeté de la mise à l’écart de Paredes, des suspendus à venir, des remous provoqués par le frère de Kimpembe, et du siège éjectable sur lequel est assis Tuchel, les chiffres sont tels : Paris a mathématiquement 51% de chances de passer au tour suivant, même en ayant passé son temps à démontrer l’absurdité de telles données. Un détail chiffonne, toutefois. Un peu plus au sud de l’Europe, Liverpool a perdu 1-0 contre l’Atlético de Madrid. En zone mixte, Andy Robertson a dit ceci, le regard haut, le regard noir, le regard fixe : « Ils célèbrent comme s’ils s’étaient qualifiés, alors on verra.(…)Ils vont venir à Anfield, nous savons que nos fans seront là. Nous serons là. » La pression, la vraie. Pas de cachettes, pas de pleurnichements. On aurait aimé voir Neymar dire la même chose droit dans les yeux. Mais c’est peut-être trop demander.
Par Théo Denmat, au Signal Iduna Park